Depuis 2009, le France a développé deux grands instruments financiers. Le premier, appelé Fonds d’investissements stratégique (FSI), vise à appuyer les entreprises innovantes, notamment les PME. Le second, le Programme d’investissements d’avenir, soutient l’innovation, les filières industrielles et le numérique.
C’est pour défendre les PME des prédateurs que l’État a voulu appuyer leur démarche industrielle, basée sur l’innovation. C’est ainsi qu’est né le Fonds stratégique d’investissement (FSI), filiale de la puissante Caisse des dépôts et consignations (CDC). En marge des PME, le FSI est aussi chargé d’aider de plus grandes entreprises, soit parce qu’elles sont dans une phase de mutation, soit parce que l’État juge utile de donner un actionnaire de référence à des sociétés stratégiques. Deuxième outil financier mis en place par le gouvernement français, le Programme d’investissements d’avenir, conçu à la suite des États généraux de l’industrie (EGI), est confié au Commissariat général à l’investissement (CGI). Il permet de financer l’enseignement, la recherche et les filières d’excellence, allant de l’aéronautique à la construction navale, en passant par les nanotechnologies et le numérique.
1/ Le Fonds stratégique d’investissement, pour soutenir les PME et ETI
Créé en novembre 2008, le FSI est vraiment opérationnel depuis janvier 2009. L’idée d’un fonds souverain, bien que le FSI n’en a pas toutes les particularités, était dans l’air depuis de nombreux mois.
« La crise mondiale a sans doute servi de catalyseur, accélérant la mise en place d’un instrument financier propre à soutenir des PME et des ETI avant qu’elles passent dans des mains étrangères », explique-t-on rue de Lille, à Paris, siège de la CDC, maison mère du FSI.
C’est le directeur général de la CDC, Augustin de Romanet, qui préside le FSI. Depuis le 21 mars dernier, le directeur général du FSI, Jean-Yves Gillet, est aussi épaulé par un directeur général délégué venu de la CDC. Il s’agit de Philippe Braidy, qui était directeur du Développement territorial et du réseau de la CDC. Celle-ci renforce son emprise, dit-on, pour accroître sa présence auprès des PME. De fait, 80 % de l’activité du fonds concernent les PME et les ETI qui recherchent du capital pour croître. Par exemple, le FSI est devenu « l’investisseur de confiance, minoritaire, de Daher, une société familiale dans l’équipement aéronautique, qui n’avait jamais ouvert auparavant son capital », se félicite-t-on rue de Lille. Le reste de l’activité est réparti entre l’accompagnement d’entreprises en mutation et la stabilisation de grandes sociétés.
D’un côté, il s’agit plutôt de recapitaliser des entreprises. Ce fut le cas pour Mecachrome, un sous-traitant aéronautique, qui avait pâti d’une mauvaise gestion. De l’autre, l’objectif est d’apporter à une grande société un actionnaire de référence et de long terme, qui, de surcroît, pourrait encore monter au capital si un nouvel investissement devait être réalisé.
Le FSI ne s’interdit pas non plus de faire fructifier son capital en prenant des participations dans des grands comptes. Il est ainsi le premier actionnaire de France Telecom. Le principe est toujours qu’il soit minoritaire et que sa part soit adaptée aux besoins et au projet de développement du bénéficiaire. Évidemment, si le nombre d’opérations dans des grandes sociétés est limité, le montant qui y est investi est relativement important. De façon générale, l’actionnariat détenu varie entre 5 et 6 % des entreprises cotées et 20 à 25 % dans des PME.
La dotation globale de départ du FSI s’élève à 20 milliards d’euros, apportés par deux actionnaires, la CDC à hauteur de 51 % et l’État pour 49 %, sous forme de participations (14 milliards) et de liquide (6 milliards). On peut estimer la capacité d’investissement du FSI, dont l’équipe compte 56 personnes, à 1-1,5 milliard d’euros par an. Directement, en deux ans, il aurait ainsi engagé 2,4 milliards d’euros dans 42 entreprises.
Le FSI a aussi généré toute une série de fonds sectoriels (dans l’automobile, dans les biotechnologies, dans le bois…), lesquels auraient, de leur côté, investi 380 millions dans 77 sociétés. Enfin, il opère avec des fonds partenaires, cette activité représentant 1 milliard d’euros dans 670 sociétés. « L’impact global, fait savoir la filiale de la CDC, est de 3,8 milliards d’euros dans un peu moins de 800 entreprises. »
Parmi les partenaires, on trouve le fonds souverain d’Abu Dhabi, Mubadala Development Company PJSC, une société d’investissement et de développement avec laquelle le FSI n’a encore jamais travaillé, « mais un partenariat, cela se crée dans le temps », explique-t-on à Paris. D’ailleurs, le FSI a établi des contacts avec la plupart des grands fonds souverains du golfe Persique et d’Extrême-Orient. « Des co-investissements se feront un jour », y insiste-t-on encore.
Un souci majeur du fonds français est la bonne connaissance des secteurs. D’où l’intérêt d’avoir noué un partenariat, notamment, avec la Fédération des industries électriques, électroniques et de communication (Fieec). Un plus incontestablement pour la mise en relation avec des PME désireuses de renforcer leurs fonds propres. Le FSI a aussi lancé une douzaine d’études sectorielles, ce qui permet à la fois de mieux comprendre les enjeux et d’identifier rapidement les sociétés.
2/ Le Programme d’investissements d’avenir, une aide directe à l’industrie
Le président Sarkozy a lancé officiellement, le 14 décembre 2009, le Programme d’investissements d’avenir, doté d’une enveloppe globale de de 35 milliards d’euros.
En juin 2009, les anciens Premiers ministres Alain Juppé et Michel Rocard remettaient au président Sarkozy un rapport, intitulé « Investir pour l’avenir. Priorités stratégiques d’investissement et emprunt national ». Si l’idée d’un « grand emprunt » a été évoquée à l’époque, elle n’a finalement jamais été concrétisée.
En revanche, le gouvernement a décidé d’adopter « un nouveau modèle » pour parvenir à une « croissance durable », d’où la création de ce programme.
Le Programme d’investissements d’avenir se divise en deux parties : l’amont industriel (enseignement, recherche), qui recueille 20 milliards, et l’industrie, avec 15 milliards. La gestion de l’ensemble est confiée à un organisme dédié, directement dépendant du Premier ministre : le Commissariat général à l’investissement (CGI), dont le pilotage est confié à René Ricol, ancien médiateur du crédit aux entreprises pendant la crise bancaire en France.
La plus grande partie des fonds est réservée à l’enseignement et à la recherche, en raison de la faible productivité des laboratoires et des universités françaises. L’objectif est donc d’accroître leur compétitivité, par exemple, en renforçant leurs équipements, mais aussi, souligne le CGI, « en améliorant leur communication avec les entreprises ».
Les 15 milliards consacrés directement à l’industrie sont répartis pour partie en fonction de priorités sectorielles (économie numérique, transport…). L’économie numérique, par exemple, reçoit 4,2 milliards d’euros. Mais sont également versés 3 milliards au transport (espace, véhicule…) et 4 milliards à l’économie circulaire (par exemple, un déchet récupéré pour être utilisé comme une ressource) et l’énergie décarbonnée (énergies renouvelables…).
En l’occurrence, dans le cas du transport, l’espace se voit doter de 500 millions d’euros, répartis également entre la recherche et développement pour un lanceur européen et des projets de satellites (franco-allemand, franco-américain…). L’aéronautique bénéficie de 1,5 milliard pour des grands programmes ou des démonstrateurs, comme l’Airbus long-courrier A 350.
Enfin, 1 milliard d’euros sont engagés dans les « véhicules du futur », dont 750 millions dans les véhicules terrestres (voitures, poids lourds, bus), 150 millions dans le train et 100 millions dans les navires fluviaux et les bateaux de mer. Le reste des 15 milliards, c’est-à-dire 4 à 5 milliards, doit servir à renforcer les filières et à financer les PME.
C’est dans ce cadre qu’intervient Oséo, l’agence de financement de l’innovation et des PME, qui reçoit directement 1,9 milliard d’euros. Le Programme d’investissements d’avenir a engagé 1 milliard dans des contrats de développement participatifs (CDP) devant bénéficier à des PME et des ETI indépendantes. Oséo, qui a signé une convention avec le CGI, est l’opérateur des CDP.
De son côté, le programme Véhicule du futur est opéré par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe).
D’ici à la fin du premier semestre 2011, les principaux appels à manifestation d’intérêt devraient être lancés (systèmes de mobilité, infrastructures de recharge, etc.). « Aujourd’hui, explique-t-on au CGI, nous venons de terminer la mise en place des cadres d’action, avec le choix des opérateurs, la définition des appels à manifestation d’intérêt ou des appels d’offres, et nous attaquons la phase opérationnelle. » Seuls quelques projets sont déjà sélectionnés pour le véhicule électrique et les énergies renouvelables (opérateur : Ademe) et l’aide à la réindustrialisation (opérateur : Oséo).
François Pargny
Les pôles de compétitivité reçoivent 500 millions d’euros
Le Programme d’investissements d’avenir consacre 500 millions d’euros au renforcement des pôles de compétitivité. « 300 millions sont réservés aux appels à projets en matière de recherche, de développement et d’innovation. Dans ce type d’actions, nous privilégions les réponses communes à plusieurs pôles », précise-t-on à la Direction générale de la compétitivité, de l’industrie et des services (DGCIS), chargée de la politique des pôles de compétitivité. Le reste de l’enveloppe, soit 200 millions, doit permettre à des pôles, acceptant de former des plateformes mutualisées, de se doter d’outils technologiques (démonstrateurs…).
F. P.