Le Portugal n´échappe pas à la crise. Mais le gouvernement portugais a décidé de lâcher du lest. Il va augmenter les dépenses d´investissement public, à l´aide notamment de financements européens, et appuyer les PME. La récession devrait accélérer la mutation structurelle du pays et ouvrir de nouvelles perspectives pour les entreprises françaises.
Une chute de 3,5 %. Telle est la nouvelle prévision de décroissance du PIB en 2009 rendue publique par la Banque du Portugal à la mi-avril. La révision par rapport à la précédente prévision (– 0,8 %) est brutale. En janvier 2009, la Commission européenne tablait sur – 1,6 %. La consommation des ménages baisserait de 1 %, les exportations de 14,2 % et l´investissement de 15 %. « Il s´agit des prévisions les plus pessimistes publiées par la Banque du Portugal jusqu´à maintenant. À l´heure actuelle, 2009 apparaît comme l´année de la plus grande récession depuis trente ans », indique Cristina Semblano, responsable des études et de la planification de la succursale France de la Caixa Geral de Depositos (CGD).
La crise a une traduction concrète, et dramatique, en termes de faillites d´entreprises leaders et de montée du chômage. La filiale portugaise de l´allemand Quimonda, qui réalisait des activités d´assemblage de composants électroniques, a déposé le bilan. Le choc a été durement ressenti car il s´agissait de la première entreprise exportatrice. Aucun repreneur sérieux ne s´est manifesté. Autre exemple : Aerosoles, un des fleurons de la chaussure, a également mis la clé sous la porte. Même le liège n´est pas épargné. Pour la première fois de son histoire, Corticeira Amorim, numéro un mondial du secteur, a été obligé de licencier en début d´année.
Mais le Portugal n´a pas commis les excès du voisin espagnol dans le secteur immobilier, et le système bancaire dans son ensemble est solide. Certes, la reprise sera lente et dépendra surtout de l´évolution de l´économie européenne, qui absorbe 80 % de ses exportations.
Face au choc, le gouvernement portugais a fait adopter une loi de finances rectificative en janvier 2009. Celle-ci prévoit une hausse des dépenses d´investissement public de 13 % en 2009, après plusieurs années d´austérité. Elle inclut également des mesures d´appui aux PME, notamment la baisse du taux de l´impôt sur les sociétés, qui passe de 25 % à 12 % pour les premiers 12 500 euros de bénéfices. Des mesures incitatives ont été adoptées afin d´améliorer la consommation « verte ».
Cette politique de relance traduit un changement de la politique économique. Jusqu´ici le gouvernement socialiste de José Socrates avait pratiqué une politique d´austérité en matière de finances publiques afin de respecter les critères de Maastricht. Le déficit public a été ramené à 2,2 % du PIB en 2008. « Le gouvernement portugais dispose d´une marge de manœuvre, d´autant qu´il peut s´appuyer également sur les financements européens, qui représentent une manne non négligeable : 21 milliards d´euros pendant la période 2007-2013 », estime Yves Cadilhon, chef de la Mission économique à Lisbonne.
En matière d´infrastructures, le plan de relance se traduit par une série de projets : ligne de TGV Madrid-Lisbonne-Porto-Vigo, nouvel aéroport de Lisbonne, autoroutes, investissements dans des écoles et des hôpitaux principalement. Le gouvernement souhaite respecter les calendriers annoncés.
Le ministre des Finances, Fernando Teixeira dos Santos, a annoncé que les investissements seraient accélérés lorsque cela serait possible. L´impact de ces projets sur l´activité économique devrait commencer à être pleinement perceptible à partir de 2010.
À terme, le Portugal est appelé à devenir un marché important en Europe pour les fournisseurs d´équipements et de services. Les Portugais disposent d´entreprises très compétitives dans le génie civil. Les entreprises françaises suivent évidemment ces projets, principalement les différents appels d´offres prévus pour le TGV.
Des perspectives d´affaires devraient se dégager dans d´autres secteurs. « Les entreprises françaises peuvent profiter de la mutation en cours de l´économie portugaise vers des secteurs à forte valeur ajoutée. La crise devrait accélérer ce phénomène », indique Yves Cadilhon. Les produits d´exportation à haute et moyenne intensité technologique représentent désormais la moitié des exportations portugaises, alors qu´il y a sept ans, leurs poids n´était que de 20 %. Cristina Semblano fait remarquer que « le profil des secteurs d´exportation traditionnels, textile, habillement et chaussure, a également évolué ».
La puissante industrie textile et de la confection du nord du pays a amorcé un processus intéressant, en développant des produits originaux et de qualité. Il est question maintenant de créer un cluster de la mode, un domaine où les industriels portugais ont raté le coche pendant les années 1990. Un secteur local des TIC est en train de se consolider grâce aux investissements des multinationales (Hewlett-Packard, Microsoft, etc.) et, fait nouveau, à l´émergence d´acteurs locaux.
Le gouvernement souhaite développer un secteur aéronautique. La France dispose d´un atout essentiel dans ce domaine, les pôles de compétitivité, que le gouvernement souhaite développer. Certains pôles français (Pôle européen de la céramique de Limoges, Pôle Mer Bretagne de Brest, notamment) ont commencé à nouer des contacts. Les coopérations entre pôles pourraient déboucher sur des partenariats entre PME des deux pays, à condition toutefois que le gouvernement portugais donne un coup d´accélérateur !
Dossier réalisé par Daniel Solano