L’assureur-crédit Coface a, sans surprise, dégradé la note d’Israël. Il a en revanche relevé celles de l’Albanie, du Costa Rica, de Chypre et du Rwanda. Malgré ces quelques ajustements, l’économie mondiale poursuite globalement sa sortie de crise grâce à la désinflation alors que pointe à l’horizon des politiques d’assainissement budgétaire « à la fois regrettable et nécessaire ».
Le point commun entre les quatre pays dont la note de risque a été revue la hausse pour le troisième trimestre ? Le tourisme. Après la crise sanitaire et malgré l’inflation, l’appétence pour le voyage ne faiblit pas. Populaire et compétitif en Albanie, pilier de l’économie au Costa Rica (première destination d’Amérique centrale), haut de gamme au Rwanda, revenu à un niveau prépandémique à Chypre, où les visiteurs russes et ukrainiens ont été remplacés par les Britanniques, ce secteur a tiré la croissance de ces pays.
Cette dernière devrait rester soutenue en Albanie (3,3 % cette année et 3,5 % l’an prochain) grâce à la solidité de la demande intérieure, en raison d’une hausse des salaires et d’une inflation faible. Coface souligne également la stabilité politique de ce pays où le Parti socialiste a enregistré sa troisième victoire lors des dernières législatives en 2021 et demeure en tête des sondages pour le scrutin de 2025.
Les perspectives sont également au beau fixe au Costa Rica (+ 4 % cette année, + 3,5 % en 2025) grâce à un environnement des affaires favorable, d’une main d’œuvre qualifiée et des accords de libre-échange que le pays a noués. L’assainissement budgétaire se poursuit, avec le soutien du FMI et la balance des paiements a permis de gonfler les réserves de devises étrangères.
Les investissements des entreprises israéliennes ont fondu de 5,5 %
La croissance de Chypre (+ 2,8 % et + 2,9 %) est alimentée par la reprise du tourisme et la consommation des ménages. Ces deux facteurs ont permis au pays d’afficher des résultats budgétaires positifs dès 2022 avec un surplus évalué à 2 % du PIB cette année et en 2025.
Au Rwanda, « comptant parmi les économies les plus dynamiques au monde », selon Coface, le PIB devrait bondir de 8,2 % cette année. Se destinant à devenir un hub de services (transport, logistique, finance…) en Afrique de l’Est, le pays possède l’un des environnements des affaires les plus favorables du continent. Les investissements publics et privés dans les infrastructures (transports et énergies) sont par ailleurs appelés à se poursuivre.
Quant à Israël, seul pays déclassé ce trimestre, les investissements des entreprises ont plongé en 5,5 % en un an en raison du conflit et la banque centrale a annoncé qu’elle n’abaisserait pas son taux directeur tant que l’incertitude planera sur les conflits armés engagés, maintenant ainsi un coût de financement élevé pour les entreprises. Dans ce contexte, le risques d’impayés est sans surprise à la hausse.
Austérité budgétaire en vue
Ces quelques changements de notes de risque et la conjoncture mondiale ne bousculent en rien le scénario économique des analystes de Coface. « Nous voulions donner à ce baromètre un autre titre, » piste d’atterrissage en vue « , mais il laissait entendre que le plus dur restait à faire, explique le chef économiste de l’assureur-crédit Jean-Christophe Caffet. Nous avons finalement opté pour » Du pivot monétaire au tournant budgétaire « qui correspond mieux à ce qui se passe en ce moment ».
Alors que les politiques monétaires font leur effet sur l’inflation, certes de manière asynchrone, les gouvernements sont en train ou s’apprêtent à mettre en place des politiques d’austérité budgétaire.
Toujours est-il qu’après un début d’année prometteur, la zone euro peine à décoller. Son secteur industriel chute à nouveau et ses perspectives sont en berne. L’Allemagne, premier pôle industriel européen, reste particulièrement affectée avec une production manufacturière inférieure de 12 % à son niveau prépandémique. Le secteur des services, qui avait porté la reprise, ralentit également, et la consommation des ménages reste freinée par une épargne durablement élevée et des niveaux faibles de confiance dans un contexte d’incertitude politique.
En revanche, le scénario d’un atterrissage en douceur se confirme aux États-Unis. L’économie américaine continue de montrer sa résilience, comme en témoigne le rebond observé au deuxième trimestre (+ 3 % en rythme annualisé), avec une demande intérieure forte – même si le marché de l’emploi connaît un ralentissement progressif.
Fragilisation des entreprises européennes
La baisse des cours du pétrole et d’autres manières premières a eu un effet bénéfique sur l’inflation, des deux côtés de l’Atlantique. Toutefois, dans la zone euro, les entreprises voient leurs marges réduites par la forte hausse des coûts salariaux unitaires (+ 4,2 % en un an). Le taux de marge a ainsi reculé de près de 2 points de pourcentage en Allemagne et aux Pays-Bas, et du double en Espagne et en Italie, fragilisant les entreprises comme le montre la hausse des défaillances au cours des derniers mois. Des politiques budgétaires plus restrictives auront un effet défavorable sur la croissance estime Coface.
A l’autre bout du monde, la Chine peine toujours à se redresser, plombée par la crise immobilière et une demande intérieure toujours atone. La contribution des émergents à la croissance mondiale sera pourtant identique à celle de l’an dernier grâce à l’accélération des pays du Golfe et d’Amérique du Sud. Ce, alors même que Coface prévoit une croissance moins dynamique au Brésil après deux années autour de 3 %.
Sauf catastrophe géopolitique, sanitaire ou climatique, ce scénario d’atterrissage en douceur devrait se maintenir. Les élections à venir États-Unis sont par ailleurs particulièrement scrutées par les acteurs économiques. Pour les économistes de l’assureur-crédit « quel que soit le résultat, cette élection influencera fortement l’économie mondiale pour les années à venir ».
Sophie Creusillet