Le 29 septembre, un recours collectif a été déposé devant le tribunal d´Amsterdam par 300 entreprises européennes, dont seulement 10 françaises, contre Air France-KLM et Martinair pour entente sur les tarifs de transport de fret.
L´objet de ce recours est double : d´une part, obtenir une indemnisation financière de l´ordre de 500 millions d´euros pour le dommage causé. D´autre part, forcer la main de la Commission européenne, pour qu´elle fasse enfin appliquer la loi européenne sanctionnant ce type d´entente ou cartel. Cette action mobilise des entreprises plaignantes venant de onze pays membre de l´Union et de tous secteurs, de l´industrie pharmaceutique à la mode, en passant par l´agroalimentaire, l´électronique (Ericsson, Philips) et l´automobile. Par le nombre de plaignants et l´ampleur des indemnités demandées, il s´agit de la plus vaste action en justice jamais engagée contre un cartel en Europe.
Rappelons que, pour ce même chef d´accusation (d´entente), les plus grandes compagnies aériennes du monde sont dans le collimateur de la justice américaine depuis déjà bientôt cinq ans. Les transporteurs aériens incriminés risquent une amende de l´ordre du milliard de dollars pour indemniser les chargeurs américains. L´Union européenne semble tarder à faire le ménage, alors que le coût artificiellement élevé du transport aérien pénalise fortement la compétitivité de nos entreprises.
Selon Philippe Bonnevie, président de l´Association des utilisateurs de transport de fret (AUTF) « ces pratiques d´entente sur les tarifs de surcharge au profit des compagnies aériennes sont connues depuis 2006. Elles sont si répandues que certaines compagnies n´en font pas mystère. Ce recours, pour l´instant limité à Air France-KLM et Martinair, concerne potentiellement plus d´une vingtaine de grandes compagnies aériennes. »
À Amsterdam, les entrepreneurs français, bien que peu nombreux, espèrent bien obtenir gain de cause. Philippe Bonnevie s´en explique : « Nous avons pu convaincre une dizaine d´entreprises françaises de céder leur droit à indemnisation au cabinet CFI (Claims Funding International), lequel financera et dirigera le recours collectif contre les compagnies aériennes. En réalité, un grand nombre d´entreprises françaises ont souffert de ces ententes et sont susceptibles d´être indemnisées. Même si ces dernières sont souvent très réticentes à passer par ce mécanisme de rétrocession des droits d´indemnisation à un cabinet spécialisé dans les recours collectifs. » Selon nos informations, aucune entreprise française ne souhaite voir son nom médiatisé à ce stade.
Le principal obstacle au respect de la loi européenne en matière de concurrence et d´entente viendrait de la Commission elle-même. C´est du moins ce qu´avance Philippe Bonnevie : « Tout est connu depuis longtemps. Nous avons interpellé à plusieurs reprises la Commission européenne, qui ne semble pas vouloir faire appliquer la loi européenne sur les ententes. Une attitude politique, une façon de ne pas froisser les États qui soutiennent les compagnies aériennes. Nous voulons que les entreprises lésées soient indemnisées. Et cette fois, cela semble en bonne voie. » Car, si Air France-KLM et Martinair sont condamnés, ce jugement créera un précédent, qui permettra de poursuivre tous les autres contrevenants.
Gilles Naudy