Yeux bleus perçants, teint hâlé et sac à dos en bandoulière, Michel Lescanne a tout de celui qui rentre d’une mission en Afrique. Vous n’y êtes pas. Il revient de deux semaines de navigation dans les Antilles. Ce Normand a toujours fait du bateau.
Homme de voyages et de rencontres, il reste très lié à la Normandie et à son histoire familiale. Né en 1952, il grandit à Maromme, dans une famille de huit enfants, en face de l’usine laitière que son père dirige. « C’était l’après-guerre, il fallait nourrir correctement les enfants pour éviter le rachitisme », se souvient-il. En 1954, Pierre-Mendès France fait distribuer du lait dans toutes les écoles. C’est donc assez naturellement qu’il suit la même voie que son père et entre à l’École nationale supérieure des industries laitières de Nancy, puis à l’Institut supérieur d’agriculture de Beauvais.
Une formation d’ingénieur qui lui permet de vous expliquer en quelques coups de crayon sur un morceau de papier le principe de fonctionnement des micronutriments. Passionné, l’homme déborde de projets et d’anecdotes. Mais il sait aussi faire preuve de pragmatisme. On lui reproche de faire de l’argent sur le dos de la misère humaine ? « Cela fait 25 ans qu’on me dit ça mais, en attendant, le Plumpy’nut a permis de prendre en charge des centaines de milliers d’enfants. » Les ONG critiquent sa politique de brevets ? « Je la revendique comme un instrument de développement », répond-il. Et la PME de proposer un accès libre à son brevet. Des contrefaçons ? « Si elles sont fabriquées par des entreprises du Nord, nous attaquons en justice, sinon nous essayons de faire entrer les contrefacteurs dans le réseau Nutriset. »
Dans deux ans, c’est sa fille Adeline, 32 ans, ingénieur agronome et titulaire d’un master en sociologie appliquée, qui prendra la relève. Posée, tempérée, on la devine aussi plus inquiète que son père. Mais pas de stress non plus, les complications douanières sont racontées avec un large sourire. Jeune maman, enceinte d’un deuxième enfant, Adeline a passé beaucoup de temps en Afrique « entre 15 et 25 ans ». ONG, programmes de l’Union européenne, secteur privé… Une vocation ? « Adolescente je ne savais pas trop quoi faire de ma vie. Mes parents m’ont envoyée 15 jours au Burkina Faso. » Une formation de terrain familiale.
S. C.