Alors que le spectre de la récession plane sur l’économie mondiale et que la guerre en Ukraine désorganise un système productif déjà mis à mal par deux années de crise sanitaire, Coface a abaissé les évaluations d’une vingtaine de pays, notamment en Europe, et de 76 secteurs.
« Même si le scénario central d’un atterrissage en douceur est toujours le nôtre, il semble de moins en moins probable, a déclaré le chef économiste de Coface Jean-Christophe Caffet lors de la présentation de son baromètre trimestriel. Les prix toujours élevés du gaz, du pétrole et des matières premières concourent à continuer de faire augmenter l’inflation qui atteint des niveaux qu’on n’avait pas vus depuis l’après-guerre. Elle commence également à se faire sentir en Asie du Sud-Est. »
Pour éviter le risque, de plus en plus élevé, de désancrage des anticipations d’inflation, les banques centrales ont réagi en resserrant leur politique monétaire. La Banque d’Angleterre a ouvert le bal en décembre dernier en remontant son taux directeur, suivie par la Fed en mars de cette année et les banques centrales des pays émergents en mai et juin. La BCE a également durci le ton, allant jusqu’à annoncer ses futures hausses de taux ! Conséquence : un ralentissement net de la production est à prévoir.
La conjoncture favorise les exportateurs de matières premières
En outre, les conséquences à long terme de l’actuelle guerre en Ukraine, qui met encore un peu plus la pagaille dans les chaînes d’approvisionnement européennes, sont encore difficiles à prévoir.
« Il a trois certitudes, a néanmoins avancé Tatiana Katsoueva-Jean, directrice du centre Russie/NEI à l’Ifri. « Sur le plan militaire, cette guerre est appelée à durer, en particulier avec les livraisons d’armes à l’Ukraine prévues cet été. Sur le plan géopolitique on assiste à une rupture entre la Russie et l’Occident en qui Poutine ne fait plus confiance. Dans son esprit, pour résumer, l’Ukraine est avec la Russie ou ne sera pas. Enfin, sur le plan géoconomique, comme en témoigne l’attitude de Gazprom sur les livraisons de gaz, la rationalité économique a disparu. »
Dans cet environnement complexe, les évolutions des notes de risques pays étaient inévitables.
Ainsi, Coface a abaissé les évaluations de 19 pays, dont 16 en Europe, particulièrement exposée aux conséquences de la guerre en Ukraine. Parmi les pays enregistrant des dégradations de leur note de risque pays, des poids-lourds tels que l’Allemagne, la Belgique, la France, le Royaume-Uni et plusieurs pays d’Europe centrale (tableau ci-après).
Les évaluations du Brésil et de l’Angola, deux pays exportateurs de matières premières (notamment agricoles pour le premier, pétrolières pour le second) qui ont bénéficié de la hausse des cours, ont en revanche été améliorées.
Classement sectoriels : l’aval énergétique fragilisé
Les déclassements sectoriels, au nombre de 76, concernent le secteur de l’énergie dans les pays où les entreprises sont situées en aval dans la chaîne de production (essentiellement en Europe) et les industries dont le système productif est gourmand en énergie comme le papier, la chimie et la métallurgie.
En raison de la hausse exponentielle des prix des produits alimentaires, l’agroalimentaire voit le plus grand nombre de dégradations ce trimestres et toutes les régions du monde sont touchées (tableau ci-après).
Si les économistes de Coface maintiennent leur scénario d’atterrissage en douceur à 18 mois, ils redoutent cependant une période de stagflation, soit une situation conjuguant une croissance atone à une inflation toujours très élevée.
« Afin de juguler l’inflation, les banques centrales semblent aujourd’hui tentées d’agir jusqu’à pousser l’économie en récession, qu’elles espèrent plus clémente que dans le cas où les prix continueraient de déraper, les contraignant à procéder à un choc monétaire plus violent ultérieurement» expliquent-ils. Et dans ces conditons, « le risque, qu’on ne peut écarter, serait celui d’un recul de la demande et du maintien d’une inflation élevée, en raison de cours des matières premières qui peineraient à s’assagir du fait d’une insuffisance chronique de l’offre. »
Sophie Creusillet
Pour consulter le baromètre des risques pays et sectoriels de la Coface, cliquez ci-après !