Le rouble a dévissé de 40 % lundi 28 février*, après l’annonce des nouveaux paquets de sanctions économiques et financières occidentales contre la Russie de Vladimir Poutine, incluant l’exclusion de certaines grandes banques russes et de la Banque centrale du système de télécommunication interbancaire Swift. Un indicateur que ces nouvelles mesures sont un choc inédit pour l’économie russe.
Mis à jour le 01/03/2022.
Signe que la situation pour les banques russes se détériore rapidement en raison du tarissement de leurs liquidités, la Banque centrale européenne (BCE) a annoncé le 28 février, dans un communiqué, que la Sberbank Europe AG (filiale européenne de la Sberbank, l’une des plus importante banques russe), basée en Autriche, et ses deux filiales en Croatie et en Slovénie, qui sont sous sa supervision, étaient d’ores et déjà défaillantes…
« Alors que les forces russes lancent leur assaut contre Kiev et d’autres villes ukrainiennes, nous sommes résolus à continuer d’imposer des coûts énormes à la Russie. Des coûts qui isoleront davantage la Russie du système financier international et de nos économies », avait déclaré Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, le 26 février, lors d’une conférence de presse annonçant le nouveau paquet de sanctions décidé par l’Union européenne. Le ton d’une fermeté maximale, inédit pour un chef de l’exécutif européen, était donné.
Outre l’avalanche de restrictions et interdictions aux échanges commerciaux avec la Russie annoncés les 25 et 26 février, les alliés occidentaux (Union européenne, Etats-Unis, Canada, Royaume-Uni, a priori rejoints par le Japon et, depuis le 28 février, la Suisse), ont donc actionné un levier de pression supplémentaire sur Moscou avec la décision de couper une grosse partie du système financier russe, incluant sa banque centrale, de Swift.
Les modalités pratiques ainsi que la liste définitive des institutions financières qui seront « débranchées » devaient toutefois faire l’objet cette semaine de discussions entre les alliés, et entre les membres de l’Union européenne (UE), pour définir une liste commune. Ces tractations étaient en cours, le 1er mars, au sein de l’UE. D’après Bercy, le moyen juridique utilisé par les alliés occidentaux est le même que pour l’Iran et ne nécessite pas une décision de la justice belge, siège de Swift : il s’appuie sur le fait que les décision prises dans les juridictions des institutions financières membres de Swift s’imposent à ces institutions.
Le communiqué commun publié par les alliés occidentaux (Etats-Unis, Union européenne, France, Allemagne, Canada) pour commenter cette décision inédite se passe de tout commentaire, côté fermeté. La décision a été qualifiée par le ministre de l’Economie et des finance français Bruno Le Maire « d’arme nucléaire financière ». Il n’a pas tort.
Swift : 11000 intervenants dans plus de 200 pays
Swift (Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunications), créé en 1973, est une sorte de coopérative bancaire internationale dont le siège est à Bruxelles. Elle a développé un réseau de télécommunication interbancaire sécurisé et codifiés qui, à partir de 1977, a progressivement remplacé le télex et permis aux échanges interbancaires de gagner en masse et en rapidité d’exécution.
Aujourd’hui, plus de 11000 intervenants l’utilisent, dans plus de 200 pays et territoires. Les banques du monde entier s’en servent pour passer leurs ordres et instructions liés aux transactions financières internationales, et en particulier celles liées au commerce international.
Ordres de virement, instructions d’ouverture, messages de notification ou de confirmation de lettre de crédit, émissions de garanties de paiement… Toutes sortes de messages codifiés et sécurisés passent chaque jour par Swift, pour des milliards de dollars de transactions. Une banque qui n’est pas connectée à ce réseau risque de devoir utiliser fax ou téléphone pour communiquer avec d’autres établissements dans le cadre de ses opérations internationales, avec des délais et une efficacité d’exécution très aléatoires.
Couper la Russie de ses réserves de change
En interdisant les transactions avec une grosse partie du système financier russe et en l’excluant de Swift, l’objectif des alliés occidentaux est clair : empêcher la Russie de Vladimir Poutine d’accéder aux 630 milliards de réserves de changes dont dispose sa banque centrale et dont une partie est placée hors de Russie, et entraver l’activité internationale des entreprises russes, qui vont perdre leur accès à un certain nombre de devises majeures (dollars, euros, livres sterling, yen…).
Ce levier de pression est d’autant plus fort qu’une bonne partie des entreprises, et surtout les banques étrangères, vont stopper leurs transactions avec la Russie pour se mettre en conformité avec les décisions de leurs autorités de tutelle, ou de peur de se voir sanctionnées par les autorités occidentales. Même dans des secteurs non concernés par les restrictions européennes, un exportateur français, par exemple, risque d’avoir le plus grand mal à trouver une banque qui l’accompagne sur une transaction avec un opérateur russe.
Pour avoir une idée de l’impact économique de telles sanctions, il faut regarder du côté de l’Iran : déjà quasiment privé de commerce international en raison des sanctions occidentales, et surtout américaines, craintes par l’ensemble des banques occidentales, le pays a vu sa banque centrale elle-même sanctionnée et exclue de Swift en 2019 sous la pression de l’administration Trump (à la suite de frappes sur l’Arabie saoudite). Une situation qui entrave dramatiquement son développement…
Christine Gilguy
* 1 € = 114 RU au 1er mars.