Les dernières préoccupations juridiques qui planaient autour du CETA (Comprehensive Economic and Trade Agreement) – en français Accord économique et commercial global (AECG), l’accord de libre échange UE / Canada – sont « désormais levées », s’est félicité Didier Reynders, le ministre belge des Affaires étrangères.
Dans un avis rendu mardi 30 avril, la Cour européenne de justice (CEJ) a en effet confirmé la validité du système de règlement des différends États / investisseurs, prévu dans le traité commercial. Elle confirme ainsi l’avis de son avocat général qui, fin janvier dernier, avait estimé que « l’Accord économique et commercial global » ne portait pas atteinte à l’autonomie du droit de l’UE. Deux ans et demi après le blocage du CETA par le gouvernement wallon, présidé par Paul Magnette, cet avis lève donc le dernier obstacle juridique à la ratification complète de l’accord.
Feu vert au nouvel Investment Court System (ICS)
La décision de la CEJ donne aussi des bases légales solides au nouvel Organe de règlement des différends proposé par la Commission européenne. Baptisé Investment Court System (ICS), il s’agit cette fois d’un système public – tribunal et tribunal d’appel –, censé dissiper les craintes de conflits d’intérêts qu’avaient soulevées le système d’arbitrage privé (ISDS), prévu dans de nombreux traités commerciaux antérieurs au CETA.
Des détracteurs contestaient toutefois l’utilité de l’ICS, estimant qu’il risquait d’établir une justice parallèle, indépendante des cours et tribunaux nationaux. D’où la question posée par la Belgique : le nouvel organe est-il compatible avec la compétence exclusive de la Cour de Justice à livrer l’interprétation définitive du droit de l’UE ?
Réponse de la Cour : pourvu qu’il ne porte pas atteinte à l’autonomie de l’ordre juridique européen, « la création d’une juridiction chargée d’interpréter ses dispositions est en principe compatible avec le droit européen ». Ses juges ont ensuite conclu que l’accord était également compatible « avec le principe général d’égalité de traitement et le droit d’accès à un tribunal indépendant ». Ce qui signifie que toute entreprise, PME incluses, ou personne physique, pourra avoir accès au tribunal en cas de différend commercial avec un État.
Critiques persistantes, satisfaction des milieux d’affaires
Mais les résistances au traité ne sont pas pour autant définitivement levées. « Je respecte l’avis de la Cour, même si je ne le partage pas », a commenté le socialiste wallon Paul Magnette affirmant qu’il continuerait à s’opposer à toute forme de mécanisme d’arbitrage. Les Verts – portés par leur victoire aux dernières élections – soutenus par un collectif d’associations et d’ONG, ont eux aussi dénoncé un système conçu au seul bénéfice des grandes entreprises, et qui risque de limiter la capacité des États à réglementer librement.
« L’ensemble de la politique commerciale moderne de l’UE repose sur des bases solides », s’est quant à lui réjoui le ministre-président flamand, Geert Bourgeois (N-VA) qui jugeait « sans fondements » l’opposition wallonne au traité. Même satisfecit du côté de Business Europe, l’association patronale européenne. Pour son directeur général, l’Allemand Markus Beyrer, le verdict apporte plus de « clarté et la sécurité juridique » nécessaire aux entreprises des deux blocs. La décision ouvre aussi la voie « à une mise en œuvre complète » du CETA, a estimé le patron des patrons au sein de l’UE.
Rappelons que seul le volet commercial de l’accord, qui relève d’une compétence exclusive de l’UE, a été adopté à l’automne 2017. Le chapitre relatif aux investissements doit encore être ratifié par l’ensemble des parlements nationaux et régionaux des États membres. À ce stade seuls douze pays ont donné leur feu vert. Un nouveau veto suffirait donc à faire dérailler le processus qui vise, in fine, à la libéralisation des investissements entre les deux blocs.
Kattalin Landaburu, à Bruxelles