« La France doit s’intégrer dans la chaîne de production mondiale » et le Mexique est bien placé pour l’y aider, si l’on en croit Fernando de Mateo (notre photo), ambassadeur du Mexique auprès de l’Organisation mondiale du Commerce (OMC). Non seulement son pays est la 14eme économie et le 10eme exportateur mondial – parmi les quatre premiers dans l’automobile – mais elle dispose à fois d’un accord de libre-échange avec le Canada et les États-Unis en Amérique du Nord (Alena) et avec l’Union européenne (UE).
Un avantage considérable, selon l’ambassadeur du Mexique en France, Agustin Garcia-Lopez, qui estime que son pays peut être « la porte de l’Europe en Amérique latine » et la France « la porte du Mexique en Europe ». Un argument que ce diplomate a développé récemment à Paris, le 26 mai exactement à l’occasion du colloque « Le Mexique : un marché en plein renouveau ! ». Un mois et demi après le déplacement du président Hollande au Mexique (10-11 avril), cette manifestation était organisée par le Cercle des nations américaines France Amériques et la Commission Amérique latine et Caraïbes du Comité national des conseillers du commerce extérieur de la France (CNCCEF).
Agustin Garcia-Lopez : « il n’y a plus de tabous »
Pour stimuler l’intérêt des Français, présents pendant la réunion, Agustin Garcia-Lopez a insisté sur la libéralisation économique en cours au Mexique, citant ainsi les réformes à venir dans les secteurs stratégiques. « Dans l’énergie et les télécommunications, il n’y a plus de tabous », a-t-il précisé, avant de faire allusion à l’affaire Florence Cassez, sans jamais citer le nom de cette Française accusée au Mexique de séquestration et libérée en janvier 2013 après huit ans de détention.
« La parenthèse dans les relations entre la France et le Mexique est refermée, la tâche est effacée », a-t-il affirmé. Des propos faisant écho à ceux de Patrick Boursin. Ouvrant le colloque, le président de la section Amérique latine-Caraïbes de France-Amériques, avait d’emblée assuré que Paris et Mexico travaillaient « à nouveau main dans la main » et « allaient redonner de la substance à leurs économies ».
A cette occasion, Fleur Pellerin, secrétaire d’État française au Commerce extérieur, s’est félicitée des opportunités existant dans l’agriculture ou la santé, de la réforme énergétique en cours et surtout du grand programme national d’infrastructures de 700 projets (lignes ferroviaires, aéroports…). Pour les relations commerciales, 2013 a été une année record, avec 3,9 milliards d’euros, dont 2,4 milliards d’exportations de l’Hexagone. La secrétaire d’État a aussi rappelé que des instruments bilatéraux efficaces avaient été mis en place, comme le Conseil stratégique franco-mexicain (CSFM), visant à identifier les secteurs de partenariat.
Quatre priorités : aéronautique, énergie, santé, transport
Selon Philippe Faure, co-président du CSFM et représentant spécial de la France pour le Mexique, quatre grands pôles doivent être développés : aéronautique, énergie, santé, transport. En 2009, Paris et Mexico ont notamment signé une lettre d’intention prévoyant la construction d’un Campus franco-mexicain des métiers de l’aéronautique à l’université aéronautique à Querétaro (Unaq).
Impliqué dans ce projet, Airbus injecte 100 millions de dollars d’investissement dans la phase 1 de sa nouvelle usine d’hélicoptères, près de cette ville. En outre, la compagnie. doit livrer au Mexique 136 avions, surtout à partir de 2015, aux compagnies Interjet, Volaris et Aerobus. Par ailleurs, un fonds, présidé par Fernando Chico Pardo, fondateur de Promecap Capital de Desarrollo, doit permettre à des PME françaises de la « supply chain » d’Airbus notamment de sortir de l’Hexagone pour se rapprocher de l’avionneur, qui cherche depuis plusieurs années à produire davantage en zone dollar.
Pour sa part, Safran (plus de 5 000 employés) a investi plus de 1 milliard d’euros en dix ans et développe des programmes dans les drones ou les moteurs électriques. Le groupe participe ainsi à la fabrication du moteur Powerjet Sam 146 qui contribue au succès de l’avion moyen-courrier Soukhoï Superjet 100 mis en service en septembre 2013 par la compagnie mexicaine Interjet.
De même, les grands laboratoires pharmaceutiques sont très actifs, à l’instar de Sanofi Pasteur dans les vaccins. « Le Mexique est confronté au fléau de l’obésité ou au diabète et nous allons organiser des Assises franco-mexicaines dans la santé autour du 14 juillet », a dévoilé Philippe Faure. Le coprésident du CSFM a aussi mis en avant les coopérations lancées dans la télémédecine, la création d’un Samu mexicain, la mise en place d’un dispositif de sécurité sociale, intégrant, notamment, la carte vitale.
Philippe Faure : « tous les sujets sont sur la table, du gaz de schiste au solaire »
Dans l’énergie, « tous les sujets sont sur la table, du gaz de schiste au solaire, éventuellement le nucléaire », selon Philippe Faure. Total, Gaz de France Suez, EDF et l’IFP ont mené récemment une mission sur le terrain. « Il s’agirait plutôt de nouer des partenariats que de s’intéresser à des privatisations sauvages et le fonds constitué pour les PME et PMI pourrait aussi jouer un rôle d’accompagnement dans ce domaine », se félicite le représentant spécial de la France.
Enfin dans le transport, le coprésident du CSFM a évoqué les appels d’offres et les opportunités offertes par les projets de métro, de train ou par le nouvel aéroport de Mexico ou l’extension de l’ouvrage existant.
Répondant à une question de Julien Rodriguez, directeur Export de Boccard (ensemblier industriel) sur l’agriculture, Philippe Faure a indiqué que ce secteur figure « dans les prochains objectifs ». « Nous y avons d’autant plus intérêt, a-t-il ajouté, que nos exportations sont faibles au Mexique, hormis dans les vins et spiritueux ». Malgré le développement du champagne ou de la vodka du groupe Pernod Ricard, le Mexique demeure un pays où la population privilégie la consommation de bière et de téquila.
François Pargny