S’il est un des secteurs les plus violemment touchés par les mesures pour lutter contre la pandémie, le tourisme est aussi l’un de ceux qui devra rester le plus longtemps en veille, en France mais aussi dans toute l’Union européenne (UE). Les Vingt sept planchent, avec la Commission, sur des stratégies de relance coordonnées, voire un véritable plan Marshall pour ce secteur.
Car la facture s’annonce salée pour ce domaine qui représente 10 % du PIB de l’UE – 7,4 % du PIB en France- et 27 millions d’emplois. Selon la Commission européenne, il devrait voir ses revenus chuter de 50 % en 2020.
L’impact de la crise sera d’autant plus fort dans les pays du sud très dépendants de ces sources de revenus, comme la Grèce, l’Espagne, l’Italie ou le Portugal, accueillant des millions de touristes sur leurs côtes pendant l’été. Les restrictions de voyage risquent en effet de plomber leurs économies déjà affaiblies par la lutte contre la pandémie.
Mais des poids-lourds comme la France seront également fortement impacté alors que la sortie du confinement s’annonce très progressive, avec une reprise du secteur basée sur le tourisme de proximité, par « cercles concentriques » pour reprendre les dernières déclarations du secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, en charge du tourisme, Jean-Baptiste Lemoyne.
Un plan Marshall pour le tourisme ?
Soutenus par la France, ces États ont réclamé – lors d’une rencontre informelle des ministres européens du Tourisme la semaine passée – un « soutien fort » de l’UE dans le cadre du plan de relance de « 1000 à 2000 milliards d’euros » proposé par la Commission, mais toujours pas adopté faute de consensus au sein des Vingt-sept.
Pour Thierry Breton, le Commissaire en charge de l’Industrie et du marché intérieur, un « plan Marshall pour le tourisme » devra être déployé à moyen et long terme, à l’aide de subventions et non de prêts.
A court terme, le secteur du tourisme pourra rapidement bénéficier des mesures de soutien de trésorerie, de chômage partiel et d’investissements via la Banque européenne d’investissement (BEI) : « on travaille sur des outils pour faire en sorte que les moyens de trésorerie arrivent en priorité aux PME », a indiqué l’ex. ministre français.
Mais la Commission commence déjà à plancher sur l’après et entend lancer « la réforme du secteur », selon les mots du commissaire au Marché intérieur. Dans ce but, il a annoncé la convocation, pour fin septembre, d’un sommet pour le « tourisme durable ».
Alors qu’à lui seul, le secteur devrait bénéficier d’une part importante des financements prévus dans le cadre du futur plan de relance – entre 20 et 25 % selon l’exécutif – Thierry Breton planche sur la définition de critères qui flècheront cet investissement pour le rendre « plus durable » et pour qu’il accomplisse sa « mue numérique ».
Vers le remboursement des voyages annulés ?
Cette question connexe et tout aussi sensible a elle aussi été débattue lors d’une autre rencontre informelle, la semaine passée, réunissant cette fois les ministres européens en charge des Transports.
Une majorité d’États membres, 17 au total, dont la France et l’Allemagne, se sont prononcés en faveur de la suspension de la règle de remboursement par les compagnies aériennes des billets annulés, pour cause de pandémie, afin de les remplacer par des ‘bons à valoir’ (vouchers).
L’avantage serait de permettre aux compagnies de préserver des liquidités tout en respectant le droit des consommateurs. Une mesure qui était préconisée par l’Association internationale du transport aérien. Selon l’IATA, le montant potentiel de ces remboursements se chiffrait à près de 10 milliards d’euros en Europe.
Plutôt rétive à porter un coup de canif, ne serait-ce que temporairement, aux directives européennes relatives aux droits des passagers, la Commission n’a toujours pas pris de décision formelle. « Une équation complexe », reconnaît-on à Bruxelles, l’exécutif étant tiraillés entre les impératifs de santé des Européens, la demande de vacances et la survie des secteurs concernés.
Pourra-t-on voyager en Europe cet été ?
Si la question a elle aussi été largement débattue par les ministres européens du Tourisme, tout dépendra de l’ouverture ou non des frontières, « en fonction de l’évolution de la pandémie, partout en Europe », a expliqué un membre de la délégation croate dont le pays assure la présidence tournante de l’UE.
Pas de décision à ce stade, donc, mais plusieurs pistes sont envisagées pour permettre, ne serait-ce qu’une reprise limitée des activités touristiques cet été.
Pour le ministre grec, Harry Theocharis, la solution pourrait passer par des « passeports santé ». Il s’agirait de soumettre les passagers à des tests pour détecter le virus juste avant d’embarquer dans un vol, par exemple.
Gari Capelli, le ministre croate du Tourisme, a de son côté évoqué l’idée d’ouvrir des « corridors pour les touristes entre pays de l’UE », en insistant sur le besoin d’inclure les épidémiologistes dans le débat avant de rouvrir les frontières et de faciliter les flux touristiques. Zagreb négocie d’ailleurs avec la Hongrie, l’Autriche et la République tchèque la mise en place de tels corridors.
Dans ce cas de figure, les touristes originaires de ces pays voisins devront présenter un certificat médical montrant qu’ils ne sont pas infectés, seule condition pour éviter la période de quarantaine de deux semaines à l’arrivée.
L’Autriche a elle aussi l’intention d’opérer une sélection des touristes, en fonction de leur pays d’origine. Dans une première étape, Vienne ne compte rouvrir ses portes qu’aux voyageurs allemands, tchèques et éventuellement à des ressortissants d’autres États qui parviennent à maintenir le virus sous contrôle.
« La liberté de voyager va rester restreinte dans les prochains mois. Mais si les pays gèrent bien la situation, comme en Allemagne, alors il y a une vraie possibilité d’accords bilatéraux », a expliqué la ministre autrichienne du Tourisme, Elisabeth Köstinger. Une idée qui a provoqué la réticence du ministre allemand des Affaires étrangères. Selon Heiko Maas, la réouverture au tourisme entre États européens pouvait mener à des risques « inacceptables ».
La Commission préconise une approche coordonnée
Pour éviter une nouvelle cacophonie au sein de l’UE, et une distinction – légalement contestable – entre citoyens européens, la Commission travaille sur des « règles finalisées et harmonisées au niveau européen » afin d’accompagner cet été un secteur touristique frappé par la crise sanitaire, a indiqué mardi 5 mai le commissaire européen chargé du Marché intérieur, Thierry Breton.
Celles-ci « vont être très rapidement rendues publiques, dans les jours qui viennent, pour permettre aux zones qui sont en situation de le faire, d’accueillir des touristes », a précisé l’ex-ministre français.
Fermés depuis mars en raison des mesures de confinement liées à la pandémie de Covid-19, les commerces qui vivent du tourisme partout en Europe doivent « rouvrir le plus rapidement possible, le mieux possible mais en ayant les règles les plus harmonisées », a prévenu le commissaire français sur l’antenne de France Info. Il s’agira principalement de règles de distanciation sociale valables pour les restaurants, bars, hôtels ou lieux de spectacle. « Il faut aussi que le touriste sache qu’il sera accueilli selon des normes qui le protège et protège aussi les autres ».
Kattalin Landaburu, à Bruxelles