S’il n’a finalement duré que trois jours la semaine dernière, le mouvement de grève dans 14 ports de la Côte Est et du golfe du Mexique a provoqué des perturbations qui mettront des mois à se résorber.
L’American Forest & Paper Association a dû se fendre d’un communiqué. Face au stockage massif de papier hygiénique par les consommateurs après le début de la grève des ports la semaine dernière, la fédération professionnelle du papier tissu a en effet rappelé que 85 % de la demande américaine de papier tissu (essuie-tout, serviettes…) est satisfaite. Comprendre : inutile de faire des réserves de PQ en prévision d’une pénurie, il est fabriqué sur place.
Si l’anecdote prête à sourire, elle n’en témoigne pas moins de l’importance de la menace qu’ont fait peser trois jours de paralysie des infrastructures portuaires sur les chaînes d’approvisionnement américaines (hors papier toilette). D’autant plus que la dernière grève de ce type, en 1977, avait duré 44 jours et lourdement pesé sur l’économie.
Les trois jours de ce mouvement social ont néanmoins suffi à mettre à l’ancre une quarantaine de navires alors que 120 autres étaient en route en direction des ports de la côte Est et du Golfe du Mexique. Une congestion sans précédent a été évitée ainsi qu’une crise économique. Le cabinet JPMorgan a en effet estimé le coût d’une telle grève à 5 milliards de dollars par jour.
Cette crise n’est pas terminée
« Une crise prolongée de cette ampleur aurait été toxique pour les chaînes d’approvisionnement mondiales, de sorte que le marché pousse un soupir de soulagement, a déclaré Peter Sand, analyste en chef de la plateforme de fret Xeneta, au magazine Dry Cargo International. La fermeture de tous les ports de la côte Est des États-Unis et de la côte du Golfe – ne serait-ce que pendant seulement trois jours – a de graves conséquences. Nous devons maintenant nous attendre à voir à quelle vitesse les travailleurs de retour sont capables et prêts à faire face à l’énorme arriéré de navires qui attendent de décharger des milliers de conteneurs transportant des milliards de dollars de marchandises. »
Selon cet expert, les effets de cette grève vont se propager dans les chaînes d’approvisionnement mondiales dans les prochaines semaines. Les mêmes navires retardés sur les côtes américaines feront défaut dans les ports chinois, peut-être jusqu’au Nouvel An lunaire, fin janvier, période traditionnellement chargée pour les ports locaux.
Les taux de fret vont grimper
De son côté, Arthur Barillas estime dans Le chargeur, la newsletter de la plateforme de fret Ovrsea, que « si la plupart des compagnies ont annulé les surcharges spéciales prévues, les retards dans les ports concernés devraient durer deux à trois semaines encore. » En outre les taux de fret risquent de s’envoler du fait d’une réduction de l’offre effective en Europe du Nord. « Platts a d’ailleurs noté une nette hausse des prix la semaine dernière sur le Transatlantique, rebond qui ne transparaît pas encore toutefois dans le World Container Index de Drewry », souligne et expert du transport.
L‘International Longshoremen’s Association (ILA), le syndicat des dockers, et la United States Maritime Alliance (USMX), qui regroupe leurs employeurs, ont certes annoncé « être parvenues à un accord de principe sur les salaires », mais d’autres sujets, comme l’automatisation des ports, opposent toujours les deux organismes. Le contrat-cadre qui les relie est arrivé à son terme le 30 septembre et les parties sont tombées d’accord pour le prolonger jusqu’au 15 janvier, après les fêtes de fin d’année, le temps de négocier les autres questions en suspens.
Mais rien ne dit que les dockers de l’ILA ne lanceront pas un nouvel appel à la grève…
Sophie Creusillet