Pôle emploi est la porte d’accès à Eures, le réseau européen pour la mobilité internationale intra-européenne. Sa mission : informer et regrouper l’ensemble des CV des dizaines de milliers candidats français et européens à la mobilité internationale, et autant d’offres émanant des quatre coins de l’Europe. Un service qui gagnerait à être connu des PME et ETI. Dans le dernier numéro spécial du Moci consacré aux Formations au commerce international*, Nicolas Simon, responsable Offre de service internationale de Pôle emploi, nous en dit plus. Voici son interview en avant-première.
Le Moci. Que propose Pôle emploi pour les demandeurs sur l’international ?
Nicolas Simon. Notre activité internationale s’inscrit dans la stratégie globale de Pôle emploi, fixée par une convention tripartite avec le gouvernement et avec l’Unedic. Notre mission est avant tout d’accompagner les demandeurs pour un retour à l’emploi durable, mais aussi les entreprises françaises dans le recrutement, plus particulièrement les petites et moyennes entreprises.
Dans cet objectif, nous avons développé une offre de service qui s’appuie sur une équipe d’une soixantaine de conseillers spécialisés dans la mobilité internationale. Avec deux axes principaux : accompagner les demandeurs d’emploi qui ont un souhait de mobilité à l’international, et accompagner les entreprises françaises, grandes entreprises mais aussi PME, qui ont des besoins de recrutement pour des postes basés à l’étranger.
Le Moci. S’agit-il d’expatriation ou d’autres formes de mobilité internationale ?
N. S. C’est une donnée qui évolue car la terminologie « expatrié » correspond à un statut bien particulier. Au sein de l’Union européenne, du fait de la réglementation permettant la libre circulation des travailleurs, on peut avoir une continuité de la protection sociale ; de ce fait, le statut d’expatrié est en forte diminution en volume.
Mais même en dehors de l’UE, beaucoup de grandes entreprises sont en train de changer leur politique de recrutement pour accompagner leurs activités à l’étranger, avec davantage de recrutement en local et des cadres basés en France qui font des déplacements réguliers vers ces pays sans s’installer sur place. C’est une question de maîtrise des coûts.
Le Moci. L’expatriation est-elle en déclin ?
N. S. Je ne dirais pas cela. Les volumes de demandeurs d’emploi accompagnés par les équipes Mobilité internationale sont toujours à peu près les mêmes. Il y a eu une petite baisse durant la période Covid, mais on accompagne en moyenne 15 000 personnes par an sur des projets de mobilité à l’international, un nombre plutôt stable.
La principale évolution qu’on a observé durant la crise sanitaire n’est pas tant la diminution des volumes de projets de mobilité à l’international mais plutôt leur fort recentrage sur les destinations européennes. Cette crise Covid a démontré la grande vertu du principe de libre circulation des travailleurs en Europe, qui donne une certaine sécurité en cas de crise comme le Covid ou la guerre en Ukraine : il est beaucoup plus facile de rentrer chez soi, contrairement à ce que certains expatriés français, je pense notamment à ceux qui sont en Chine, ont pu vivre en raison de confinements très durs. On va voir dans les deux années qui viennent si cette tendance se confirme.
« 75 000 Européens non français ont candidaté sur nos offres d’emploi »
Le Moci. Vous êtes aussi le point contact en France de la plateforme européenne Eures.
N. S. En effet, par délégation du ministère du Travail, le service Mobilité internationale de Pôle emploi porte la coordination nationale pour la France du réseau Eures, qui est l’Agence européenne de promotion et d’accompagnement de la libre circulation des travailleurs en Europe. Dans ce cadre, on accompagne les demandeurs d’emploi français qui ont un projet de mobilité en Europe avec tous les outils de ce réseau et on renseigne également des demandeurs d’emploi européens qui sont intéressés à venir travailler en France. De la même manière, on accompagne des entreprises françaises qui souhaitent recruter pour des postes basés dans un autre pays d’Europe ou des entreprises européennes intéressées par un recrutement de francophones.
Nous accompagnons toutes ces opérations de recrutement avec un certain nombre d’outils et des aides à la mobilité européenne, par exemple, pour les frais liés à un déménagement, la reconnaissance des diplômes, des cours de langues, etc.
Le Moci. Combien de demandeurs d’emploi passent-ils par ce service ?
N. S. En moyenne, sur les deux dernières années, 75 000 Européens non français ont candidaté sur nos offres d’emploi. D’après les statistiques de l’Union européenne, la France fait partie des principaux pays d’accueil et est aussi l’un des principaux qui exporte des compétences vers les autres pays européens. Il est vrai que nous avons en France, pays disposant de frontières terrestres avec six autres (Belgique, Luxembourg, Allemagne, Suisse, Italie, Espagne), le phénomène très particulier des transfrontaliers, dont on estime le nombre à 600 000.
Le Moci. Les entreprises, et particulièrement les PME, ont-elles du mal à recruter sur des métiers liés à leur développement à l’international ?
N. S. Nous n’avons pas de chiffres précis spécifiquement sur l’international mais je peux vous donner la tendance générale. Selon la dernière enquête sur les besoins en main-d’œuvre (BMO), conduite par Pôle emploi fin 2021 auprès de plus de 440 000 entreprises, plus de 50 % des répondants ayant un projet de recrutement pour l’année 2022 estiment que ce projet sera difficile à mener. Ce pourcentage atteignait 35 % en 2015-2016. Le nombre de postes restant à pourvoir augmente, c’est un phénomène de fond. Les secteurs particulièrement en tensions sont sans surprise la santé, l’informatique et le numérique, les services à la personne, l’hôtellerie-restauration.
Concernant les postes basés à l’international, un autre paramètre est à prendre en compte :ce sont des recrutements qui mettent un peu plus de temps que pour la France. Car le bon candidat devra apporter à la fois les compétences métier recherchées par l’employeur mais aussi des compétences linguistiques, une capacité à s’intégrer dans un milieu interculturel. De plus, pour le candidat, au-delà d’être un choix professionnel, c’est un projet de vie.
Enfin, une tendance que nous partageons avec Business France, avec qui nous travaillons en partenariat sur le volontariat international en entreprise (VIE) : comme le marché du travail est très tendu, un certain nombre de jeunes diplômés font le choix d’être embauchés directement par les entreprises en CDI, en France ou à l’étranger, sans passer par ce parcours du VIE.
Le Moci. Pôle emploi est-il un organisme public suffisamment utilisé par les entreprises qui ont des projets de développement international et des besoins de recrutement pour l’accompagner ?
N. S. À mon sens, non. C’est aussi pour cela que nous développons des partenariats avec un certain nombre de réseaux, comme Business France, pour lesquels nous fournissons un service d’appui sur les offres en VIE. On a également un partenariat avec le réseau des Chambres de commerce françaises à l’international, qui nous permet de faire connaître nos services et de recueillir des informations sur les conditions des marchés du travail locaux.
Le Moci. Le nombre d’entreprises exportatrices est en hausse. Cela se traduit-il par une hausse des recrutements de profils export ?
N. S. Ce que je peux vous dire, c’est qu’on a une très forte hausse, au premier semestre 2022, du nombre d’offres confiées à Pôle emploi que ce soit pour des postes basés en France ou à l’étranger, tendance qui se confirme à l’échelle européenne. Et sur le portail Eures, on comptabilisait fin avril plus de 4 millions d’offres d’emploi disponibles contre 3,5 millions avant la crise sanitaire.
Propos recueillis
par Christine Gilguy
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