L’accord UE / Mercosur à peine signé déjà enterré ? Après 20 ans de négociations et un accord politique arraché au forceps en juin dernier, le pacte commercial avec l’Argentine, le Brésil, l’Uruguay et le Paraguay a du plomb dans l’aile.
Déjà contestés par plusieurs États membres, comme la France, l’Irlande et l’Autriche, c’est l’Argentine qui menace aujourd’hui de lui porter le coup de grâce. Élu à la présidence du pays le 27 octobre dernier, Alberto Fernandez n’a jamais caché son scepticisme vis-à-vis de ce traité de libre-échange.
Le protectionnisme du président péroniste
« Les bénéfices concrets pour notre pays ne sont pas très clairs. Mais ce qui est clair, ce sont les dommages pour notre industrie et l’emploi argentin », avait tweeté le candidat péroniste, à l’annonce de l’accord l’été passé. De quoi susciter l’inquiétude des responsables à Bruxelles. Car si l’élection du libéral Mauricio Macri en 2015 avait permis de relancer des négociations de libre-échange, enlisées depuis des années, l’accession au pouvoir d’un péroniste risque de provoquer l’effet inverse.
« L’accord scellé avec Bruxelles est aux antipodes des politiques protectionnistes défendues par Alberto Fernandez pendant sa campagne. Et si l’Argentine change sa position, le pacte sera rapidement enterré », pronostique l’eurodéputé Nicola Danti, vice-président de la délégation UE/Mercosur au Parlement européen.
Les relations « empoisonnées » avec son homologue brésilien
Pour ce socialiste italien, les relations « empoisonnées » entre le nouvel homme fort de Buenos Aires et Jair Bolsonaro, le président brésilien, viennent encore compliquer la donne. « Dans ces conditions, il est peu probable que les pays du Mercosur parviennent à nouveau à dégager une position commune ».
Plus avare de commentaires, la Commission européenne s’est jusqu’ici refusé à toute déclaration publique. « Les relations avec le Mercosur, c’est un peu comme le Brexit. Une histoire à multiples rebondissements, dont on est incapable de prédire l’issue », ironise un proche collaborateur de Cecilia Malmström, la commissaire en charge du Commerce à Bruxelles.
L’examen juridique du texte poursuivi
Selon lui, aucun scénario, à ce stade, ne peut être écarté. « Il est très probable que le nouveau président argentin modère ses positions alors que tous les signaux de l’économie ont viré au rouge en l’espace de deux ans », analyse cet expert.
La consigne est donc claire : tant que l’accord ne sera pas officiellement mis au frigo, l’exécutif européen compte bien poursuivre, vaille que vaille le processus, soutenu dans sa démarche par une majorité d’États membres.
Une fois finalisé l’examen juridique du texte, actuellement en cours, l’accord devra ensuite être traduit dans toutes les langues de l’UE avant d’entamer la procédure de ratification programmée au second semestre 2020.
Kattalin Landaburu
à Bruxelles