Quel avenir pour la politique de sanction européenne à l’égard de la Russie ? Telle était la question posée jeudi 23 novembre à Cyrille Bret, spécialiste de la Russie et de l’Europe centrale, par l’institut Jacques Delors dans le cadre d’une série de webinaires décryptant l’actualité. Le chercheur estime que les sanctions politiques, économiques et financières adoptées par l’Union européenne depuis le début de la guerre en Ukraine – 8 salves au cours des derniers mois- s’attaquent au modèle même de l’économie russe.
C’est une critique aussi ancienne que l’idée de sanctions : elles n’auraient qu’un effet limité sur les économies des pays qui en font l’objet. Pour Cyrille Bret, la preuve de leur efficacité est déjà palpable. « Le PIB russe devrait chuter en 2022 de 9 % selon la Banque mondiale et de 3 % selon le FMI, preuve que les sanctions ont un effet sur l’économie russe. » Celles concernant les semi-conducteurs, indispensables dans l’industrie militaire et que la pays ne produit pas, « sape l’effort de guerre russe ».
En outre, les sanctions relatives au secteur de l’énergie visent le modèle même sur lequel la Russie s’est enrichie depuis le début des années 2000. Fondé sur les exportations de matières premières, principalement d’hydrocarbures et de minerais, il se trouve de fait affaibli. Non seulement les grandes entreprises du secteur ont vu leurs débouchés se réduire considérablement, mais l’État ne bénéficie plus des retombées budgétaires de ces exportations pour financer la guerre.
Une stratégie bénéfique sur le long terme
Pour rappel, l’Union européenne a décidé en avril dernier de mettre fin aux importations de charbon et de pétrole russes de manière progressive : depuis août pour le charbon et d’ici à la fin de de l’année pour 90 % de l’approvisionnement en pétrole.
Autre critique formulée de manière récurrente pour bannir les sanctions : elles mettraient en péril les économies des pays qui les émettent. Un argument qui ne tient pas selon Cyrille Bret. « En la matière, on ne peut pas faire de comparaisons coûts/avantages. Il y a forcément un prix à payer. Certes, les sanctions ont des effets indésirables comme l’inflation, mais elles seront bénéfiques sur le long terme. »
Enfin l’objectif de ces mesures n’est pas de changer le régime au pouvoir à Moscou. « Les sanctions ne sont pas une fin en soi, mais un outil de pression pour changer le cours de la politique russe et elles sont le seul outil dont dispose l’Union européenne », estime le chercheur.
Sophie Creusillet