La guerre en Ukraine et les perturbations du transport maritime remettent à l’ordre du jour les enjeux du transport terrestre entre l’Asie et l’Europe. A condition d’éviter la Russie et de passer par l’Asie centrale. Cette route est un des projets phare de Global Gateway, l’initiative de l’Union européenne soutenant des projets de connectivité partout dans le monde et censé proposer des alternatives aux « routes de la soie » chinoise. Revue de détail des avancées le long du corridor transcaspien et des projets en cours.
Long et cher. Tels sont les reproches habituellement formulés par les chargeurs et les transporteurs concernant le Middle Corridor (ou corridor du milieu, également appelé corridor transcaspien), qui passe au sud de la Russie, par le Kazakhstan et la mer Caspienne avant de rejoindre le Caucase Sud. Ses ramifications le relient aux quatre autres pays d’Asie centrale : Kirghizstan, Tadjikistan, Ouzbékistan, Turkménistan.
Les ambitions des différents projets dans le scope de Global Gateway, dont quasi la moitié concernent le Kazakhstan, sont à la hauteur du potentiel de la région : multiplier par trois les volumes de fret empruntant cette voie et faire passer de 45 à 15 jours la durée de transport entre Europe et Asie. « L’enjeu est désormais de passer de la phase d’étude à la phase concrète », a rappelé Magali Cesana, cheffe du service des Affaires bilatérales et de l’internationalisation des entreprises à la direction générale du Trésor (DG Trésor), lors d’un séminaire organisé par le Quai d’Orsay le 21janvier.
Des financements ciblés sur 33 projets
En 2023, une étude réalisée par la BERD (Banque européenne pour la reconstruction et le développement) pour la Commission européenne a listé 33 projets dont 14 au Kazakhstan et des investissements concernant pour moitié le ferroviaire. « Il est possible que d’autres projets surviennent et cette liste ne comportent par ceux développés par les compagnies de chemin de fer nationales, a précisé Sven Ruesch responsable du transport en Asie centrale à la DG des Partenariats internationaux à la Commission européenne. Nous travaillons dans un contexte dynamique. »
Les facilitations financières de l’UE se concentrent autour de quelques projets :
- Réduire les goulets d’étranglement dans les ports kazakhs d’Aktau et Kurijk, sur la Caspienne.
- Améliorer le passage de la frontière entre le Kazakhstan et l’Ouzbékistan.
- Terminer la route à péage entre Tachkent et Andijan, en Ouzbékistan.
- Construire un centre logistique et un « one stop border post» à Fatehabad, au Tadjikistan
- Créer une liaison ferroviaire directe entre Turkmenbashi et Turkmenabat, au Turkménistan.
- Développer des centres logistiques au Kirghizstan.
Pour comprendre qui les finance (et comment) et se tenir à jour de leur avancement, la Commission a tout récemment lancé un site Internet spécialement dédié.
Le engagements des bailleurs de fonds
Du côté des financements, si les investissements privés sont à la traîne, les bailleurs de fonds ont répondu présent :
- 1 milliard de dollars (Md USD) de la Banque asiatique de développement au Kazakhstan.
- 1,5 Md USD de la BERD.
- 2 Md USD de la Banque mondiale.
Chaque bailleur de fonds a bien évidemment sa propre vision et chaque pays essaie d’attirer des investissements sur son territoire. Côté français, l’Agence française de développement (Afd) dispose de mandats d’intervention dans deux pays de la région (l’Ouzbékistan et le Kazakhstan), mais pas dans les trois autres.
Les entreprises en quête de clarification
Du côté des entreprises intéressées par ces projets ou déjà présentes dans la région, un besoin de clarté se fait sentir. Ainsi de Philippe Delleur, vice-président senior en charge des Affaires publiques d’Alstom, qui produit des locomotives près d’Astana : « Nous avons besoin de savoir comment les projets sont élaborés, par exemples s’ils sont découpés en morceaux afin de favoriser les entreprises locales ». Également membre du business advisory group, mis en place par le Commission pour faire remonter le point de vue des entreprises, le dirigeant regrette que les financements consistent en aides dédiées et qu’il manque actuellement de « l’argent frais nouveau ».
Même son de cloche du côté de Medef International. Pour sa directrice adjointe, Géraldine Lemble, « les entreprises ont besoin de comprendre qui fait quoi parmi les bailleurs de fonds, les critères de passations de marchés et les obligations en matière de normes afin d’identifier les marchés ». « A l’heure actuelle, les entreprises sont un peu dans la même situation que le personnage principal du dessin animé soviétique Le hérisson dans le brouillard. »
Bref, l’enthousiasme est là pour ce middle corridor qui permettrait de développer une alternative durable au fret maritime entre l’Asie et l’Europe. Mais il semble y avoir encore loin de la coupe aux lèvres.
Sophie Creusillet
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