Les passagers d’Air Madagascar ne sont pas les seuls à souffrir des grèves à répétition de la compagnie aérienne. « Les pertes de marché d’Air Mad et la chute brutale des taxes perçues inquiète au plus haut point le consortium Aéroport de Paris (ADP)/Bouygues qui a remporté le marché de la rénovation et de l’extension des aéroports internationaux d’Ivato à Antananarivo et de Fascène à Nosy Be », livre à la Lettre confidentielle une source proche du transporteur aérien. Au point, confie encore l’interlocuteur de la LC, « qu’ADP, dans un premier temps, a fait savoir directement au président de la République malgache l’éventualité d’une rupture de contrat », avant de revenir sur ses intentions.
C’est qu’entre temps l’Agence multilatérale de garantie des investissements (Miga), filiale de la Banque mondiale spécialisée dans l’assurance des investissements contre les risques politiques, s’est engagée à apporter sa garantie au consortium français pendant la durée du chantier et du partenariat privé-public (PPP). Pour autant, le secret semble encore bien gardé s’agissant des modalités exactes et de la durée de ce PPP.
Le 5 mai dernier, ADP indiquait que sa filiale ADP Management, Bouygues Bâtiment International, Colas Madagascar et Meridiam, étaient déclarés par le gouvernement malgache « attributaires provisoires » du contrat de PPP relatif à la mise en concession des deux aéroports internationaux de la Grande Ile. Le consortium mené par ADP assurerait ainsi l’exploitation des deux ouvrages sur toute la durée de la concession. D’après une source proche du gouvernement, le marché est estimé à 70-100 millions d’euros. L’offre du consortium prévoit la conception, le financement et la construction notamment d’un nouveau terminal d’une capacité initiale de 1,5 million de passagers à Antananarivo, l’allongement de la piste existante à Nosy Be et, dans une seconde phase, la réalisation d’un nouveau terminal pour porter la capacité de l’aéroport à environ un million de passagers.
La privatisation de la manutention provoque une levée de boucliers
Le pari semble risqué, notamment pour ADP, « mais le groupe français ne veut surtout pas laisser la porte ouverte à ses concurrents dans la région », commente un bon connaisseur de la zone Afrique-océan Indien. Il n’est pas certain, en revanche, que l’opérateur aéroportuaire voit d’un très bon œil la privatisation éventuelle de la manutention au profit de la société Sipromad. « On vous affirme au ministère du Transport qu’elle fera l’objet d’un appel d’offres, mais, en fait, le pouvoir en place veut cadeauter un des soutiens financiers majeurs de la dernière campagne présidentielle », soutient à la LC un opérateur international. Propriétaire de la tour Orange dans la capitale, le groupe karana (malgache d’origine indo-pakistanaise) Sipromad est une des grandes fortunes privées de l’île. D’après cet interlocuteur, « le gouvernement s’apprêterait à attribuer le marché de gré à gré à Sipromad. Mais ne disposant pas de compétences techniques dans ce domaine, cette entreprise recherche un partenaire technique, français de préférence, européen ou asiatique à défaut ».
Au départ, après que l’on ait retiré la manutention du champ de compétence de l’Adema (Aéroports de Madagascar), homologue public d’ADP, le marché devait être attribué en octobre. Mais plus personne aujourd’hui ne s’attarde à émettre des pronostics. James Andrianalisoa, directeur général de l’Aviation civile de Madagascar (ACM), homologue de la Direction générale de l’aviation civile en France, aurait manifesté son opposition au projet présidentiel. Il s’agit de l’ancien P-dg d’Air Mad. Ensuite, les opérateurs internationaux se plaignent. Enfin, cerise sur le gâteau, le FMI aurait eu vent de l’affaire et s’y serait aussi opposé.
François Pargny
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