Le risque social, quel que soit le pays, développé ou pas, doit être examiné par les PME comme les grandes entreprises dans leur stratégie de développement international. Et sans doute encore plus par les petites et moyennes que les grandes sociétés qui plus souvent, investissant directement et s’implantant sur place, ont une connaissance plus approfondie du sujet.
« Il y a une intrusion des émotions dans le risque politique », résumait fort justement Jean-Louis Terrier (notre photo), le président fondateur de l’association Carin, lors de la conférence annuelle de ce centre d’analyse des risques internationaux, organisée, le 5 mars, avec le soutien du cabinet de conseil et d’analyse Tac Economics.
De la révolte populaire à Hong Kong jusqu’à la décomposition sociale au Burkina Faso, en passant par les printemps arabes, sans parler de l’épisode des « gilets jaunes » en France, les thèmes de la pauvreté, des inégalités, du populisme ou du « dégagisme » des élites sont maintenant au cœur du débat politique, menaçant la stabilité, voire la survie de certains régimes.
Autre exemple, l’Algérie. Les PME françaises, si allantes pour exporter dans ce pays eldorado du commerce courant, ne peuvent pas y ignorer les mouvements sociaux et politiques qui perdurent depuis des mois, porteurs de risques.
G. Callonico : « il y a deux ans encore, personne ne parlait de risque social »
« Le problème, notait Bertrand Badie, professeur émérite des Universités à Science Po Paris, c’est que la plupart des décideurs voient le monde tel qu’il devrait être et non pas tel qu’il est ». D’où un décrochage, plus au moins affirmé selon les pays, avec les citoyens. Ce décalage est préoccupant, d’autant, faisait-il valoir, qu’un Sommet du G7 à l’époque de la mondialisation et de l’interdépendance n’est pas la représentation du monde, puisqu’il exclut tout le reste de la planète.
« Il y a deux ans encore, personne ne parlait de risque social. Il y a encore peu, on pensait, par exemple, que le Brexit était impossible, parce que la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne apparaissait comme un acte irrationnel ». Pour Guillaume Callonico, directeur du Risque politique et géopolitique à la Caisse de dépôt et placement du Québec, les décisions irrationnelles ne sont jamais prises en compte par les marchés.
Et d’enfoncer le clou. « Aujourd’hui, exposait-il, on se félicite de la croissance économique aux États-Unis, mais a-t-on intégré dans les scénarios l’incertitude politique liée au résultat des prochaines élections présidentielles américaines ? ». La réponse est non.
Pour sa part, la direction du Risque politique et géopolitique à la Caisse de dépôt et placement du Québec, outre des mises à jour régulières, s’efforce de dresser des hypothèses tous les trois mois en fonction de l’évolution économique et politique des États-Unis.
Évaluer la frustration sociale
L’irruption du risque social a aussi amené un assureur-crédit comme Coface à créer un indice global du risque pays, qui mesure à la fois l’impact des conflits, la montée du terrorisme, la fragilité politique et sociale des États (nature du régime, fragmentation ethnique, libertés politiques…) et, pour les pays avancés, l’émergence du populisme.
« Pour que le risque social ait un impact sur la situation politique, il fallait deux conditions, expliquait son chef économiste Julien Marcilly, faisant allusion aux printemps arabes : un niveau de frustration sociale élevé et la possession dans la population d’instruments pour exprimer cette frustration ». Ce fut le cas via Internet avec les messageries et les réseaux sociaux, outils d’information et de mobilisation modernes.
De façon générale, chez Coface, s’agissant du risque social, les grandes nations bénéficient d’une évaluation favorable. Toutefois, pour un certain nombre d’entre eux, deux risques bien ciblés rythment de plus en plus la vie quotidienne des citoyens : le terrorisme et le populisme.
En outre, ajoutait Julien Marcilly, « le risque politique le plus important reste aux États-Unis ». La confrontation de ce pays avec la Chine recèlerait un risque systémique pour les banques.
François Pargny