La flotte maritime mondiale s’est renforcée. Alors qu’elle perdait environ 100 navires par an il y a dix ans, ce bilan s’est depuis considérablement réduit pour atteindre 27 bateaux mis hors service en 2024, selon le dernier rapport d’Allianz Commercial sur la sécurité maritime. Pour autant, le secteur demeure sous pression, notamment en raison du risque géopolitique.
Pas de commerce international sans la marine marchande. Quelles que soient les pertes annuelles de navires, 90 % des échanges commerciaux mondiaux sont effectués par voie maritime. L’an dernier, le nombre d’accidents ou d’incidents maritimes a augmenté d’environ 10 % (3 310 contre 2 963 en 2023).
Les navires de pêche (10 pertes) représentent près de 40 % des navires perdus en 2024, suivis par les cargos (6) et les chimiquiers (3). Les pertes par le fond (12) ont été la principale cause de perte, avec une part de près de 50 %. Les incendies et explosions (7) arrivent en deuxième position et restent stables.
Les îles Britanniques ont subi le plus grand nombre d’incidents (799), suivies par la Méditerranée orientale et la mer Noire (694). Les bris et pannes de machines (1 860) ont provoqué plus de la moitié des incidents dans le monde en 2024, suivis des collisions (251) et des incendies et explosions. Il y a eu 250 incidents d’incendie en 2024, en hausse de 20 % en glissement annuel, soit le total le plus élevé depuis une décennie.
Abandons de navires
Si la sinistralité s’est améliorée depuis 10 ans, les risques géopolitiques, qui se sont multipliés ces dernières années, pourraient mettre un coup d’arrêt à la tendance baissière des pertes de navires, estiment les analystes d’Allianz.
« Le secteur est confronté à un environnement complexe marqué par des attaques contre le transport maritime, des immobilisations de navires, des sanctions et des dommages aux infrastructures telles que les câbles sous-marins essentiels, tandis que les rapports faisant état d’interférences et de brouillages GPS sur les navires sont de plus en plus nombreux », observent-ils.
Tarifs douaniers américains, tensions sino-américains, attaques des Houthis en mer Rouge, hausse du nombre de navires fantômes transportant du pétrole russe (17 % des pétroliers selon certaines estimations)… Les perturbations du transport maritime ont également eu des conséquences sur le personnel : un nombre record de marins ont été abandonnés l’année dernière avec un total de 3 133 personnes, en hausse de 87 %. Le nombre de navires abandonnés a quant à lui bondi de 136 % (312 bateaux).
Hausse des vols de cargaisons
En parallèle, les risques liés au navire et à sa cargaison ne faiblissent pas. L’inflation, bien qu’en voie de stabilisation, a renchéri les coûts de réparation et ceux des sinistres. Les incendies et les cargaisons mal déclarées restent les principales préoccupations des grands navires et la crise économique a provoqué une forte augmentation du vol de cargaisons (+ 27 % en Amérique du Nord).
Enfin, la transition énergétique fait peser des risques nouveaux sur le secteur. Selon le rapport d’Allianz Commercial, elle entraine en effet, « une augmentation des expositions et des risques liés au fret de projet en raison de l’augmentation des investissements dans les énergies renouvelables et les infrastructures, les investissements mondiaux dans le domaine de l’énergie devant dépasser les 3 000 milliards de dollars américains pour la première fois en 2024 ».
Conséquence : « le fret de projet, qui comprend des articles de grande valeur et surdimensionnés tels que les machines des usines de fabrication et les éoliennes, présente des risques de réclamation importants en raison des dommages ou des retards potentiels. »
Face à cet empilement de risques et à l’incertitude qui règne actuellement sur le commerce international, le transport maritime devra naviguer prudemment dans les mois et années à venir pour maintenir le cap.
Sophie Creusillet