Relancer le développement de cette plateforme internationale de mise en contact BtoB : c’est la mission de Julien Poilleux, nouveau directeur général Europages, dont la nomination a été officialisée le 7 février 2019 par la maison mère allemande Wer liefert was (Wlw), un leader européen des places de marché BtoB en Allemagne, Autriche et Suisse. Une nomination officielle qui intervient après une période de six mois passés par cet ancien du groupe Infopro Digital, à remettre à plat la stratégie et l’organisation de cette société dont l’origine remonte aux premiers annuaires professionnels européens dans les années 80, et qui était en quête d’un nouveau souffle depuis son rachat, en 2016, par Wlw.
Un petit retour en arrière s’impose. Créée en 1982 par des annuaires postaux professionnels – l’équivalent de nos « pages jaunes »- de plusieurs pays européens (dont Allemagne, Belgique, Espagne, France, Italie), Europages a pu prospérer jusqu’au milieu des années 2000 en passant du papier à Internet et en s’appuyant sur la force de frappe commerciale de ses actionnaires, qui assuraient la commercialisation de l’offre. Puis ces actionnaires historiques se son progressivement retirés dans les années 2000, l’Italien Seat Pagine Gialle restant un temps seul aux manettes, en 2012. Le virage Internet avait été pris dès le milieu des années 1990, le dernier annuaire papier ayant été imprimé en 2007, mais la force de frappe commerciale avait considérablement été affaiblie : le chiffre d’affaires est passé en très peu de temps de 35 millions d’euros à environ 7 millions aujourd’hui.
Principale cible : « la PME qui veut aller à l’export »
Transformer et relancer la machine est le principal défi que doit relever Julien Poilleux alors que la déferlante Google et des grandes places de marché nationales et internationales a rebattu les cartes.
Dans ce contexte, le positionnement est clairement transfrontière -avec un outil multilingue propre-, BtoB et la cible est le tissu des PME : « On se définit comme une plateforme de sourcing international avec pour objectif de mettre en relation vendeurs et acheteurs, explique le dirigeant. Ce que l’on cherche à vendre, c’est un outil de mise en relation BtoB ». Sa principale cible : « la PME qui veut aller à l’export », et qui veut se rendre visible auprès d’acheteurs potentiels.
L’approche annuaire est depuis longtemps dépassée, le modèle se rapprocherait plutôt d’Alibaba. Google est à la fois un concurrent dont il faut se différencier par une offre technique plus pointue, évidemment multilingue, et à la fois un partenaire puisque Europages est un revendeur de l’outil de référencement Adwords du moteur de recherche américain, incontournable aujourd’hui sur Internet.
Même si la plateforme ne faisait plus beaucoup parler d’elle ces dernières années, en attendant sa nouvelle feuille de route, l’outil a été entretenu et développé : elle présente en ligne les offres et contacts de 21000 sociétés clientes dans de nombreux secteurs (26 grands secteurs, 4500 sous-secteurs, 90 000 mots-clés produits), ce dans 26 langues (dont les principales européennes plus l’arabe, le turc et le chinois), et elle dispose d’un moteur de recherche. Un atout selon Julien Poilleux : « là où beaucoup de nos concurrents sont encore sur du listing de contacts, nous nous avons un vrai moteur de recherche technique » estime-t-il, « meilleur que Google », selon lui.
3 millions d’inscrits, 36 millions de visites par an
Le modèle économique, lui, n’a pas varié : pour l’acheteur, l’accès est gratuit moyennant une simple inscription, c’est le fournisseur qui paye pour y être visible, avec une profondeur et des fonctionnalités qui augmentent en fonction du prix payé. La plateforme revendique actuellement une base de données de 3 millions de sociétés inscrites, toutes des acheteurs potentiels, et quelque 36 millions de visites par an certifiées OJD. Europages aimerait voir tripler ce score à l’avenir, voire atteindre la barre des 100 millions.
De temps en temps, elle voit même passer de très gros acteurs comme Ikéa ou Amazon, dont les services achats sont en quête d’un produit spécifique ou veulent tester des offres. Récemment, par exemple, une grande plateforme de vente en ligne britannique y a fait des recherches d’emballages en lien avec le lancement de son activité de livraison de produits alimentaires frais. Ou encore c’est une enseigne de la grande distribution marocaine qui a effectué une recherche sur des articles textiles. « Nos clients ne doivent pas négliger les demandes sur de petites quantités car cela peut être un test de produits qui peut aboutir à de plus grosses commandes » souligne Julien Poilleux.
Monter en gamme
« Le client nous confie sa présentation produit et son catalogue, on lui met en place une page sur notre plateforme et on la fait traduire dans un minimum de 15 langues, détaille Julien Poilleux. Ensuite, on peut l’appuyer dans sa communication, par exemple sous la forme d’un communiqué lorsque l’entreprise participe à un salon et veut le faire savoir ; il peut aussi bénéficier d’un outil de test de son offre ». « Le produit le plus cher est de l’ordre de 3600 euros par an » précise encore le dirigeant. Ce dernier insiste sur la qualité du service de traduction qui s’appuie sur un réseau de traducteurs « humains », et non pas seulement des logiciels de traduction automatique.
Parmi les pistes de développement actuellement étudiées pour monter encore en gamme, l’amélioration de la traduction et l’intégration de langues nouvelles, les retours d’expérience des clients, la réduction du temps de réponse des fournisseurs aux sollicitations des acheteurs. « Nous souhaitons que les acheteurs BtoB utilisent à terme Europages non seulement parce qu’ils y trouvent le volume d’offres qui convient mais aussi parce que le délai de réponse à leur requête est rapide » explique le dirigeant.
Efforts de communications et partenariats
A l’heure actuelle, Europages compte une quarantaine de collaborateurs de quinze nationalités différentes à son siège de Levallois Perret. Julien Poilleux a renforcé le management en recrutant en décembre et en janvier derniers des cadres-dirigeants expérimentés dans le domaine commercial et marketing. Tarik Zahzah, ex. cadre de EF Education First, a pris la direction des partenariats, Raphaël Ermini, un ancien du groupe Infopro Digital, pilotera la direction commerciale et la transformation du groupe, et enfin Sylvain Fouillaud, débauché de iProspect, a été nommé SEO.
La société vend ses prestations en direct en France et en Belgique et passe par des partenaires revendeurs pour les autres pays. En Italie, son partenaire, l’annuaire en ligne Italiaonline, propose Europages en option pour l’export, option qui a été choisie par près de 2000 fournisseurs italiens. En Allemagne, Wlw commercialise Europages comme une extension à l’international. La société a entrepris d’étoffer son réseau de revendeurs en Europe et pourrait faire des annonces dans les prochains mois.
En France, le site revendique 874 clients et le nouveau dirigeant souhaite très vite voir grimper ce chiffre à 1000 d’ici à la fin de l’année. Julien Poilleux mise notamment sur des efforts de communication et sur le développement de partenariats avec des organismes de l’écosystème du commerce extérieur français comme Business France, pour accélérer.
Christine Gilguy
