Lors du salon aéronautique chinois de Zhuhai, qui s´est déroulé du 13 au 18 novembre, la Chine a voulu montrer de quoi elle était capable. Elle a en effet exposé une maquette à l´échelle réelle de la moitié du fuselage du C919 qui sera fabriqué par Comac (Commercial Aircraft Corporation of China Ltd).
Le premier vol devrait avoir lieu en 2014 avec une commercialisation qui pourrait commencer en 2016. La Comac a fixé la barre très haut : une consommation de carburant de 12 % à 15 % inférieure à celle d´un avion comparable, grâce à des matériaux composites, et un prix inférieur à ceux de Boeing et d´Airbus. Nombre d´observateurs doutent que la Comac fasse mieux que Boeing qui a beaucoup de mal à intégrer un taux élevé de composites dans son futur 787 Dreamliner. Mais, avec une capacité de 190 sièges, il va entrer en concurrence directe avec l´A320 d´Airbus et le 737 de Boeing sur le marché chinois, auquel il est en principe réservé. D´ailleurs, pendant le salon de Zhuhai, une centaine de commandes ont été annoncées (Air China, China Eastern Airlines, China Southern Airlines, Hainan Airlines, Guoyin Financial, et GE Capital Aviation Services).
Dans un premier temps, les Occidentaux vont tirer profit de cet avion. Le moteur des réacteurs de l´avion sera fourni par CFM International, une coentreprise entre le français Safran et l´américain General Electric. Il s´agira du tout nouveau Leap X. Safran espère aussi fournir des systèmes de freinage et des trains d´atterrissage. Mais à terme, les Chinois entendent bien produire eux-mêmes les réacteurs grâce à des transferts de technologie. D´ailleurs, Safran a signé deux accords-cadres avec l´entreprise publique Avic 1 (China Aviation Industry Corporation I), dont Comac fait partie, concernant le développement et l´équipement avec une filiale d´Avic 1 (Avic Aircraft). Et son partenaire américain, via GE Capital Aviation Services, s´est senti obligé de se déclarer intéressé par le C919. Une fois qu´une gamme complète de C919 sera disponible, le but est de l´exporter. Aussi, il y a lieu de se demander si les coopérations multiples ne finiront pas par se retourner contre les deux grands constructeurs mondiaux.
Car, le paradoxe est que, dans la zone franche de Tianjin, Airbus possède une ligne d´assemblage de l´A320, toujours en association avec l´incontournable Avic 1. 37 auront été produits d´ici la fin de cette année. Dans un an, il est prévu que la cadence soit de 4 appareils produits par mois. Thomas Enders, président du groupe Airbus, se veut rassurant en affirmant que les Chinois ne maîtrisent pas le développement, les tests et la certification de l´avion. Airbus persiste en construisant une nouvelle usine en Chine destinée à produire des éléments pour ses A320 et le futur A350 XWB. Visiblement les Chinois veulent apprendre de tous.
Le prochain secteur qui risque d´être attaqué est celui de l´hélicoptère. Entre 2011 et 2015, la Chine va libéraliser les vols à basse altitude. Aussi, Eurocopter lorgne sur ce marché qui ne compte que 200 hélicoptères civils. La filiale d´EADS affirme posséder 41 % du marché chinois et détient 31% de la CGAMEC, une filiale de maintenance avec des partenaires chinois. Mais Avic 1 a fait voler pour la première fois ce mois-ci un hélicoptère polyvalent (AC311). Il entrera véritablement sur le marché en 2012 et Avic 1 entend le vendre à l´international 10% à 15% moins cher que des appareils similaires. En mars dernier, un hélicoptère lourd totalement «Made in China» (l´AC313) a entamé ses vols d´essai. La solution est peut-être celle de Safran qui a conclu un partenariat avec Avic 1 pouvant déboucher sur des offres franco-chinoises à des appels d´offres mondiaux.
Jean-François Tournoud