Ce que nombre de credit managers et spécialistes du risque client attendaient se concrétise : avec la fin des plans de soutien financier et l’aggravation de la conjoncture économique mondiale, le rebond des défaillances d’entreprises partout dans le monde se confirme pour 2022 et 2023, selon les dernières prévisions d’Allianz Trade. Les disparités sont toutefois importantes selon les zones géographiques, les pays et les secteurs.
Les défaillances d’entreprises vont augmenter de 10 % en moyenne au niveau mondial en 2022, et de 14 % en 2023, pour se rapprocher de leur niveau d’avant crise, avec des disparités sensibles de calendrier : d’après un communiqué d’Allianz Trade, 1 pays sur 3 renouera avec ce niveau d’avant crise dès 2022, et 1 sur 2 en 2023.
Cela aurait pu être pire si plusieurs facteurs de résiliences n’avaient pas freiné ce mouvement inéluctable de retour à la normale après quasiment deux années de mise sous cloche de l’économie réelle, notamment dans un certain nombre de pays développés.
Selon Allianz Trade, ces facteurs sont au nombre de trois : les grosses réserves de liquidités dont disposeraient les entreprises (celles des entreprises cotées sont de 30 % supérieures à leur niveau de 2019) ; le nombre limité d’entreprises jugées « fragiles » (susceptibles de faire défaut dans les 4 années qui viennent) en Europe (7 % en 2021), dont en France (12 %) ; et enfin le fait que les entreprises cotées ont répercuté la hausse des coûts sur leur prix.
Remontée des risque d’impayés
De quoi éviter un tsunami de faillites en 2022. Mais pas une remontée des risques de défaut de paiement. « Pour certains pays, le retour aux chiffres de 2019 prendra quelques années, mais nous sommes d’ores et déjà revenus à un fort niveau de risque d’impayés, tant à l’échelle nationale que locale », prévient Clarisse Kopff, CEO d’Allianz Trade, citée dans le communiqué.
L’assureur-crédit en veut pour preuve le besoin en fonds de roulement (BFR) qui a eu tendance à augmenter en 2021 dans certaines zones et certains secteurs : + 2 jours en Asie, en Europe centrale et orientale ainsi qu’en Amérique latine ; + 8 jours dans les équipements des ménages, + 3 jours dans l’électronique et + 2 jours dans les biens d’équipement et machines. Sans oublier le ralentissement attendu de la demande des consommateurs, dont le pouvoir d’achat est plombé par l’inflation.
Où le rebond des défaillances sera-t-il le plus fort ?
Les pays où le retour à la « normale » sera au-delà de 2023
Des pays seront plus résilients que d’autres, ne renouant avec leur niveau « normal » de défaillances qu’en 2023, voire au-delà, comme les détails statistiques par pays livrés par Allianz Trade le montrent (voir tableau ci-après)*.
En Europe, malgré la progression des défaillances en 2022 et 2023, l’Allemagne (progression de + 4 % des défaillances en 2022), la France (+15 %), les Pays-Bas (+ 24 %) et la Norvège (+ 12 %) ne devraient pas retrouver ce niveau ni en 2022, ni en 2023.
Concernant la France, où les entreprises continuent à bénéficier de soutiens publics, les effets de la mauvaise conjoncture ont néanmoins provoqué une forte hausse des défaillances d’entreprises ces 12 derniers mois dans les secteurs du commerce automobile (+ 25 %), du transport/entreposage (+ 18 %) et de la construction (+17 %).
Dans le reste du monde, d’après Allianz Trade, les États-Unis, où en entreprises ont accumulé des réserves de liquidités, et la Chine devraient également contenir le nombre de défaillances d’entreprises à des niveaux inférieurs à l’avant crise jusqu’en 2023 au moins. En 2022, elles progresseront de respectivement 18 % et 3 %.
Les pays où le le nombre de faillites dépasse déjà le niveau de 2019
En revanche, plusieurs pays dépasseront ce niveau d’avant crise dès cette année : le Royaume-Uni (hausse de +37 % des défaillances en 2022), l’Espagne (+8 %), la Suisse (+ 20 %), la Finlande (4 %), la Grèce (+11 %), le Luxembourg (+10 %).
L’Italie, la Suède, la Belgique, l’Autriche, le Danemark, le Portugal et l’Irlande renoueront avec les chiffres de défaillance de 2019 en 2023 seulement.
A noter que plusieurs pays émergents devraient dépasser dès cette année leur niveau de 2019 en nombre de faillites, avec une forte augmentation des défaillances : la Bulgarie, l’Estonie, la Hongrie, la Pologne, la Roumanie, la Turquie, la Colombie, le Maroc, Hong Kong et Taiwan.
Quoiqu’il en soit, les entreprises devront plus que jamais être vigilantes quant à leurs risques de crédit à l’export.
Christine Gilguy
*Pour accéder à l’étude complète d’Allianz Trade, Global Insolvency Report- Growing risks and uneven state support, parue le 18 mai, cliquez ICI.