Ce fut l´un des moments les plus intéressants et concrets des premiers Entretiens du Trésor, un symposium organisé le 16 juin par le ministère de l´Economie et des finances sur le thème : Europe / Chine : relever les défis communs ». Faire parler tour à tour des patrons chinois et français du parcours de leurs entreprises respectives en France et en Europe (pour les Chinois) et en Chine (pour les Français) : Ren Jianxin, président du groupe chimique ChemChina, Jean-Pascal Tricoire, président du directoire de Schneider electric, Frankie Wong, vice-président du groupe de matériaux de construction Shui On Construction & Materials ltd (Socam), Louis Gallois, président exécutif d´EADS et Lin Cheng, président Europe de l´équipementier télécom ZTE. Une occasion, rare, d´écouter ce qu´ont à dire de grands patrons chinois sur leur vision du développement de leur entreprise en Europe et en France.
Ren Jianxin, a pu ainsi raconté comment, depuis 2006, son groupe s´était doté d´un programme d´expansion à l´étranger qui l´avait conduit à investir en Europe. En France, où il emploie aujourd´hui « 2300 personnes » il a notamment racheté Adico, dont il a « accru les bénéficies de façon impressionnante » et acquis l´activité silicone de Rhodia. « Il faut investir là où se trouvent les avantages compétitifs » a-t-il indiqué. « A mes employés, je dis que même si je suis leur patron, ils restent mes professeurs pour la gestion de l´entreprise ».
Frankie Wong, qui a créé une coentreprise avec Lafarge dès 2005 dans le sud ouest de la Chine, a mis l´accent, lui, sur les progrès réalisé par son groupe en matière de développement durable (sécurité, efficacité énergétique, réduction des émissions…) grâce aux apports de Lafarge : « Nous faisons mieux que les autres cimentiers chinois dans ce domaine grâce aux partenariats européens » a-t-il estimé. Le groupe, qui pèse 24 millions de tonnes de ciments, est en forte croissance sur lepremier marché cimentier du monde (150 millions de tonnes) qu’est son pays.
Enfin, Lin Cheng, cadre-dirigeant d´un groupe en pleine expansion internationale qui affiche aujourd´hui une capitalisation boursière aussi importante que Alcatel Lucent, a expliqué que ZTE avait tout simplement l´ambition d´être un acteur global. Présent en Europe depuis 2005, il a récemment choisi la France pour installer son siège européen. « L´Europe représente 10 % de notre chiffre d´affaires (7,5 milliards d´euros). Nous y employons 1000 personnes dans 10 pays », a-t-il précisé. « Notre politique est de recruter des locaux mais nous avons encore du mal : 40 % de nos employés en Europe sont chinois mais ils n´ont pas vocation à rester. Nous avons lancé des programmes d´embauche et de formation en France que nous souhaitons déployer ensuite dans d´autres pays». En France, le groupe emploie 200 personnes et il est en train de construire un centre de formation à Poitier. ZTE est aussi à la recherche d’entreprises innovantes : « Nous ne sommes pas venu seulement pour vendre du matériel chinois mais aussi pour développer des partenariats car le secteur des télécoms est très dynamique, avec beaucoup de petites PME innovantes ».
De quoi illustrer l´appétit des sociétés chinoises pour les investissements hors de leur territoire, avec des visions proches de celles qu´ont eues, en leur temps, leurs concurrents -et partenaires- occidentaux en Chine. Comme la souligné Kong Quan, l´ambassadeur de Chine en France, dans un français parfait, il existe 270 000 entreprises européennes installées en Chine et quelques 150 000 expatriés, mais les investissements directs chinois en Europe, avec 1,5 milliards d´euros, ne représentent encore que 0,26 % de tous les investissements directs étrangers (IDE)… Le « rééquilibrage » ne fait que commencer.
Christine Gilguy