📌L’essentiel : Aristid a construit une solution logicielle globale permettant aux « retailers », les enseignes du commerce de détail, de piloter leurs opérations promotionnelles. Leader en France, cette « Retail Tech » basée dans la région parisienne, veut désormais se déployer à l’international, en particulier en Amérique du Nord. Avec une stratégie bien définie : se frotter d’abord aux Canadiens avant d’affronter les exigeants Américains.
🔑 Les clés de la réussite :
-Une technologie robuste et duplicable déjà intégrée par les grands noms du retail français
-Une stratégie d’internationalisation prudente et mûrement réfléchie
-Tester le marché canadien, notamment des enseignes de petite et moyenne taille, avant de se frotter aux États-Unis
Temps de lecture : 4 mn
Leader en France mais challenger à l’international

Aristid (350 salariés ; 42 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2024) est une success story de la « Retail Tech » française, ces fournisseurs de solutions logicielles dédiées à l’augmentation de la performance du commerce de détail. Ce groupe basé à Clichy est même devenu le leader en France de la digitalisation des opérations promotionnelles des « retailers ».
Concrètement, sa plateforme numérique permet aux grandes enseignes de distribution de planifier et piloter de A à Z toutes leurs opérations de promotion commerciale, depuis les achats jusqu’à la création et diffusion des supports de communication papier et digitaux. 15 000 utilisateurs, représentant 10 000 magasins, se connectent quotidiennement à sa plateforme pour la gestion de l’équivalent de 43 milliards d’euros de chiffre d’affaires promotionnel. Parmi ses clients, des grands comptes dont les enseignes sont bien connues des consommateurs français, comme Leclerc, Carrefour, Intermarché, Super U, Bricodépôt, etc.
Mais, hormis le Portugal, où elle travaille historiquement avec un client distributeur, la société n’avait, jusqu’à récemment, encore jamais mis les pieds en dehors de l’Hexagone. C’est chose faite depuis peu, avec un statut de challenger.
Disposer d’une technologie duplicable avant de s’aventurer hors de la France

Rodolphe Bonnasse (ci-contre), n’y va pas par quatre chemins lorsqu’on lui demande de décrypter sa stratégie à l’international, lui qui pilote depuis 19 ans Aristid et est aujourd’hui reconnu comme un expert de la distribution : « Pour partir à l’international, il fallait d’abord que notre technologie et notre organisation soient industrialisables, parfaitement duplicables, explique-t-il. Sinon, notre internationalisation aurait été difficilement rentable, elle aurait consommé trop de ressources ».
Ce niveau d’excellence, son président estime qu’Aristid l’a atteint il y 4 à 5 ans. Depuis, ses équipes planchent sérieusement sur son déploiement hors des frontières. A commencer par les marchés cibles prioritaires. L’Amérique du Nord est en haut de la liste, avec en ligne de mire des enseignes de taille petite et moyenne.
« Nous avons identifié les États-Unis comme cible prioritaire du fait du potentiel de son marché. Nous avons recensé là-bas, 3 000 à 3 500 retailers dans notre cible, c’est-à-dire des moyens et gros retailers, développe Rodolphe Bonnasse. Aristid doit absolument s’y implanter ».
Ne pas risquer griller sa cartouche
Absolument s’y implanter certes, mais pas n’importe comment. L’entreprise veut y aller pas à pas, en assurant ses arrières. « Nous devons être extrêmement prudents, poursuit le dirigeant. Le marché américain est difficile à pénétrer ».

En outre, s’il donne sa chance au nouvel entrant innovant, ce marché américain exige de la performance immédiate en retour. « Pour réussir, il faut arriver avec une offre très robuste, confirme le président d’Aristid. À la différence de la France, les Américains sont très ouverts aux nouvelles offres. En revanche, il n’y a pas de deuxième chance. Si votre solution ne fonctionne pas parfaitement et du premier coup, c’est terminé, il n’y a qu’une cartouche dans la carabine ».
Pourquoi une telle prudence si la technologie a fait ses preuves ? Car le point délicat dans la commercialisation des solutions d’Aristid n’est pas de convaincre une enseigne de l’acquérir, mais plutôt de faire en sorte qu’elle réussisse à l’intégrer tant elle est disruptive.
« Nous n’avons pas vraiment de concurrent en Amérique du Nord capables de proposer une offre complète comme la nôtre ; de plus, la France a une excellente réputation dans le domaine de la tech, comme dans celui du retail, développe Rodolphe Bonnasse. En revanche, nous venons disrupter le système. Cela peut être difficile pour les organisations, elles doivent embarquer dans ces évolutions des centaines de collaborateurs qui, pour beaucoup, travaillent sur des tableurs… Plus que la concurrence, c’est cela qui constitue le point dur de nos démarches commerciales en réalité ».
Même si le dirigeant estime qu’Aristid dispose bien, d’ores et déjà, de toute la robustesse nécessaire, avec son équipe, il a donc décidé ne pas attaquer le marché américain frontalement, en se frottant d’abord au voisin canadiens.
Conquérir l’Amérique du Nord en commençant par le Canada
« Il y a peu d’enseignes communes aux États-Unis et au Canada. Nous confronter d’abord au Canada nous a semblé un bon compromis, un premier pas plus sécurisé en Amérique du Nord », analyse Rodolphe Bonnasse.
Deux collaborateurs canadiens ont été recrutés il y a deux ans pour commencer à prospecter le marché, accompagnés par le directeur général d’Aristid, qui partageait son temps entre la France et le Canada. Un premier distributeur, Canac, grande chaine québécoise de magasins spécialisés dans l’habitat (4 000 salariés) a été conquis. Récemment, Aristid a signé un deuxième client canadien, lui aussi dans le secteur du bricolage : Rona (28 000 salariés ; 375 points de vente).
Aristid espère séduire deux nouveaux clients canadiens dans les prochains mois. Cette première étape aura au passage permis à l’éditeur français de découvrir de nouveaux usages, propres à l’Amérique du Nord, dont elle a d’ores et déjà pu tirer les premiers enseignements pour enrichir son offre. « Désormais, je pense que nous sommes prêts pour les États-Unis », sourit Rodolphe Bonnasse.
Signer avec un premier client américain
Aristid a donc participé à son premier salon américain, en début d’année, le fameux NRF Retail’s Big Show de New-York, un incontournable du secteur au niveau mondial. La société a d’ores et déjà deux prospects sérieux et son ambition est de signer avec au moins une enseigne en 2025.
« Nous visons, pour commencer, un retailer de taille moyenne avec 250 magasins environs implantés sur un à trois États, détaille le CEO. Nous préférons ne pas démarrer avec un énorme acteur. Comme au Canada, nous allons probablement encore découvrir de nouveaux usages, nous devons avoir les moyens d’y répondre sur place, en proximité, ce qui ne serait pas possible aujourd’hui avec des enseignes gigantesques comme il en existe aux États-Unis ».
Le travail, aux États-Unis, est pour l’instant piloté depuis le Canada. Un choix qui n’est pour le moment pas remis en cause par les tensions générées par Donald Trump avec son voisin, sur le plan commercial (droits de douane) et diplomatique (volonté d’annexion), depuis son retour à la Maison Blanche. « J’étais assez préoccupé, au départ, par les annonces de Trump. Je le suis moins aujourd’hui, il y a beaucoup d’effets de manche », confie le président d’Aristid.
Se structurer pour orchestrer le déploiement international

Désormais plus solide, Aristid vise donc les États-Unis mais aussi un déploiement européen : le Portugal, l’Espagne, l’Italie, la Pologne, les Pays-Bas et la Belgique, où elle vient d’ailleurs de convaincre le distributeur Maxeda.
Le déploiement international se fera via deux axes : la conquête de nouvelles enseignes et l’extension des contrats déjà en cours avec des retailers français présents à l’étranger. « Nous avons mobilisé nos équipes pour activer les filiales étrangères de nos clients français car nous n’avions pas encore capitalisé sur cet atout » dévoile Rodolphe Bonnasse.
Aristid s’est structurée ces derniers mois pour réussir ce déploiement avec la création d’une équipe internationale dédiée. Celle-ci est pilotée par un directeur, un Brésilien vivant au Portugal. Un responsable EMEA (Europe-Middle-East-Afrique), un Italien vivant à Madrid, a également été recruté.
Ne pas oublier son marché historique
Pour autant, et Rodolphe Bonnasse semble bien déterminé sur le sujet, Aristid ne se détournera pas de son marché historique, la France.
« Nous sommes très forts en France, cela nous permet d’avoir un vrai leadership, de belles références qui elles-mêmes ont une excellente image de marque dans le monde international du retail. Nous devons donc continuer absolument d’être très mobilisés en France. Nos principaux efforts restent concentrés sur notre bastion historique ». Pour Rodolphe Bonnasse, s’en détourner, ou du moins le délaisser au profit des sirènes de l’international, constituerait une grave erreur stratégique.
📖✨🧠Les leçons :
- « Rien ne sert de courir, il faut partir à point… »- Jean de La Fontaine
- Établir une stratégie d’internationalisation, en commençant par des cibles prioritaires
- Structurer l’entreprise et investir dans une équipe internationale dédiée pour la mettre en œuvre
Stéphanie Gallo