Le contraste est fort entre un Dubaï en crise, et des émirats qui tirent bien leur épingle du jeu, comme Abou Dhabi ou le Qatar. L´industrie du luxe souffre, certains grands projets sont reportés. Mais beaucoup d´autres sont maintenus et la consommation reste soutenue. Émirats Arabes Unis, Bahreïn, Qatar, Koweït, Oman, tour d´horizon d´une zone qui apparaît, en ces temps de récession, comme l´une des rares à offrir de vrais relais de croissance à l´international.
Remontée des cours mondiaux du pétrole, hausse des cours dans certaines Bourses (Dubaï et Abou Dhabi). Au cours des dernières semaines, un nouveau vent d´optimisme a soufflé sur la région du Golfe. Certains économistes pourraient même réviser à la hausse leurs prévisions d´évolution du PIB. D´autres, en revanche, restent prudents.
Les pays du Golfe dans leur ensemble ont réussi à faire face à la crise internationale de façon plutôt satisfaisante. Certes, ils ont été frappés par la baisse des cours des produits de base, le retrait des capitaux étrangers, la crise boursière et la baisse mondiale du PIB. Cependant, pour l´ensemble des pays membres du Conseil de coopération du Golfe (Arabie Saoudite, Bahreïn, Émirats Arabes Unis, Koweït, Qatar et Oman), la croissance économique globale devrait être de 1,9 % en 2009, selon la Mission économique pour le Moyen-Orient basée à Abou Dhabi. En 2008, la progression avait été de 7 %.
« Le ralentissement économique a affecté les programmes d´investissements en infrastructures dont certains ont été reportés. Cependant, la situation varie selon les pays. Les moins touchés sont ceux qui, comme l´Arabie Saoudite, l´émirat d´Abou Dhabi (Émirats Arabes Unis, EAU) ou le Qatar, disposent de ressources pétrolières et financières leur permettant de continuer à investir dans les infrastructures », explique Pierre Mourlevat, chef du Service économique régional pour le Moyen-Orient. Abou Dhabi vient d´annoncer son plan de développement des transports urbains qui prévoit la construction d´un réseau de lignes de métro de 130 kilomètres.
Les premiers appels d´offres ont été lancés. Fait peu connu en France, les besoins en matière d´infrastructures (énergie, transports, eau-assainissement, etc.) dans les pays du Golfe demeurent très importants. L´émirat de Dubaï (EAU) est dans une situation diamétralement opposée en raison des excès commis en matière de spéculation immobilière et d´expansion du crédit. « Les investissements au cours de la période récente ont dépassé les moyens de l´émirat, d´où un endettement très lourd.
Les clients dans le secteur public nous proposent aujourd´hui des rabais pouvant aller jusqu´à 20 % en échange du règlement des factures », affirme une entreprise française installée à Dubaï. De plus, la situation du secteur bancaire est délicate. Plusieurs grands projets, comme le nouvel aéroport de Dubaï ou l´extension du terminal portuaire de Jebel Ali, sont reportés. La première ligne du métro sera bien inaugurée en septembre et la deuxième est en construction, mais « les futures lignes sont en stand by » fait remarquer un expert.
Cette diversité de situations est bien évidemment vécue dans d´autres secteurs. « Nous ressentons la crise à Dubaï, mais pas en Arabie Saoudite et au Koweït », explique Sophie Leroy, directeur commercial export de LaCie, fabricant de périphériques de stockage d´ordinateurs, qui dispose d´un bureau commercial à Dubaï pour l´ensemble du Moyen-Orient. En revanche, un fournisseur de cadeaux d´entreprises installé dans l´émirat affirme avoir subi une baisse de 50 % de son chiffre d´affaires depuis le début de l´année dans l´hôtellerie et les entreprises.
Le secteur du luxe est un des plus touchés. Patrick Chalhoub, directeur général du groupe Chalhoub, le leader incontesté dans cette activité, évoque un recul d´activité de 5 % pendant le premier trimestre et table sur une année « plate » en 2009. « Les trois dernières années ont été exceptionnelles pour le secteur au Moyen-Orient. La crise n´a fait qu´accélérer un processus de consolidation qui devrait durer deux ans », précise-t-il.
Les entreprises interrogées affirment vouloir maintenir leur présence à Dubaï et continuer à se développer dans la région. « Il y a un réel potentiel de marché dans la zone du Moyen-Orient et nous souhaitons continuer à nous y développer », indique Sophie Leroy. « Les pays du Golfe représentent une zone d´intérêt pour le groupe Casino en termes d´investissement », affirme Jean-Marc Lebrun, directeur général de Fu-com, partenaire du groupe Casino dans les pays du Golfe. Déjà présent à Dubaï et à Bahreïn, le groupe va faire son entrée au Koweït en 2009, avec un premier hypermarché inauguré fin juin et un premier supermarché, fin août. Il disposera donc de onze magasins.
De nouvelles ouvertures sont prévues en 2010-2011 dans la zone, notamment à Abou Dhabi. Le groupe Accor construit 19 hôtels dans les pays du Golfe, qui viendront s´ajouter au parc actuel de 25. Le groupe considère que le Moyen-Orient est « une zone à fort potentiel pour son développement ». « La région correspond parfaitement au modèle d´Accor, le management contract », explique Christophe Landais, directeur général du groupe pour le Moyen-Orient. À la différence des autres chaînes, Accor a visé le milieu de gamme (Ibis et Novotel) et se trouve donc relativement épargné par la crise puisque ce sont les marques de luxe qui sont les plus touchées.
L´engagement indéfectible des grands groupes dans une période de turbulences témoigne de leur confiance dans l´avenir de ces pays et a valeur d´exemple pour les PME françaises qui ne sont pas encore présentes dans la zone. Pour autant, les perspectives de croissance ne doivent pas cacher les difficultés propres à ces marchés. Le principal obstacle est celui du financement, en raison de la difficulté d´obtenir des crédits, un problème devenu plus aigu encore avec la crise. « Nous avons financé nos implantations sur fonds propres », explique Serge Huggenberger, directeur général d´Atrium Trading FZCO, le master-franchisé de Geneviève Lethu dans les EAU.
À cela s´ajoutent les particularités de l´environnement local des affaires, comme le système du « sponsorship » et une législation du travail très contraignante, la main-d´œuvre étant essentiellement d´origine étrangère. Des changements sont régulièrement annoncés, mais leur portée réelle sera modeste, de l´avis des experts interrogés.
Daniel Solano, envoyé spécial aux Emirats Arabes Unis, avec Jean-François Tournoud