Après une crise sanitaire et des restrictions qui ont plombé les activités économiques de la Chine et sa Région administrative spéciale plus longtemps qu’ailleurs dans le monde, Hong Kong est de retour et veut le faire savoir aux entreprises françaises et européennes. Paris a été la première capitale européenne a accueillir la convention d’affaires Think Business Think Hong Kong, organisée par le HKTDC, après deux ans d’interruption, attirant plus d’un millier de participants.

« Hong Kong est de retour, ouvert et connecté au business » ! C’est le message que Paul Chan Mo-po, le secrétaire des Finances du gouvernement de la Région administrative spéciale (RAS) de Hong Kong (notre photo de couverture), a voulu faire passer aux entreprises et hommes et femmes d’affaires français lors de l’événement Think Business Think Hong Kong, le 19 septembre.
Cette convention d’affaires qu’organise traditionnellement chaque année le HKTDC (Hong Kong Trade Development Council), était de retour à Paris après presque trois ans d’absence pour cause de Covid-19. Une forte délégation hongkongaise de 130 décideurs, publics et privés, s’était déplacée pour l’occasion. Le ministre n’a pas manqué de mentionner que la RAS bénéficie du « soutien de la Chine, terre-mère », lui donnant accès à son gigantesque marché, et d’assurer que le principe « un pays deux systèmes durera », le président Xi l’ayant réaffirmé encore récemment.

En écho, le ministre français en charge du Commerce extérieur et de l’attractivité, Olivier Becht, a déclaré, dans une intervention en anglais : « aussi longtemps que le climat des affaires et la réglementation de Hong Kong resteront favorables aux entreprises étrangères et permettront à Hong Kong de rester une porte d’entrée vers la Greater Bay Area et la Chine continentale, je suis convaincu que les entreprises françaises continueront à prospérer et à se développer à Hong Kong. »
Et de rappeler que lors de sa récente visite officielle en Chine, en avril dernier, le président Macron et son homologue chinois Xi Jinping, avaient marqué leur « volonté commune de relancer le partenariat stratégique » entre les deux pays. Une relance qui, selon Olivier Becht, « doit bénéficier à nos relations avec Hong Kong ».
Première étape d’une campagne de promotion européenne
Paris a été en l’occurrence la première capitale européenne à accueillir cet événement business, importante étape dans une campagne de promotion internationale qui vise à remettre Hong Kong dans les radars des entreprises et des investisseurs européens.
Un choix logique, selon Peter Lam, le président de HKTDC : la France, malgré la période de restriction aux déplacements liées à la pandémie qui a perduré jusqu’à la fin de l’an dernier, a été le premier partenaire commercial de Hong Kong dans l’Union européenne en 2022 : 6 milliards d’euros d’échanges de biens en 2022 (+ 1 % sur 2021), dégageant un excédent de +4,8 Md EUR, stable par rapport à 2021 mais encore inférieur à son niveau de 2019 (+ 5,1 Md EUR).
Avant la pandémie, la France était le premier investisseur européen à Hong Kong après le Royaume Uni, et un peu plus de 800 entreprises françaises, dont plus de 340 filiales et 80 sièges régionaux, y été recensées, selon un guide d’affaires sur Hong Kong publié par Business France en 2020.
La période de fermeture liée à la politique zéro-Covid, qui a succédé à une année 2019 perturbée par les manifestations contre le régime, a entraîné une déperdition mais qu’il reste difficile à chiffrer. Combien de sièges ont déménagé ? Combien d’expatriés échaudés par deux ans de fermeture manquent à l’appel ? Aucune donnée précise n’a été donnée lors de la matinée où se sont succédé officiels et dirigeants d’entreprises.
Un intérêt qui reste vif en France
Malgré la crise sanitaire particulièrement sévère en Chine continentale et à Hong Kong, « l’immense majorité des entreprises françaises sont restées investies » a pour sa part affirmé Olivier Becht, saluant celles dont les représentants étaient présents. « Nous sommes là pour participer à la relance de Hong Kong et en tirer mutuellement bénéfice », a-t-il insisté. Au vu de l’affluence à Think Business Think Hong Kong, où les organisateurs ont annoncé 1300 participants, l’on peut noter que l’intérêt suscité par la RAS reste vif en France.
Plusieurs dirigeants d’entreprises françaises déjà installées à Hong Kong en ont apporté le témoignage, à l’instar de Mickael Pinto, directeur international, énergie et villes durables du groupe d’ingénierie français Egis, revenu dans la RAS après avoir déménagé temporairement ses équipes à Bangkok durant la crise sanitaire, ou de l’entrepreneur français Arnault Castel, fondateur de Kapok, à la tête d’une réseau de boutiques dédiée à la mode avec ses proposes marques, qui essaime depuis Hong Kong dans toute la zone.
Mickael Pinto, dont le groupe se positionne sur les marchés des projets d’infrastructures de Hong Kong, suivant notamment de très près le méga projet « Northern Metropolis » – Métropole du Nord-, programme stratégique qui vise à urbaniser 30 000 hectares à la frontière entre la RAS et la Chine continentale, a confirmé le bon climat des affaires régnant à Hong Kong. Même si, a-t-il reconnu, le redémarrage des projets est « très lent » depuis la réouverture, avec beaucoup de projets encore « en standby ».
Arnault Castel, pour sa part, a déroulé tous les atouts que présentait la RAS et ses 7,4 millions d’habitants à hauts revenus : ses consommateurs qui sont de bons testeurs pour de nouveaux produits ou concepts, une bureaucratie légère – « je ne consacre que 5 % de mon temps aux formalités »-, sa fiscalité attractive, sa plateforme logistique internationale compétitive, le haut niveau de qualification des Hongkongais et leur sens du business, l’absence de difficulté à recruter des talents, contrairement à Singapour, et l’absence de barrières de langue, contrairement au Japon …
« Nous avons entendus, il y a 4-5 ans, des histoires très négatives sur Hong Kong », a souligné l’entrepreneur, faisant allusion à la mauvaise image laissée chez les occidentaux par les manifestations anti-régime de 2019. « J’y suis encore ! » D’après lui, si le tourisme n’a pas retrouvé ses niveaux d’avant crise, les visiteurs aisés en provenance d’Asie sont, eux, de retour. « Hong Kong est encore un bon endroit pour faire des affaires ».
Une place très spéciale en Asie
Xavier Musca, le CEO du Crédit agricole CIB et directeur général du Crédit Agricole SA, en charge de la division grands comptes, est sur la même longueur d’onde. Avec une présence plus que centenaire héritée d’Indosuez, la banque verte, qui a participé au financement de nombre d’infrastructures publiques -dont l’aéroport- et conseillé et arrangé une émission d’obligations verte de 19 milliards de dollars, continue à miser sur la RAS.
« Nous sommes convaincu que Hong Kong reste une place très spéciale » en Asie a-t-il souligné. Avec trois atouts principaux : son économie est « forte et solide », elle constitue « un pont vers la Chine », et enfin c’est un centre d’affaires bien placé pour capter la croissance de l’Asie, zone qui représentera près des deux tiers de la croissance de l’économie mondiale dans les prochaines années. « Toutes nos opérations en Asie sont pilotées depuis Hong Kong », a complété le banquier français.
De fait, Hong Kong doit sa place si spéciale à la fois à sa géographie et à son statut de RAS, auquel est attaché le fameux concept « un pays deux systèmes », hérité des engagements de Pékin vis-à-vis de la communauté international lors du retrait des Britanniques en juillet 1997, et qui maintient un environnement d’affaire libéral et relativement transparent. Sur le plan géographique, avec Macao, c’est une porte d’entrée privilégiée évidente pour la Chine continentale, tant en matière d’exportation que de sourcing et d’investissement, mais aussi une base de proximité avec la méga région de la Grande Baie du Guangdong, ses 11 métropoles, ses 84 millions d’habitants, et son PIB équivalent à celui de l’Italie. Des atouts martelés par la délégation hongkongaise.
Les secteurs sur lesquels les Hongkongais espèrent attirer à nouveau les entreprises et startups françaises ont été égrenés tout au long de la matinée : le projet Northern Metropolis, dont le pôle IT connectera davantage encore Hong Kong au bassin industriel de Shenzen ; la santé ; la finance verte -dont Hong Kong veut devenir une plateforme mondiale pour l’Asie- ; les énergies renouvelables ; les industries créatives et du design ; l’innovation et la R&D…
« Please invest » a conclu Paul Chan Mo-po à l’adresse des entreprises françaises. Il faudra attendre quelques mois pour voir si cette invitation a été entendue à la hauteur des espérances des Hongkongais.
Christine Gilguy