Entre la France et le Maroc, la brouille diplomatique n’est plus qu’un mauvais souvenir. La douzième Rencontre de haut niveau franco-marocaine, qui s’est tenue à Paris, les 28 et 29 mai, a marqué une relance tous azimuts de la coopération économique entre les deux pays après la reprise de la coopération judiciaire intervenue en janvier 2015 et la rencontre des deux chefs d’État, en février suivant. Elle a mobilisé d’importantes délégations ministérielles de part et d’autre, pour le séminaire intergouvernemental qu’ont présidé les deux chefs de gouvernement Manuel Valls et Abdelilah Benkiran. Elle a aussi mobilisé les milieux d’affaires lors d’un important forum qui a fait salle comble à l’hôtel Hyatt Regency Étoile, à Paris le 28 mai. Et pour marquer cette relance, une avalanche d’accords économiques et de coopérations a été signée à cette occasion. La Lettre confidentielle a recensé ces accords.
Les accords intergouvernementaux : conventions financières et coopération entre opérateurs
Le séminaire intergouvernemental a été l’occasion de réaffirmer les grands principes : « En faisant le constat de la solidité du socle de la relation bilatérale, manifestée lors de la rencontre des deux chefs d’État le 9 février 2015, ils ont réaffirmé leur attachement à la richesse des liens et à la force de l’amitié entre les deux pays. Ils ont salué la vitalité de la coopération entre les gouvernements…», a ainsi précisé Matignon dans la déclaration finale. Occasion aussi de passer en revue la coopération entre le Maroc et la France, second partenaire commercial du Royaume (derrière l’Espagne) dans les secteurs de l’industrie, de l’agroalimentaire, du transport ferroviaire, des énergies renouvelables, de la formation et de la recherche scientifique, de l’aéronautique, des programmes dédiés à la jeunesse.
Au terme de cette réunion, Abdelilah Benkiran et Manuel Valls ont co-présidé la cérémonie de signature de plusieurs accords et conventions de coopération couvrant les différents volets de cette coopération bilatérale en particulier dans les domaines de l’agriculture, des transports, des infrastructures et des énergies renouvelables.
Côté français, l’Agence française de développement (AFD) a été l’un des principaux opérateurs concernés, signant pas moins de quatre conventions de financement et une lettre d’entente avec ses partenaires marocains :
– un prêt en faveur du Royaume du Maroc de 10 millions d’euros pour la création d’un réseau d’instituts de formation professionnelle aux métiers des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique (IFMEREE) ;
– un prêt de 20 millions d’euros en faveur de la société financière de développement agricole « Tamwil El Fellah », filiale du groupe Crédit Agricole du Maroc, pour le financement de crédits à moyen et long terme de petites et moyennes exploitations agricoles n’ayant pas accès au crédit bancaire classique. Cette ligne est accompagnée d’une subvention de 200 000 euros destinée au Crédit Agricole du Maroc, pour le financement d’une étude sur le rôle socio-économique de la femme au sein des petites exploitations agricoles ;
– une convention de prêt non souverain de l’AFD de 20 millions d’euros à la Société d’aménagement et de promotion de la station de Taghazout (SAPST), dans l’objectif de contribuer au financement d’une station de tourisme durable dans la région d’Agadir ;
– une subvention de 500 000 euros en faveur du Royaume du Maroc pour contribuer notamment au financement de l’extension de l’Institut des métiers de l’aéronautique (IMA) de Casablanca ;
– une lettre d’entente entre le Royaume du Maroc et l’AFD relative à l’appui à la politique en matière éducative.
L’AFD a ainsi confirmé la priorité donnée au soutien des politiques de développement du Royaume en faveur de l’éducation et de la formation professionnelle, du secteur agricole et des zones rurales, des énergies renouvelables et d’un développement équilibré des territoires.
Plusieurs autres conventions financières et partenariats ont été signés à l’occasion de cette rencontre dont :
– Une convention portant sur une ligne de crédit de 25 millions d’euros dédiée aux PME marocaines pour l’acquisition de biens et services français, qui vient compléter la convention de transfert du Fonds de garantie de la restructuration financière au « Fonds de garantie PME », signée par les ministres des Finances le 13 avril 2015 ;
– Un partenariat concernant les réseaux électriques entre l’opérateur français Réseau de transport d’électricité (RTE) et l’opérateur marocain de fourniture d’électricité, Office national de l’électricité (ONE) ;
– Un avenant au protocole de 2009 relatif à l’extension du réseau du tramway de Casablanca pour un montant de 65 millions d’euros. Par ailleurs, précise également la déclaration finale de Matignon : « Les deux parties se félicitent de la signature d’un avenant de la convention de financement d’une partie du matériel roulant du tramway de Casablanca et souhaitent une conclusion rapide des discussions en cours pour l’extension du tramway de Rabat ».
– Un protocole d’accord entre le groupe de BTP français Vinci et la société Autoroutes du Maroc (ADM). Cet accord couvre des projets de coopération, d’échanges techniques et de développement entre les deux entreprises.
Par ailleurs, selon la déclaration finale publiée par Matignon, « les deux parties ont décidé d’inciter les opérateurs économiques, dans le cadre du pôle « compétitivité économique », à poursuivre leur coopération. Business France et Maroc export d’une part et Business France et l’Agence marocaine pour le développement des investissements d’autre part, examineront ensemble les modalités de poursuite et de développement de leur coopération visant réciproquement à la promotion des relations commerciales franco-marocaines et au développement des investissements entre le Maroc et la France ».
À noter que Muriel Pénicaud, directrice générale de Business France, a signé au même moment, hors du cadre intergouvernemental, un accord de renouvellement de la délégation de service public (DSP) avec la Chambre de commerce et d’industrie française au Maroc (CCIFM), représentée par son président Jean-Marie Grosbois.
Rapprochements des milieux d’affaires des deux pays avec en ligne de mire l’Afrique
L’autre temps fort de la visite du Premier ministre marocain a été le forum économique du 28 mai à l’initiative du Club de chefs d’entreprises France-Maroc, organisé conjointement par Medef International et la Confédération générale des entreprises du Maroc (Cgem), et clôturé par Abdelilah Benkiran (voir notre article). Des accords de coopération ont également été scellés à l’occasion de ce forum.
Pour la partie institutionnelle, une convention de coopération a été paraphée entre Pierre Gattaz, président du Medef et Miriem Bensalah Chaqroun, présidente de la Cgem. Cette convention vise à favoriser les travaux communs et les relations entre les deux communautés d’affaires, notamment pour les PME des deux pays. « La complémentarité des économies française et marocaine doit permettre de gagner ensemble des marchés à l’international, notamment en Afrique subsaharienne », a déclaré l’organisation patronale française dans un communiqué.
En vertu de cette convention, les deux organisations patronales s’engagent « […] à faciliter les échanges de marchandises et les flux d’investissement entre les deux pays » et à « encourager l’établissement des entreprises marocaines en France et celui des entreprises françaises au Maroc », a commenté, pour sa part, la Cgem. La convention prévoit la mise en place de projets communs pouvant contribuer au partage des expériences et à la formation des membres des organisations respectives notamment en matière de formation des salariés, d’exportation, d’internationalisation et d’assistance aux PME.
Deux autres autres accords ont par ailleurs été conclus dans les secteurs ferroviaire et automobile :
– Dans le ferroviaire : un accord entre le groupe bancaire marocain Attijariwafa Bank représenté par son P-dg Mohamed El Kettani, et le groupe français Alstom, représenté par Thi-Mai Tran, présidente d’Alstom Maroc, a été signé. Celui-ci prévoit la mise en place d’une collaboration dans le cadre des différents projets ferroviaires du groupe Alstom en Afrique subsaharienne.
– Dans l’automobile : une convention globale de coopération a été signée entre l’Association marocaine pour l’industrie et le commerce de l’automobile (Amica), représentée par son président Hakim Abdelmoumen, Renault Maroc, représenté par Jacques Prost, directeur général et les banques Attijariwafa Bank, représenté par son président Mohamed El Kettani, et Bpifrance, représenté par Nicolas Dufourcq, directeur général. Objectif de cette convention : associer leurs atouts pour coordonner leurs actions, définir une politique globale de soutien, de communication et d’accompagnement des acteurs du secteur automobile (à savoir le constructeur Renault et les équipementiers ) afin de développer des partenariats financiers et industriels pour saisir, ensemble, les opportunités se présentant sur le marché et envisager de la coproduction Maroc-France.
Venice Affre
Pour prolonger :
– France-Maroc : comment les groupes français ciblent l’Afrique depuis le Maroc
– Maroc-France : de nouveaux marchés à conquérir ensemble en Afrique et en Europe