Les arguments commerciaux ont pris une place centrale dans la campagne en vue du référendum prévu le 23 juin prochain outre-Manche sur le maintien ou non du Royaume-Uni au sein de l’Union européenne (UE), le « Brexit », entraînant un échauffement des esprits.
Pour les « pro-Brexit », comme le sulfureux maire de Londres Boris Johnson, une sortie de l’UE offrirait au Royaume-Uni une « occasion en or » de renégocier ses propres accords commerciaux avec le reste du monde. Mais après avoir défendu une position similaire, le directeur général de la British Chamber of Commerce (BCC), la Chambre de commerce britannique, John Longworth, a été poussé à la démission de son poste. D’abord suspendu pour avoir enfreint le principe de neutralité de la BCC sur le référendum, il a finalement décidé de quitter son poste dimanche 6 mars accusant David Cameron de semer la peur dans le débat sur le Brexit. « Il est hautement irresponsable de la part du gouvernement du pays de colporter des exagérations », a-t-il averti.
Même son de cloche du côté du très populiste UKIP (parti pour l’indépendance du Royaume-Uni), qui préconise la négociation d’un nouvel accord de libre-échange avec l’UE. « Nous sommes un pays de 65 millions d’habitants. Si la Norvège, l’Islande et la Suisse ont pu négocier des accords qui leur conviennent nous pouvons faire bien mieux qu’eux », a assuré Nigel Farage, président du parti.
D’autres envisagent plutôt un futur pacte commercial similaire à celui conclu entre Bruxelles et Ottawa, le CETA (Comprehensive Economic and Trade Agreement), qui prévoit la suppression de 99 % des droits de douane. Pour eux, un tel accord permettrait à la Grande-Bretagne de commercer encore plus largement avec l’UE, tout en étant libre de négocier directement avec les Etats-Unis et certains pays émergents. « Les négociations pour le CETA ont été un très long processus », a toutefois tempéré Daniel Costello, ambassadeur du Canada à Bruxelles, qui a rappellé que le lancement officiel des pourparlers a été précédé de sept années de travaux préparatoires, « sans compter le temps de la traduction, du toilettage juridique », a ajouté le diplomate.
L’UE représente 45 % des exportations et 53 % des importations de biens et services
Et c’est bien ça que craignent les opposants au « Brexit ». Des années de longues discussions pendant lesquelles le Royaume-Uni pourrait se voir réimposer de nouvelles entraves au commerce. Hors de l’Europe – qui représente un marché de 500 millions de consommateurs – le pays risque également de perdre une partie de son attrait. Si il décidait de négocier un accord semblable à celui en vigueur entre l’UE et la Norvège, par exemple, le pays bénéficierait certes de l’accès au marché unique mais il devrait respecter des règles qu’il n’aurait pas négociées et contribuer – sans pouvoir de décision – au budget européen.
« Les échanges avec l’UE représentaient, en 2014, 45 % des exportations et 53 % des importations de biens et services », souligne un rapport alarmant tout juste publié par la chambre des communes à Londres. Par ailleurs, 3 millions d’emplois directement liés aux exportations vers le bloc européen pourraient être menacés en cas de « Brexit ». Autant d’arguments soulevés par Cecilia Malmström lors d’un discours prononcé à Londres le 25 février dernier. « La zone géographique de notre agenda de libre-échange est tellement vaste que les pays tiers font la queue pour pouvoir négocier avec nous. Notre marché est l’un des plus attractifs au monde », a-t-elle martelé.
Un conseiller de la commissaire au Commerce n’hésite pas, à cet égard, à enfoncer le clou : « Au Royaume-Uni les gens ont tendance à penser « on peut faire du commerce où l’on veut et on peut mettre en place nos propres accords avec le reste du monde ». Mais un Brexit ne serait pas à son avantage. Il est évident que le pays perdra une grande partie de son pouvoir d’influence dans les négociations ».
Kattalin Landaburu, à Bruxelles