Si le risque d’une récession généralisée s’est éloigné, l’année 2024 devrait clore une période de cinq années ayant enregistré la plus faible croissance globale au cours des trente dernières années. Entre conditions de crédit restrictives, atonie du commerce international et faiblesse de l’investissement, le PIB mondial ne devrait progresser que de 2,4 % cette année et de 2,7 % en 2025, selon les dernières prévisions de la Banque mondiale.
La reprise se fait attendre, comme l’ont déjà laissé prévoir de précédentes études, notamment l’OCDE. Certes, la croissance mondiale est en moins fâcheuse posture qu’il y a un an, en grande partie grâce à la vigueur de l’économie américaine mais son taux de croissance de 2,4 % projeté par la Banque mondiale pour 2024 se situe soit près de trois quarts de point de pourcentage en dessous de la moyenne des années 2010.
Les économies en développement ne devraient croître que de 3,9 %, soit plus d’un point de pourcentage de moins que la moyenne de la décennie précédente. Après une performance décevante l’année dernière, les pays à faible revenu devraient connaître une croissance de 5,5 %, plus médiocre que prévu. À la fin de 2024, les habitants d’environ un pays en développement sur quatre et d’environ 40 % des pays à faible revenu seront toujours plus pauvres qu’ils ne l’étaient à la veille de la pandémie de Covid.

Les échanges mondiaux en berne
Ceci étant, certains pays comme l’Inde et l’Indonésie, par exemple, devraient enregistrer des croissances de 6,4 % et 4,9 % respectivement. Les économies avancées devraient voir leur croissance ralentir à 1,2 % cette année, contre 1,5 % l’année dernière.
Par ailleurs, les économistes de la Banque mondiale soulignent que les perspectives se sont particulièrement assombries à moyen terme notamment en raison du fort ralentissement du commerce mondial et de la demande des pays développés. Ainsi, la progression des échanges mondiaux en 2024 ne devrait représenter que la moitié de la moyenne enregistrée pendant les dix années ayant précédé la pandémie.
« Faute d’un changement de cap majeur, les années 2020 resteront dans les annales comme une décennie d’opportunités gâchées, a déclaré Indermit Gill, économiste en chef et premier vice-président du groupe de la Banque mondiale. A court terme, la croissance restera faible et laissera de nombreux pays en développement — en particulier les plus pauvres — en butte à des niveaux de dette paralysants et avec près d’une personne sur trois en situation de précarité alimentaire. Un tel scénario entraverait les progrès accomplis dans la réalisation de nombreuses priorités mondiales. Cependant, il est encore possible d’inverser la tendance. Le rapport préconise une trajectoire claire pour ce faire, et décrit la transformation possible si les gouvernements agissent dès maintenant pour accélérer l’investissement et renforcer leurs cadres de politique budgétaire. »
Les exportateurs de produits de base fragilisés
Par ailleurs, la situation des exportateurs de produits de base, soit les deux tiers des pays en développement, inquiète. Ces économies alternent expansions et ralentissements et les politiques des gouvernements posent question : une augmentation des dépenses qui surchauffe l’économie en période de prospérité et des restrictions qui ajoutent au marasme dans les temps difficiles. Cette « procyclicité » est 30 % plus forte dans les pays exportateurs de produits de base que dans les autres économies en développement, souligne la Banquer mondiale. En outre, les politiques budgétaires sont souvent 40 % plus volatiles dans ces pays que dans les autres économies en développement.
L’activité devrait marquer le pas cette année dans les économies émergentes et en développement d’Asie de l’Est et Pacifique (principalement en raison du ralentissement de la Chine), d’Europe et d’Asie centrale, et d’Asie du Sud, mais accélérer à des degrés divers dans les autres régions du monde. La croissance devrait se raffermir l’année prochaine dans la plupart des régions à mesure que la reprise mondiale se consolide. Plusieurs risques baissiers pèsent sur l’ensemble des régions : intensification des conflits, volatilité accrue des prix de l’énergie et des denrées alimentaires, affaiblissement de la demande extérieure, resserrement des conditions financières et catastrophes naturelles liées au changement climatique.
Bref, si reprise il y a, elle ne sera pas pour tout de suite.
Sophie Creusillet