La 31e édition de Top Transport, salon dédié aux transporteurs et aux chargeurs, s’est déroulée les 18 et 19 octobre à Marseille sur fond de morosité économique. Malgré le ralentissement de la consommation et une période particulièrement difficile pour la logistique, le secteur continue de miser sur la décarbonation.
Ambiance studieuse au palais du Pharo dans les allées du salon Top Transport Europe où s’enchaînent les rendez-vous entre les 150 transporteurs exposants et quelque 330 chargeurs en quête de solutions de transport (Décathlon, Fnac Darty, Conforama, L’Oréal…). La vue plongeante sur le fort Saint-Jean et le Vieux Port peine à faire oublier les difficultés actuelles du transport routier de marchandises (TRM) sur fond d’effondrement de la demande.
Selon les dernières données du cabinet Altares, le secteur (tous modes confondus) a enregistré 277 défaillances d’entreprises au troisième trimestre, soit 20,4 % de plus qu’à la même période de 2024. Du jamais vu en dix ans.
Les statistiques compilées par le ministère des Transports pour le deuxième trimestre indiquent une baisse de 6,4 % de l’activité par rapport au trimestre précédent (- 9,7 % pour les transports en propre, – 5,9 % à compte d’autrui). Avec 40 milliards de tonnes-kilomètre, le volume trimestriel du fret routier est inférieur de 4,6 % à son niveau du deuxième trimestre 2019, avant le début de la crise sanitaire.
L’euphorie de la décarbonation retombe…
Si cette dernière a créé une véritable prise de conscience dans le secteur de la nécessité de réduire ses émissions de gaz à effet de serre (GES) – le TRM est à l’origine de 25 % des GES en Europe – « la situation est désormais plus complexe et on parle maintenant de la survie des transporteurs », estime Jérôme Letu-Montois directeur de cet événement organisé par Comexposium. « La décarbonation, qui reste une énorme tendance, requiert des investissements colossaux que peuvent envisager les grandes entreprises, mais pas le gros des acteurs, composé de PME. Changer toute une flotte de camions, choisir entre l’électrique et l’hydrogène… C’est très compliqué voire impossible pour les plus petites sociétés. Nous sommes à un point de bascule. »
Ce qui ne signifie pas pour autant que le secteur se désintéresse des solutions de décarbonation et des initiatives en sa faveur. En témoigne, la foule qui s’est pressée pour assister à la conférence de Supply Chain +. Cette association, qui a lancé son propre label, a présenté en septembre un référentiel de bonnes pratiques pour une chaîne d’approvisionnement durable recensant 80 critères et 800 bonnes pratiques et outils à destination des acteurs de la logistique. Objectif : permettre aux transporteurs de s’autoévaluer et d’établir une feuille de route des actions à mener.
… mais l’offre de solutions continue de s’étoffer
L’atelier sur l’hydrogène proposé par Hyliko a également fait salle comble (à tel point qu’il a fallu en trouver une plus grande). Cette société parisienne créée en 2021 commercialise des contrats de leasing et de maintenance sur des camions à hydrogène développés en partenariat avec GreenGT. Elle développe également un réseau de stations-service du nouvel or vert en partenariat avec Lhyfe, qui devrait s’internationaliser en 2025 (Allemagne, Italie, Espagne). L’entreprise proposera également à partir du deuxième trimestre 2024 des kits de retrofit.
Pour son commercial grands comptes Alexandre Filoni, l’hydrogène a, par rapport à l’électrique, l’avantage de préserver les charges utiles grâce à des batteries de puissance beaucoup moins lourdes, de proposer des temps d’avitaillement de 15 à 20 minutes et une autonomie oscillant entre 400 et 900 kilomètres. En 2024 et 2025, ces camions devraient faire leur apparition sur les routes européennes. Hyundai, Iveco et Quantron doivent en effet lancer leurs premiers modèles à hydrogène. « Le coût d’un transport en camion à hydrogène est aujourd’hui le double du gasoil. C’est le début d’une histoire et nous tablons sur une parité d’ici à 2030. »
Des aides gouvernementales pour les camions
Du côté des motorisations électriques, Chargepoly, fondée en 2019 à Aix-en-Provence et également présente sur Top Transport, surfe également sur la décarbonation. Elle conçoit des solutions de recharge électrique ultra-rapide. Le 12 octobre, cette entreprise de 25 personnes qui recrute actuellement à tour de bras, a annoncé une levée de 15 millions d’euros qui devrait notamment lui permettre de se développer en Europe de l’Ouest et aux Etats-Unis où elle a ouvert une filiale, à Seattle, en 2022. « L’Inflation Reduction Act a clairement créé une grosse dynamique pour toute la filière aux Etats-Unis, confie Thomas Vanquaethem, vice-président de la PME. Et le marché est énorme au niveau mondial : il devrait représenter 15 milliards d’euros en 2030. »
En attendant, le gouvernement français pousse la décarbonation du TRM à laquelle il consacre 100 millions d’euros. En avril 2023, il a annoncé, en marge de la SITL (Semaine internationale du transport et logistique) une série de mesures dont une aide à l’acquisition ou la location longue durée d’un véhicule électrique pouvant aller jusqu’à 65 % du surcoût lié à l’acquisition d’un véhicule lourd électrique.
Quant aux entreprises, le durcissement des législations et l’objectif européen de réduite les GES d’au moins 55 % dans les sept années à venir, pousse les transporteurs et les chargeurs à ne pas lâcher leurs stratégies de décarbonation malgré un contexte économique difficile.
Sophie Creusillet