Dans le sillage des mouvements sociaux qui traversent d’autres secteurs depuis le début de l’été, le débrayage pour 8 jours des dockers du plus grand port à conteneurs du Royaume-Uni doit débuter dimanche 21 août. En jeu : l’augmentation des salaires pour faire face à celle du coût de la vie. Les compagnies maritimes envisageraient de détourner leurs navires, mais la grogne sociale gagne également les ports du nord de l’Europe.
Le Royaume-Uni n’avait pas connu de mouvement social d’une pareille ampleur depuis l’ère Thatcher. Cheminots, salariés d’Amazon à Tilbury, avocats, postiers, conducteurs de bus et de métro à Londres, employés de British Telecom, personnel de santé… Dans le privé comme dans le public, des milliers d’employés ont débrayé cet été ou s’apprêtent à le faire. A Felixstowe, le port n’avait pas connu de grève depuis 1989.
Début août, le syndicat Unite a annoncé que 1900 des 2500 employés du port de Felixstowe, qui accueille la moitié des porte-conteneurs à destination du Royaume-Uni, entameraient une grève de 8 jours à compter de dimanche 21 août. Ils réclament des augmentations de salaire supérieures aux 7 % proposés pour faire face à l’actuelle flambée du coût de la vie.
En juillet, selon les données publiées par l’Office national des statistiques britannique, le 17 août, l’inflation sur un an a franchi pour la première fois en 40 ans la barre des 10 %, à 10,1 %. Elle devrait atteindre 13 % en octobre selon les dernières prévisions de la Banque d’Angleterre.
Grèce, Belgique et Allemagne comme alternatives
A Felixstowe, pour faire face à ce blocage, les compagnies maritimes s’organisent rapporte le site d’information The Loadstar, spécialisé dans le fret et la logistique.
Jusqu’à présent, les alliances 2M (Maersk et MSC) et l’Ocean Alliance (CMA CGM, Cosco SL, OOCL et Evergreen) ont fait le choix soit d’avancer l’escale, soit de la repousser après le 29 août. Ces deux alliances auraient néanmoins envisagé des plans B en cas de prolongation de cette grève. Les compagnies de l’Ocean Alliance pourraient décharger au Pirée et celles de 2M à Anvers et dans le port allemand de Wilhelmshaven.
« Néanmoins, leurs options sont limitées, les négociations sur les grèves dans les ports allemands pour soutenir les négociations salariales entre le syndicat ver.di et l’Association centrale des entreprises portuaires allemandes ne sont pas près d’être résolues », observe The Loadstar.
Bref, le fret maritime britannique, et européen avec lui, pourrait connaître une belle pagaille. D’autant que, le 16 août, 500 dockers et 60 ingénieurs du port de Liverpool ont également voté une grève de 8 jours à compter de dimanche.
800 millions de dollars de marchandises concernés
Selon une analyse réalisée par le Russel Group, le blocage pendant une semaine du port de Felixstowe pourrait affecter les importations britanniques à hauteur de 800 millions de dollars (M USD), dont 82 M USD de vêtements et 32 M USD de composants électroniques. Un coup dur pour l’économie britannique qui s’achemine vers une récession.
Fin juillet, le FMI a revu à la baisse ses prévisions de croissance du PIB britannique pour 2022 à 3,2 %, alors qu’il projetait une hausse de 3,7 % en avril dernier (et de 4,7 % en janvier). Pour 2023, ces prévisions de croissance sont passées de 1,2 % à seulement 0,5 %. Selon les données de l’ONS publiées cette semaine, le PIB a reculé de 0,1 % laissant planner le spectre d’une possible entrée en récession à la fin de l’année.
Sophie Creusillet