Alors que la crise sanitaire a profondément remis en question un modèle reposant sur la délocalisation de la production dans des pays à bas coût, le dernier rapport de l’OMC sur le commerce mondial se montre très sceptique sur les vertus de la relocalisation.
C’est un véritable plaidoyer pour la mondialisation auquel se livre l’OMC dans son rapport annuel sur le commerce mondial après presque deux années de crise sanitaire qui ont vu ses fondements voler en éclats.
Avec la perturbation des chaînes d’approvisionnement, les fermetures des frontières, des taux de fret stratosphériques, les pénuries de composants, la flambée des prix des matières premières et de l’énergie, l’idée de relocaliser la production ou de travailler avec des fournisseurs européens plutôt qu’asiatiques semble pourtant faire sens.
Selon les analystes de l’OMC, les politiques de relocalisation, ne rendent pas les économies plus résilientes. Elles pourraient même avoir l’effet contraire en réduisant l’accès des pays en développement à certains produits et technologies. En cas de problèmes d’approvisionnement sur le sol national, les entreprises ne pourraient plus se tourner vers d’autres sources.
Vulnérabilité et résilience, les deux faces de la mondialisation
« L’autosuffisance économique est un objectif illusoire, tranche le rapport. Dans les secteurs de pointe, la production requiert un large et complexe éventail d’intrants mondiaux qui ne peuvent pas être fournis par un seul pays. Même dans l’agroalimentaire, la production dépend des importations de fertilisants, de machines agricoles ou d’énergie pour maintenir une production agricole suffisante. »
En outre, des politiques visant à favoriser la production nationale de produits jugés essentiels conduiraient à combiner subventions et protection des importations, entraînant in fine une hausse de prix pour les consommateurs finaux.
Bref, exemples des vaccins et des masques à l’appui, si « une économie mondiale hyper connectée, caractérisée par des relations commerciales profondes, a rendu le monde plus vulnérable aux chocs, elle l’a aussi rendu plus résilient lorsque ces chocs surviennent ».
De plus en plus d’entreprises rapatrient leur production
Pour la directrice de l’OMC, Ngozi Okonjo-Iweala, « une coopération internationale revigorée, et non un repli dans l’isolationnisme, est le plus sûr chemin vers la résilience ».
En attendant, depuis le début de la crise sanitaire des entreprises tricolores ont fait le choix de relocaliser leur production en France. En 2020, le nombre de relocalisations a même dépassé celui des délocalisations, une première en 12 ans. Selon une étude d’Euler Hermes publiée en juin, 56 % des entreprises françaises songent à relocaliser, sur le sol national ou dans d’autres pays européens.
Les exemples ne manquent pas et concernent tous les secteurs. Aigle a relocalisé une partie de la production de ses bottes en caoutchouc dans la Vienne. C’est désormais en France que Bénédicta produit ses œufs et ses huiles, Waterman ses stylos (Loire Atlantique), Malongo sa nouvelle machine à expresso (Vendée) et Lunii ses jouets (Bayonne).
L’entreprise pharmaceutique Seqens a annoncé un investissement de 100 000 euros pour la construction d’un site de production de paracétamol dans l’Isère. En septembre, Le Coq Sportif a démarré la construction d’une usine textile pour étendre son siège de Romilly-sur-Seine, dans l’Aube.
Plus de 600 projets de relocalisation
soutenus par le gouvernement
Début novembre, le gouvernement a dévoilé une nouvelle liste de 58 projets de relocalisation, sélectionnés par appels d’offres, portant à 624 le nombre total de projets soutenus en parti par le programme d’investissement d’avenir (PIA) dans le cadre du plan France relance.
Par secteurs, 114 sont dans la santé (soutenus à hauteur de 147,6 millions d’euros), 79 dans l’agroalimentaire (100,7 millions d’euros), 95 dans l’électronique (128,2 millions d’euros), 96 dans les intrants essentiels à l’industrie (chimie, matériaux, matières premières, 256,1 millions d’euros) et 23 dans les télécommunications (96,5 millions d’euros).
Le soutien gouvernemental ne fait cependant pas tout. Annoncée en février dernier, la relocalisation des cycles Mercier dans les Ardennes, avec 270 emplois et un investissement public de 5,8 millions d’euros, est pour l’instant au point mort. L’État s’est en effet retiré du projet. En cause, des procédures engagées par plusieurs Douanes européennes contre Trace Sport, une autre société dirigée par Jean-Marc Seghezzi, le patron de Mercier et spécialisée dans l’importations de vélos. Il lui est reproché d’avoir fait transitée des cycles conçus en Chine par des sociétés sri lankaises pour éviter d’avoir à payer les doits antidumping imposés par l’UE à la Chine. Des accusations vivement démenties par le dirigeant.
Sophie Creusillet
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