Alors que les débrayages de dockers contre la réforme des retraites s’enchaînent en ce mois de mars, transporteurs et chargeurs craignent une perte de compétitivité irréversible des ports français au profit d’autres pays européens.
Douze jours et demi, soit 300 heures. C’est la durée totale des grèves et débrayages dans les ports français depuis le début de l’année, selon un communiqué commun des commissionnaires de transport*. « Les répercussions sur l’économie française sont dramatiques », déplorent les fédérations professionnelles dans un communiqué. Leur emboîtant le pas, les chargeurs réunis au sein de l’AUTF (Association des utilisateurs de transport de fret) appellent à « une action rapide et coordonnée ».
« Sans action rapide, l’attractivité et la compétitivité des ports français risquent d’être durablement compromises, avec des conséquences irréversibles : la reconquête des trafics détournés pourrait prendre entre 5 et 10 ans, voire en jamais se réaliser », prévient l’AUTF. En raison de ce mouvement social, les compagnies maritimes font en effet l’impasse sur les escales françaises et reroutent leurs navires.
Un quart des flux détourné
Selon les commissionnaires, c’est déjà le cas de « près de 25 à 30 % des flux de marchandises » qui se détournent vers « Anvers, Rotterdam, Wilhelmshaven, Hambourg, Gênes, Barcelone et Savone ». Ce mouvement social vient donc peser encore un peu plus sur la compétitivité des ports français, déjà peu reluisante comparée notamment à leurs homologues du range Nord.
En juin 2024, la Banque mondiale classait Le Havre, premier port à conteneurs de France, 372ème de son Container Port Performance Index (CPPI), deux rangs derrière Douala, au Cameroun, et celui de Marseille en 354ème position, juste devant le port de Constanța, en Roumanie. Barcelone occupe la 34ème place, Anvers-Bruges la 76ème, Rotterdam la 91èmeplace et Hambourg la 121ème de cet index fondé sur la performance (attente, opérations, numérisation…).
Les coûts s’envolent
En outre, ces perturbations engendrent une importante augmentation des coûts, alimentée par les frais d’utilisation des conteneurs, ceux du stockage voire du réacheminement des marchandises. A l’importation, le surcoût par conteneur « atteint 61 % », estime les commissionnaires dans leur communiqué. Au total, pour le seul mois de février, la facture supplémentaire s’élèverait à 232 millions d’euros.
Dans ce contexte, ces professionnels du transport maritime international réclament une garantie de libre circulation au sein des zones portuaires, la mise en œuvre « d’un plan de continuité avec l’ensemble des acteurs de la chaîne logistique » ainsi que « l’extension des temps de franchises associées aux frais d’utilisation des conteneurs, ou en explorant tout autre solution ». De leur côté, les chargeurs en appellent à « la mise en place immédiate d’une cellule interministérielle de coordination regroupant [les] fédérations professionnelles et les autorités compétentes ».
En attendant, transporteurs, commissionnaires et chargeurs devront faire face à une grève de 72h annoncée du 18 au 20 mars, soit le débrayage le plus long depuis le début de l’année.
Sophie Creusillet
* TLF Overseas, le Syndicat rouennais des commissionnaires de transport transitaires (SRCTT), le Syndicat des transitaires et des commissionnaires en douane du Havre (STH) et le Syndicat des transitaires Méditerranée Rhône Alpes.