En vigueur depuis le 1er juillet, les nouvelles Règles uniformes relatives aux garanties sur demande, les RUGD 758 n´ont pas encore eu le temps de faire leurs preuves. Hervé Solignac Lecomte, directeur du commerce international de HSBC France, nous livre un premier point de vue sur leur apport et leur impact.
Dès 1978, la CCI (Chambre de commerce internationale) a proposé des règles en matière de garanties internationales :
• les Règles uniformes relatives aux garanties contractuelles, les RUGC 325 ;
• puis les RUGD* 458 en 1992, qui traitent des garanties internationales à première demande (ou sur demande) ;
• enfin, depuis le 1er juillet 2010, les nouvelles Règles uniformes relatives aux garanties internationales sur demande, les RUGD 758.
Cette nouvelle version apporte de nombreux changements et précisions en faveur à la fois des entreprises et des banques, ce qui doit les inviter à les utiliser de plus en plus. Quelques exemples concrets.
1/ Les apports concrets des nouvelles règles
2/ Des exemples des bénéfices qu´elles apportent
3/ Les changements réels que ces règles peuvent apporter
4/ La position des utilisateurs aujourd´hui
1/ Les apports concrets des nouvelles règles
Pour le banquier
L´idée qui sous-tend ces nouveaux textes est de bâtir un « code de conduite » plus simple et qui s´applique tout au long de la « vie » d´une garantie, notamment :
• en harmonisant ces règles avec les RUU 600 qui régissent les crédits documentaires, ce qui crée un vocabulaire et une approche « paiement contre document » commune à tout le commerce international ;
• en clarifiant certains articles qui étaient très critiqués, et en rééquilibrant certaines clauses jugées trop à l´avantage des acheteurs ;
• en revoyant les aspects « techniques » pour les rendre plus proche de la pratique, et en rendant ces règles universelles pour encourager leur utilisation.
Il faut dire aussi que ces règles ne changent pas fondamentalement la base de l´émission d´une garantie à première demande, qui reste un engagement financier, et non une « obligation de faire », ce qui reste du ressort des entreprises contractantes.
Pour les entreprises
En première lecture, ces nouvelles normes clarifient les responsabilités du donneur d´ordre, du fournisseur donc. Mais aussi l´engagement des banques, ce qui permet de simplifier les négociations commerciales de l´entreprise donneur d´ordre avec ses partenaires. Le cadre est plus propice à trouver un accord, et donc il devient plus facile de s´entendre sur le texte de la garantie.
2/ Des exemples des bénéfices qu´elles apportent
Pour le banquier
Par exemple, les RUGD 758 précisent mieux les responsabilités des parties, en introduisant 26 nouvelles définitions (c´est l´article 2) et ajoutent même une disposition pour aider dans l´interprétation d´une garantie ! (c´est l´article 3). Il devient donc beaucoup plus facile de s´entendre sur les termes, et d´aller plus vite au stade de l´émission. Elles clarifient aussi les rôles de chacun en termes d´information respective, de contrôle ou de délai de réponse…
De plus, ces nouveaux textes sont proposés sous forme de « modèles », avec la possibilité de les enrichir de clauses particulières, comme par exemple sur les entrées en vigueur différées ou les réductions du montant de l´engagement pour les restitutions d´acompte dans le cas des garanties de marchés.
Pour les entreprises
Un point intéressant est la reconnaissance des droits du fournisseur donneur d´ordre de la garantie à être avisé des événements tout au long de la vie de la garantie. Dans le passé, nous avions vécu des situations où les entreprises n´étaient pas informées des demandes de renouvellement alors qu´elles avaient réalisé leur contrat… Globalement, on peut dire que ces textes apportent aux entreprises une meilleure visibilité quant à leurs engagements vis-à-vis de leurs partenaires.
3/ Les changements réels que ces règles peuvent apporter
Pour le banquier
Une précision : contrairement aux crédits documentaires, il n´existe pas UN seul corps de règles unique applicable aux garanties internationales mais plusieurs. En effet, celles-ci peuvent être soumises aux RUGD 458, la version antérieure, ou aux ISP 98, ou encore au droit national. En fait, les RUGD 758 ne « gomment » pas les spécificités de certains pays.
Par exemple, nous n´imaginons pas aujourd´hui les États-Unis adopter ces règles, les entreprises américaines n´utilisant que les Stand-by LCs soumises aux UCP 600 ou ISP 98. C´est aussi le cas pour certains pays considérés comme des « bastions » pour les bénéficiaires, comme la Turquie, les Émirats Arabes Unis ou l´Arabie Saoudite.
Dans ces pays, le droit national prime, que ce soit stipulé ou non au texte de la garantie, et les nombreux avantages des RUGD 758, comme par exemple la date d´échéance, perdent de leur intérêt.
Pour l´entreprise
L´impact de l´adoption de ces règles est encore limité aujourd´hui. Elles en sont au stade de la proposition à leurs clients, en mettant en avant les avantages, etc. Mais elles ne sont pas les seuls décideurs pour leur adoption.
4/ La position des utilisateurs aujourd´hui
Pour le banquier
Très clairement, nous encourageons les entreprises à négocier leurs nouvelles garanties dans le cadre des RUGD 758, et ce, même si ces règles sont encore trop récentes pour être universellement utilisées.
Mais il ne faut pas oublier qu´en matière de garanties, le droit national – d´ailleurs reconnu dans les clauses de la garantie –prime sur toute règle supranationale, que ce soient les RUGD 758 ou d´autres.
Donc, nous délivrons un message simple à nos clients pour promouvoir leur utilisation. C´est un exercice qui sera long, mais bénéfique à tous et que nous encourageons en offrant des formations à nos clients grands donneurs d´ordres ; on peut aussi compter sur l´effet accélérateur du soutien des entreprises ou entités gouvernementales, qui commencent à s´y intéresser.
Pour les entreprises
Pour simplifier, en matière de garanties internationales, elles ont trois attentes :
• la rapidité d´exécution de leurs instructions ;
• une qualité de conseil ;
• une tarification compétitive.
Les banques doivent les conseiller sur les règles à appliquer et les spécificités pays, pour leur assurer une protection convenable et éviter les appels abusifs au titre de ces garanties.
Hervé Solignac Lecomte, directeur du commerce international de HSBC France
HSBC France 2 000 garanties émises, 1 % de mise en jeu
À titre d´exemple, HSBC France a émis près de 2 000 garanties internationales de marché pour le compte de ses clients au cours de l´année 2009. 95 % de ces émissions étaient des garanties à première demande, réparties aux trois quarts en garanties de bonne fin et de soumission et pour un quart en garanties de restitution d´acompte et retenue de garantie.
À noter que moins de 1 % des garanties internationales sont appelées et que les contentieux sont extrêmement rares. La répartition par zone géographique des bénéficiaires – c´est-à-dire des acheteurs étrangers – fait apparaître une dominante sur le Moyen-Orient, qui représente près d´un tiers du total, le reste se partageant à hauteur de 20 % chacun entre Chine, Asie du Sud-Est et autres pays. L´Afrique incluant le Magheb représente pour sa part 10 % du total.
H. S. L.
Garanties à première demande : Principes et pratiques
Les garanties et cautions de marché s´utilisent dans le cadre des marchés à l´international. Elles s´appliquent aux contrats de vente de biens et services et créent des liens contractuels entre : le bénéficiaire de la garantie (l´acheteur), le donneur d´ordre de la garantie (le fournisseur), la banque émettrice de la garantie (sur demande du fournisseur).
Dans la pratique, en matière de marchés à l´international, les cautions sont beaucoup plus rares que les garanties à première demande. Rappelons que cette dernière – également appelée garantie autonome – est l´acte par lequel une personne s´engage envers un créancier à lui payer une somme déterminée, sans pouvoir contester le bien-fondé de la demande de paiement et sans pouvoir tenir compte d´une interdiction de payer du débiteur garanti. En cas de mise en jeu de la garantie, la banque ne pourra donc pas opposer au créancier une quelconque exception tenant à l´obligation principale.
La forte concurrence en matière de contrats à l´exportation met les acheteurs (qui sont souvent expérimentés et bien conseillés au plan juridique) en position de force pour demander et obtenir les termes contractuels les plus avantageux pour eux.
Toutefois le caractère inconditionnel de la plupart des garanties à première demande ne retire rien au fait qu´il s´agit de garanties de marché. En d´autres termes, les appels purement abusifs – c´est-à-dire non liés à un problème d´exécution du contrat – sont de fait assez rares.
H. S. L.