Redéfinir une stratégie de la France en Amérique latine, tel est l’objectif du groupe de travail qui rassemble l’Agence française de développement (AFD), l’Institut des Hautes Études de l’Amérique latine (IHEAL) et le ministère de l’Europe et des affaires étrangères (MEAE). Intervenant lors d’un colloque organisé le 23 janvier dernier par l’Iris sur le thème « France-Amérique latine : des coopérations innovantes au service d’un nouvel équilibre mondial », Olivier Compagnon, directeur de l’IHEAL, a fixé le cadre en rappelant que l’Amérique latine sera toujours « périphérique » et ne sera jamais une priorité de la diplomatie française. « L’enjeu est de réinvestir une relation dont on a souvent dit qu’elle est sous-exploitée », a-t-il précisé.
Quatre grands enjeux définis
Le groupe de travail a été constitué en avril 2018 et 5 réunions ont eu lieu, pendant lesquelles de nombreux experts ont été auditionnés afin de « faire surgir des idées », selon Olivier Compagnon. Lors du colloque de l’Iris, Nicolas Meisel, économiste principal en charge de l’Amérique latine à l’AFD, a présenté les quatre grands enjeux de la nouvelle stratégie :
-le sujet environnemental en cohérence avec une diplomatie française particulièrement active dans ce domaine : le climat et la biodiversité sont deux chantiers clairement prioritaires avec la tenue de la COP 25 au Chili en 2019 et le congrès mondial de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UCN) en juin 2020 à Marseille ;
-la sécurité et la paix dans le monde ;
-la cohésion sociale et la réduction des inégalités, thème retenu par la France pour le sommet du G7 à Biarritz qu’elle présidera et préoccupation majeure de nombreux pays d’Amérique latine (Mexique par exemple) ;
-et enfin l’innovation avec le potentiel offert par la ville durable et la Smart City, la mobilité urbaine, le logement, etc. Autant de domaines dans lesquels les entreprises françaises disposent de réels savoir-faire pouvant être valorisés.
Un moment favorable
Le moment est favorable. Le président de la République, Emmanuel Macron, a effectué son premier déplacement en Amérique latine à la fin de l’année dernière à l’occasion du sommet du G20 à Buenos Aires. Certes, la relation continue à buter sur les difficultés économiques ou les incertitudes politiques, voire les deux comme dans le cas du Venezuela, même si plusieurs pays (Colombie, Chili, Pérou par exemple) enregistrent une croissance régulière dans un climat de stabilité politique.
La France a des atouts à faire valoir : elle est le 4e investisseur étranger dans la zone, dispose d’une importante présence culturelle (215 Alliances Françaises, 25 lycées, 6 Instituts Français), et c’est aussi « une puissance caribéenne et latino-américaine », comme l’a rappelé Olivier Compagnon.
Le fait nouveau majeur est sans nul doute le développement de la présence de l’AFD en Amérique latine depuis dix ans. Bruno Leclerc, directeur Amérique latine, a indiqué que l’Agence, bras armé du gouvernement en matière d’aide au développement, intervient désormais dans huit pays et dispose de trois directions régionales. Le volume des financements, qui atteint 1 milliard d’euros par an actuellement, devrait doubler d’ici deux ans.
Daniel Solano