📌 L’essentiel : La PME ligérienne Alpex est une spécialiste du tissu technique déperlant, destiné à la fabrication de vêtements de protection contre les intempéries pour les professionnels. Sa nouvelle usine aux États-Unis, en cours de construction, est une étape importante dans la mise en œuvre de sa stratégie, l’entreprises espérant, à terme, développer Outre-Atlantique le pendant de son usine française. Mais ce gros investissement intervient après un processus d’implantation progressif entamé il y a plusieurs années.
🔑Les clés du succès :
-Se démarquer avec une offre innovante mais avancer pas à pas
-Identifier des partenaires aux préoccupations similaires, mais connaissant le marché cible
-Créer une usine pour produire sur place lorsque une simple implantation commerciale est insuffisante
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L’HISTOIRE
Le rêve d’une version américaine de l’usine de Saint-Chamond
Laurent Cogez, le dirigeant d’Alpex (chiffre d’affaires de 32 millions d’euros ; 50 salariés), ne cache pas ses ambitions. Il compte bien, à moyen terme, créer de toutes pièces ce qu’il appelle un « Alpex bis » aux États-Unis.
Comprendre : une version américaine de l’usine française, implantée à Saint-Chamond, dans la Loire, et spécialisée dans la fabrication de tissus techniques laminés pour la protection contre les intempéries, destinés aux professionnels tout-terrain (forces de l’ordre, pompiers, militaires, agents de la SNCF et d’EDF, etc).
Pour y parvenir avec les moyens limités dont dispose la petite entreprise industrielle qu’il dirige, il met en place, depuis trois ans, une stratégie progressive permettant à Alpex de sécuriser son déploiement.
Un produit innovant qui colle aux attentes du marché américain
« L’histoire remonte à 2021, raconte Laurent Cogez. Nous avons codéveloppé avec notre fournisseur Dupont de Nemours, un produit destiné spécifiquement au marché américain. Il s’agissait d’un tissu technique pour la filtration des particules fines des cagoules des pompiers. En la matière, les normes sont différentes entre les États-Unis et l’Europe, avec des exigences beaucoup plus fortes aux États-Unis. Ce produit était particulièrement innovant non seulement car il ne contenait pas de PFAS* mais aussi au regard de ses performances ».
Pour installer ce produit fabriqué dans son usine ligérienne aux États-Unis, Alpex décide, deux ans plus tard, de créer une filiale commerciale sur place, la première à l’étranger pour la PME créée en 1998.
Pour ce faire, le fabricant français n’y va pas seul : il s’associe avec le groupe canadien Calko (90 salariés), fabricant lui aussi de textiles techniques, dont des textiles laminés. Dans la coentreprise créée ensemble, Alpex conserve 51% des parts. La filiale est installée à Swanton, dans le Vermont, au Nord-Est des États-Unis.
« Nous avions été mis en relation via Dupont de Nemours et nous avons trouvé un intérêt commun à travailler ensemble, justifie Laurent Cogez. Pour nous, cette association avec Calko nous permettait de limiter les risques et d’avoir accès plus facilement, et surtout plus rapidement, aux spécificités du marché américain », .
« Pour eux, investir un million de dollars a la même importance que pour nous »
Pour lui, cette association est basée sur des fondamentaux solides, permettant des relations équilibrées et constructives entre les deux partenaires.
« Calko a une taille sensiblement identique à la nôtre, ce qui signifie que, pour eux, investir un million de dollars a la même importance que pour nous, développe le dirigeant d’Alpex. Et puis, ce sont des industriels, comme nous. Nous parlons le même langage, nous n’attendons pas de retour rapide comme l’exigent les fonds d’investissement par exemple. A mon sens, ce type de mariage est idéal ».
Cette filiale commerciale, lancée en 2023, a donc au départ pour mission de commercialiser le produit codéveloppé avec Dupont de Nemours mais aussi, dans un second temps, d’introduire plus franchement l’ensemble de la gamme Alpex sur le marché américain. Et sur ce point, Laurent Cogez le dit sans détour : « le succès de cette démarche a été raisonnable mais pas extraordinaire. Cela n’a pas été un échec mais cela n’a pas non plus été génial ».
En chiffres, cela donne un million d’euros de ventes réalisées en 2024 aux États-Unis sur les 32 millions d’Alpex au total.
Les deux partenaires décident donc de passer à la vitesse supérieure, une étape qu’ils avaient d’ailleurs imaginée dès le lancement de leur co-entreprise baptisée sobrement Alpex USA : le passage à l’échelle industrielle de leur structure commerciale.
Se rapprocher de la demande du marché américain
« Notre succès relatif nous a convaincu que nous devions être plus proches de la demande du marché américain en proposant d’une part des produits bien adaptés aux habitudes et normes locales, et, d’autre part, en produisant sur place, analyse Laurent Cogez. Nous avions pris cette décision avant les annonces de Trump sur les taxes douanières mais évidemment, cette actualité renforce encore la pertinence de ce choix ».
Alpex et Calko vont ainsi investir entre cinq et sept millions de dollars à eux deux dans une usine créée de toute pièces. « Nous pouvons passer cette nouvelle étape sereinement car nous travaillons désormais depuis plusieurs années ensemble, nous avons déjà une expérience solide en commun » estime le dirigeant.
Le chantier a démarré en septembre dernier et la production devrait être lancée en septembre prochain avec une dizaine de salariés. D’ores et déjà, quelques collaborateurs ont été recrutés et se sont attelés au développement des produits.
Le petit truc en plus : des tissus « PFAS Free »
Il ne s’agit pas forcément de revoir de fond en comble ce que fabrique déjà Alpex en France mais de customiser les produits ou de les adapter aux normes locales.
Par exemple, pour les pompiers, la norme européenne prévoit que leurs vêtements de protection résistent pendant au moins cinq minutes à une température de 180 degrés. Aux États-Unis, cette exigence est relevée à 260 degrés. « Pour remporter des marchés aux États-Unis sur ce secteur, cela nous oblige donc à revoir notre produit en profondeur, précise Laurent Cogez. Mais il peut y avoir besoin de seulement quelques changements basiques pour d’autres gammes ».
D’ici trois à quatre ans, une quarantaine de salariés pourraient travailler dans cette nouvelle usine, qui deviendrait ainsi, comme aime à le répéter Laurent Cogez, un « Alpex Bis ».
Avec toutefois un petit truc en plus, qui pourrait booster la réussite de la PME ligérienne aux États-Unis : cette nouvelle usine ne fabriquera que des produits ne contenant aucun PFAS, ces fameuses substances controversées. « Nous serons une ‘PFAS free factory ‘, se réjouit le dirigeant. Cela devrait nous permettre de nous démarquer significativement même si cela ralentira probablement nos ventes dans un premier temps car les prix seront un peu plus élevés que la moyenne du marché ».
Une transition vers le « sans PFAS » est également en cours sur Alpex France, avec un atterrissage complet prévu dans les prochaines années.
De quoi booster l’internationalisation de la PME, qui exporte désormais 80 % de sa production dans une quarantaine de pays. Elle est d’ailleurs dotée d’une nouvelle filiale en Europe, en Italie, depuis le rachat, en 2023 de NT Majocchi (30 millions d’euros de chiffre d’ affaires ; 50 salariés), leader italien des tissus enduits et laminés sur des gammes complémentaires aux siennes.
📖✨🧠 Les leçons :
- S’appuyer sur un partenaire local facilite et accélère la connaissance du marché cible et l’implantation
- Adapter ses produits à la demande locale est souvent une nécessité, ou, en tout cas, un ingrédient certain du succès
- Un mariage avec un partenaire d’une taille similaire et aux activités semblables facilite des échanges équilibrés
Stéphanie Gallo
*PFAS : per- et polyfluoroalkylées, des substances chimiques utilisées dans de nombreux produits mais désormais considérées comme dangereuses pour l’environnement car constituant des « polluants éternels »
