Quel entrepreneur du secteur des TIC n´a pas rêvé de s´installer dans la Silicon Valley ? Ubifrance, en partenariat avec Oséo et Syntec numérique (la chambre professionnelle des SSII), ont réuni le 8 mars à Paris des dirigeants d´entreprises françaises ayant franchi le pas. Au programme : partage d´expériences et foison de bons conseils.
Les avantages de la Mecque des TIC qu´est devenu la Silicon Valley ne sont plus à démontrer : un écosystème stimulant, une concentration d´entreprises à la pointe du secteur, un vivier d´innovations… Mais concrètement, comment s´y installer ? Tous les participants au séminaire sont d´accord sur un point : avant de partir bille en tête, mieux vaut multiplier voyages et rencontres.
Ce qu´a fait Henry Binsztok, P-dg de MLstate, qui a créé OPA, une technologie sécurisant les applications réseau, avant de s´installer en Californie en 2010 : « Finalement le plus difficile a été de prendre la décision. Ensuite, j´ai passé deux ans à faire des allers-retours pour rencontrer des gens, apprendre à travailler avec les Américains et faire le follow up [ndlr : le suivi], qui est très important là-bas. Mais passer autant de temps hors de France suppose que votre activité y soit déjà bien structurée ».
Des voyages et des rencontres qui apprennent à adapter son produit au marché américain, comme le souligne Vincent Rerolle, directeur de la stratégie de Wind River Systems, spécialisé dans les systèmes d´exploitation embarqués : « La grosse difficulté est de remettre en cause un produit créé pour un marché domestique. Il faut hybrider la culture et les méthodes, la culture des ingénieurs français et celle des Américains, plus agiles, qui passent plus de temps avec le client. Ce travail de préparation peut être fait par le fondateur ou par un local embauché sur place ». Pour Henry Binsztock, c´est obligatoirement au fondateur de « faire le pont » : « C´est une question d´énergie, c´est lui qui connaît le mieux le projet et apparaît comme le plus légitime aux yeux des Américains ».
Reste que s´implanter aux Etats-Unis, et encore plus dans la Silicon Valley, a un coût. S´il faut peaufiner son projet et apprendre à la vendre, il faut aussi le financer. Certes les business angels et le capital-risque sont plus développés aux Etats-Unis qu´en Europe, mais, comme le rappelle Benoît Bergeret, l´ex P-dg de Qipit, « pour y avoir accès il faut déjà avoir fait ses preuves et il ne faut pas négliger les aides françaises, surtout les solutions d´aide à l´export d´Oséo qui m´ont été précieuses ; quand j´explique l´assurance prospection à un Américain, il n´en croit pas ses oreilles ! ».
Par ailleurs, le recours aux business angels ou au capital-risque, s´ils permettent un apport rapide d´argent frais, ne sont pas sans danger. « Avec ces modes de financement, les investisseurs entrent au capital et il existe un risque de perte de contrôle. C´est un pacte faustien, prévient Vincent Rerolle. De plus, les deux tiers du temps et de l´énergie d´un dirigeant de start-up aux Etats-Unis sont occupés par cette recherche d´argent. C´est lourd. Finalement, c´est la signature d´un contrat et l´encaissement. Il ne faut pas confondre le chiffre d´affaires et le capital ! »
Sophie Creusillet