Tirant parti de sa proximité avec l’Europe, le Maroc pose les jalons d’un développement durable avec l’aide des pays européens. Le savoir-faire français, la « French Touch », y joue un rôle important. « Le Moci », en partenariat avec la revue « Conjoncture » de la Chambre française de commerce et d’industrie au Maroc (CFCIM), dévoile dans cette enquête les ressorts et les perspectives prometteuses d’alliances aux multiples facettes.
Parmi les grands noms du tourisme français établis au Maroc, Pierre et Vacances manquait jusqu’ici à l’appel. Le leader européen des résidences de loisirs va ainsi rejoindre Accor, Club Méditerranée et Nouvelles Frontières.
Avec deux priorités, Agadir et Marrakech, « poumon » touristique du royaume chérifien. « Pierre et Vacances va contribuer à la réalisation de l’objectif de 10 millions de touristes, fixé dans le plan Vision 2010 », explique Dominique Brunin, le directeur général de la Chambre française de commerce et d’industrie au Maroc (CFCIM), organisateur du salon Marocotel à Casablanca.
Dans l’aéronautique, ce sont d’autres champions français, EADS et Safran, qui sont à l’origine de la constitution d’un tissu diversifié d’équipementiers, le plus souvent venus de l’Hexagone. L’aéronautique figure, au demeurant, parmi les « sept piliers » de la nouvelle stratégie industrielle Emergence. Tout comme l’automobile où c’est le groupe Renault qui donne un coup d’accélérateur à une activité à forte valeur ajoutée, en implantant à Tanger une usine pour produire la Logan.
Concocté en 2005 avec l’aide du cabinet McKinsey, ce plan définit la stratégie industrielle du royaume. Sept secteurs sont plus particulièrement concernés : automobile, aéronautique, textile, agroalimentaire, produits de la mer, artisanat et offshoring. Depuis deux ans, avec la montée en puissance de secteurs à forte valeur ajoutée, comme l’automobile et l’aéronautique, la Direction des investissements du Maroc « vend » moins le pays comme une nation à bas coût (low cost) que comme une terre de création. Et la France est partout où ça décolle : dans l’offshoring (externalisation d’activités informatiques), l’agroalimentaire, le textile, la banque, etc.
Le premier investisseur français opère, quant à lui, dans les télécommunications. Vivendi, en l’occurrence, contrôle l’opérateur historique Maroc Telecom. À la tête de son conseil de surveillance, Jean-René Fourtou co-préside aussi le Groupe d’impulsion économique franco-marocain (GIEFM), avec Mustafa Bakkoury, qui dirige, lui, une des institutions les plus puissantes du royaume, la Caisse de dépôt et de gestion (CDG). « Au sein du GIEFM se retrouvent des responsables de grandes sociétés.
Ce sont des individus indépendants du patronat, qui, venant avec leurs seuls carnets d’adresses, peuvent faire des propositions hardies au pouvoir et aux entreprises en matière de fiscalité, de justice ou de relations avec l’administration », observe Khalid Laraichi, directeur de cabinet de Mustafa Bakkoury.
Dans ce contexte, nul ne s’étonnera que le Maroc soit aussi considéré comme un allié primordial du projet élyséen d’Union pour la Méditerranée. C’est lors de son voyage au Maroc, en octobre 2007, que le président Nicolas Sarkozy a lancé officiellement ce projet, à Tanger. Il a aussi annoncé, à cette occasion, 3 milliards d’euros de contrats, dont 2 milliards pour une liaison TGV entre Tanger et « Casa ».
Quelques mois après, François Fillon, le Premier ministre, signait à Rabat 17 accords en majorité économiques et la DCNS obtenait la vente d’une frégate franco- italienne multimission Fremm pour un montant de 500 millions d’euros. Oubliées, les déconvenues du Rafale !
Surtout que la France va présider l’Union européenne (UE) à compter du 1er juillet. En outre, Ubifrance et la Chambre française de commerce et d’Industrie du Maroc (CFCIM) organisent la 4e édition d’une manifestation très prisée des entreprises françaises, France Expo, où elles devraient être 360 à exposer du 12 au 15 novembre, à Casablanca.
Dernier terrain où le savoir-fraire français est attendu : la formation professionnelle. « Nous attendons des entreprises françaises qu’elles s’engagent dans ce domaine », insiste Nizar Baraka, ministre marocain de l’Économie et des Affaires générales. Et de citer le cas de Renault qui crée une académie pour former des formateurs et travaillera en partenariat avec l’Office de la formation professionnelle et de la promotion du travail (OFPPT). « Ce type de coopération public-privé est vital si nous voulons éviter que l’écart se creuse entre les filières et les besoins des entreprises », précise Nizar Baraka.
Si, globalement, le chômage est inférieur à 10 % selon le ministre marocain, celui des jeunes urbains de 25 à 34 ans reste supérieur à 21 %. Côté français, l’offre se met en route : la CFCIM s’est associée en 2007 au Conservatoire national des arts et métiers en matière de formation à distance et va lancer à Casablanca une section du programme Grande école du groupe École supérieure de commerce de Toulouse. Aujourd’hui, l’école d’informatique Supinfo s’implante à Casablanca et Sciences Po Paris va créer un institut économique et de gestion.
François Pargny, envoyé spécial au Maroc
L’Union européenne pourrait accorder le statut de « pays avancé » au Maroc
Le partenariat franco-marocain devrait avoir des effets positifs sur les rapports entre Rabat et Bruxelles. Car le pays n’a pas toujours pu ou su profiter de la manne européenne. Sourire aux lèvres, mais concentré, l’ambassadeur de l’Union européenne à Rabat, Bruno Dethomas, rappelle que « le Maroc est le pays de la zone qui reçoit le plus d’aide européenne ».
Mais le succès n’a pas toujours été au rendez-vous. Ainsi, pour M’hamed Sagou, président de la Commission économique et financière de la CFCIM, « la mise à niveau des entreprises marocaines est globalement un échec ». Pour une raison simple, affirme cet ancien ministre des Finances : « Protégé jusque dans les années 1990, le textile et l’agroalimentaire n’étaient pas habitués à investir dans l’appareil productif. »
Même déception, s’agissant, cette fois, de l’accord d’association entré en vigueur en 2000 et devant aboutir à la constitution d’une zone de libre-échange des deux côtés de Méditerranée en 2012.
« Nous sommes restés trop longtemps un pays de sous-traitance et n’avons pas suffisamment diversifié nos exportations », convient Nizar Baraka, ministre marocain de l’Économie et des Affaires générales. Le 1er janvier 2007, un nouvel instrument communautaire, la Politique européenne de voisinage (PEV), a été mis en place.
Par ailleurs, depuis le début de l’année, Bruxelles et Rabat négocient la libéralisation du commerce des services. Les discussions sur les échanges des produits de l’agriculture et de la pêche se poursuivent. Et le dialogue en matière politique, de sécurité et de lutte contre l’immigration clandestine est approfondi.
« Nous réfléchissons à un statut avancé pour le Maroc, qui pourrait prendre la forme d’une coopération en matière de lutte contre le terrorisme et de participation aux programmes européens », explique Bruno Dethomas.
Au passage, l’ambassadeur européen rappelle que les programmes
de recherche et développement sont déjà ouverts au Maroc et que
ce pays participe au projet européen de navigation par satellite Galileo.
F. P.