Le 4 avril 2011 est une date
importante pour l’industrie française. En effet, une Semaine de l’industrie est
lancée pour la première fois dans l’Hexagone. Simultanément en Allemagne, la
Foire internationale de Hanovre ouvrira ses portes, la France étant l’invitée
d’honneur de cette plateforme mondiale, la plus vaste avec ses 13 salons
industriels.
Depuis 30 ans, l’industrie
française a perdu 2 millions d’emplois. Et elle décline sur le marché mondial.
La part des exportations tricolores dans le total européen a chuté de 16,7 % en
1998 à 13,3 % en 2010. D’après l’institut Coe-Rexecode, les exportations de
l’industrie française, qui représentaient encore 55 % de celles de l’Allemagne
en 2000, n’en représentent plus que 45 % aujourd’hui. Pourtant, le déclin de
l’industrie française ne semble pas inéluctable, comme le montre la mobilisation
sans précédent réalisée par la France à l’occasion de la Foire internationale
de Hanovre (4-8 avril).
Le nombre d’exposants
français sera de « 220, dont 160 entreprises accompagnées par Ubifrance, au
lieu de 60 habituellement », se félicitait Alain Cousin, le président de
l’agence publique, lors d’une conférence de presse, à Paris, le 9 février.
Le slogan retenu par la France, « L’innovation pour une croissance durable »,
illustre le lien fondamental qui est désormais fait entre la recherche et développement
(R&D) et l’industrie. Plusieurs pôles de compétitivité seront représentés
dans la mécanique et l’énergie ou encore le réseau des instituts Carnot,
centres orientés vers la recherche appliquée, dans la robotique, les
technologies de l’information et la communication (TIC) et les
nanotechnologies.
Le message se veut clair :
la France n’est pas seulement un pays de tourisme ou de gastronomie, elle est
aussi une terre d’innovation et d’industrie, riche de ses champions, comme LVMH
dans le luxe, L’Oréal dans les parfums et cosmétiques, Danone dans
l’agroalimentaire, EADS dans l’aéronautique et l’espace, Renault et PSA dans
l’automobile, Michelin dans les pneumatiques, Lafarge dans le ciment, Alstom
dans le ferroviaire et l’énergie, Areva dans le nucléaire ou Total dans les
hydrocarbures.
La France veut aussi faire
savoir qu’elle est forte d’un tissu de PMI performantes, parfois leaders
mondiaux, comme Pubert (motobineuses), Moria (chirurgie ophtalmique), Copex
(presses hydrauliques), Redex (laminoirs pour fil de cuivre), CBE (moules pour
voussoirs de tunnels), Fountaine Pajot (catamarans de plaisance), Quantel
(lasers à solide), Siraga (machines pour bouteille de gaz), Buffet Crampon
(clarinettes professionnelles), Garhin (cuves en plastique) ou Soitec (silicium
sur isolant).
Au niveau politique, le
gouvernement, fortement appuyé par le patronat, a fait de la réduction du coût
du travail l’un de ses principaux chevaux de bataille. « Nous allons devoir
réaliser un recalage de l’ordre de 5 à 10 % par rapport à l’Allemagne »,
affirmait Eric Besson, le ministre de l’Industrie, de l’énergie et de
l’économie numérique, le 20 janvier, lors de la remise par Coe-Rexecode d’une
étude intitulée « Enrayer la divergence de compétitivité entre la France et l’Allemagne
». Ce ne sont pas tant les salaires qui sont visés que les charges sociales.
Elles sont trop élevées, non seulement par rapport à l’Allemagne, mais aussi
aux États-Unis, affirme le président de la commission Commerce international du
Medef et P-dg du groupe Fives, Frédéric Sanchez, dans un entretien exclusif au
Moci.
Le choix de s’attaquer
prioritairement à ces coûts n’est, toutefois, pas partagé par tous les
observateurs économiques. Certains experts en France soutiennent que le déclin
de l’industrie y souligne surtout la faiblesse de l’innovation et de la
coordination entre recherche et entreprise.
De fait, Eric Besson
constatait lui-même, le 20 janvier, que « l’industrie française génère 80 % des
exportations françaises et 90 % de notre effort de recherche et développement
». Ainsi, l’innovation dans l’industrie est également érigée en priorité par
l’État.
Le Programme
d’investissements d’avenir – un des deux grands instruments financiers avec le
Fonds stratégique d’investissement (FSI) – fait la part belle à l’amont des
filières industrielles. Il prévoit de consacrer 20 milliards d’euros à
l’enseignement et à la recherche, pour 15 milliards à l’industrie.
En matière de grandes
orientations, la politique industrielle que le gouvernement essaie de
développer s’inspire des premiers États généraux de l’industrie (EGI), qui se
sont tenus en février 2010. La Semaine de l’industrie (4-10 avril), qui
comprendra une centaine d’événements (journées portes ouvertes ou visites
pédagogiques de sociétés, etc.), est une des 23 mesures identifiées lors
des EGI. Onze filières industrielles (automobile, chimie, biens de
consommation…) ont par ailleurs été identifiées comme prioritaires à l’issue
des EGI : elles se verront consacrer en priorité les financements drainés par
le Programme d’investissements d’avenir et le FSI avec l’objectif d’aider à
l’émergence de champions français et européens et de favoriser l’essor des
pôles de compétitivité. Eric Besson a déjà annoncé que la politique nationale
de pôles de compétitivité sera reconduite fin 2012 pour trois ans. Une annonce
toutefois suspendue au résultat d’élections présidentielles et législatives,
qui se tiendront à cette date.
Une autre priorité du
ministère de l’industrie est la protection de la propriété intellectuelle.
Comme la France entend se protéger contre les pays tiers qui ne pratiquent pas
un commerce équitable, l’ambassadeur de l’industrie, Yvon Jacob, a été chargé
d’un rapport sur la réciprocité. De son côté, le secrétaire d’État au Commerce
extérieur, Pierre Lellouche, compte, parmi ses priorités, ferrailler au plan
international sur ce thème de la réciprocité. Une de ses dernières déclarations
à ce sujet a été faite au Japon, avant la catastrophe du 10 mars, au
moment du lancement de la campagne « So French So Good » sur le salon japonais
Foodex (1er-4 mars) : il a pourfendu les barrières tarifaires et non tarifaires
dans ce pays, affirmant au passage que, dans ces conditions, la France
s’opposerait à un accord de libre-échange entre l’archipel nippon et l’Union
européenne.
Le volet sans doute le plus
difficile de la stratégie du ministère de l’Industrie est la définition d’une
politique industrielle à l’échelon européen, ce qui est loin d’être gagné
d’avance. Non pas que les exemples de coopération, à l’instar d’EADS dans
l’aéronautique ou des satellites, n’existent pas. Mais ces initiatives sont
surtout le fait des entreprises et le résultat de politiques
intergouvernementales. « Ma mission consiste à convaincre les États de
l’importance de la politique industrielle pour l’Europe », confie Yvon Jacob,
dans un entretien exclusif au Moci. De son côté, Eric Besson pousse à la mise
en place d’un brevet communautaire, d’un fonds européen des brevets et d’un
fonds de capital-risque pour soutenir des filières stratégiques ou des
technologies clés.
Frédéric Sanchez se réjouit
de ces orientations. « Une politique industrielle européenne est notamment
nécessaire dans des domaines comme l’énergie et les infrastructures »,
estime-t-il. Et « une réflexion globale sur la sécurisation de
l’approvisionnement en matières premières de l’Union européenne est également
urgente ». À titre d’exemple, explique le patron du groupe Fives, « sans accès
sécurisé aux terres rares, le développement, la modernisation de certains
secteurs de l’industrie sont difficiles, voire impossibles ».
La crise a peut-être ouvert
une fenêtre d’opportunités, en provoquant une prise de conscience. « Certains
tabous tombent, comme celui du grand marché européen pour le seul consommateur.
Les notions de production, de champion européen progressent », observe Frédéric
Sanchez, qui se déclare « convaincu que l’on finira par élaborer une véritable
politique européenne ». Mais, ajoute-t-il, « cela prendra du temps ».
Dans l’entretien qu’il a accordé
au Moci, Frédéric Sanchez défend l’idée d’une politique industrielle française.
Pour donner toute la mesure de cette politique, nous vous présentons dans cette
enquête les instruments financiers qui la soutiennent : Fonds stratégique
d’investissement (FSI) et programme d’investissements d’avenir.
Des 11 filières stratégiques
dégagées à l’issue des EGI, deux font l’objet d’une présentation détaillée :
l’automobile et la chimie. La micro-nanoélectronique, secteur technologique
clé, fait également l’objet d’un focus. Dernier exemple de politique
industrielle, l’appui au développement des pôles de compétitivité, qui associe
enseignement, recherche et industrie sur un même site. Enfin, les agences
opérationnelles utilisant les instruments comme le FSI, Ademe, Oséo et
Ubifrance, font l’objet dans cette enquête d’une présentation fine.
Enquête réalisée par
François Pargny, avec Venice Affre, Séverine Cattiaux, Alix Cauchoix et Jean-François Tournoud