La relation économique bilatérale entre la France et l’Espagne a vécu un moment historique avec la tenue, le 22 octobre dernier, à Paris, du premier Forum économique franco-espagnol organisé par le Mouvement des entreprises de France (Medef) et son homologue espagnol, la Confederación Española de Organizaciones Empresariales (CEOE), qui rassemble plus de 4 500 organisations représentatives de plus de 2 millions d’entreprises.
Première visite d’un président du Medef en trente ans
Les liens économiques entre les deux pays sont très étroits. La France est le 1er client de l’Espagne et son 2ème fournisseur. Les entreprises françaises établies outre-Pyrénées emploient plus de 350 000 salariés. La France accueille plusieurs grands groupes espagnols (Iberdrola, CAF, Enagas, etc.). Pourtant, Geoffroy Roux de Bézieux a rappelé que sa visite à Madrid, en octobre 2019, avait été la première d’un président du Medef depuis trente ans.
Initiative fructueuse : à cette occasion, les deux organisations, Medef et CEOE, se sont mises d’accord pour créer une instance de dialogue bilatéral entre chefs d’entreprises des deux pays. La première réunion du Forum a été maintenue, sous format présentiel, en dépit de la pandémie, montrant ainsi la volonté des chefs d’entreprises des deux pays de développer la relation. Une importante délégation de chefs d’entreprises espagnols a fait le déplacement à Paris.
Échanges fructueux
Pendant le Forum, plusieurs thèmes ont été abordés : mobilité, harmonisation des mesures sanitaires, interconnexion des réseaux énergétiques des deux pays, télétravail (l’Espagne s’est dotée d’une loi), principalement. Des dirigeants d’entreprises des deux pays ont participé aux échanges.
« Nous avons beaucoup de choses en commun » a résumé Antonio Garamendi, président de la CEOE, lors de la conférence de presse. Le patron des patrons français a évoqué, de son côté, la position commune sur deux dossiers d’actualité, la taxation des entreprises du digital et la mise en place d’une taxe carbone aux frontières de l’Europe, mais aussi des visions sensiblement différentes quant à la relation avec la Chine.
Les échanges vont se poursuivre au cours des prochains mois et la 2ème édition du Forum se tiendra en 2021 à Madrid.
La mise en place de cette nouvelle instance doit beaucoup aux deux présidents. Si Geoffroy Roux de Bézieux a pris l’initiative de se rendre à Madrid l’année dernière, du côté espagnol, Antonio Garamendi incarne aussi une approche similaire. Dans un contexte économique bien plus difficile qu’en France, ce dernier défend inlassablement une stratégie de positionnement des entreprises espagnoles comme acteurs clés de la relance. Il travaille également de manière active au développement des relations internationales, particulièrement au sein de l’Espace européen.
Des deux côtés, CEOE et Medef, on pense que la sortie de crise est indissolublement liée au renforcement de l’Europe et que les patronats européens doivent coopérer davantage. Invité début octobre par la Chambre de commerce franco-espagnole, Antonio Garamendi a évoqué une « relation vitale dans la durée » et souhaité que les liens entre les entreprises espagnoles et françaises soient « plus forts ».
LA CEOE est fortement mobilisée pour faire en sorte que les fonds européens prévus pour l’Espagne dans le cadre du plan « Next Generation EU » (140 milliards d’euros d’ici 2023, dont 72 sous forme de subventions) bénéficient aux entreprises espagnoles mais soient aussi utilisés pour des projets conjoints franco-espagnols sur des marchés tiers (Maghreb et Amérique latine).
La CEOE a créé, en partenariat avec PwC, une cellule technique afin d’aider les entreprises à bénéficier de la manne européenne. Les filiales espagnoles des entreprises françaises, qui sont par ailleurs membres de la CEOE au même titre que les entreprises espagnoles, pourront bénéficier de ces fonds.
La qualité de la relation bilatérale
Ce rapprochement des deux patronats se produit dans un contexte de convergence presque totale des deux gouvernements sur les questions économiques.
A l’occasion du Forum, Bruno Le Maire a échangé avec son homologue espagnole, Nadia Calviño, vice-présidente du Gouvernement, ministre des Affaires économiques et de la transformation numérique. Elle a rappelé que le budget 2021, qui a été présenté le 27 octobre, comportera une enveloppe de 27 milliards d’euros dédiée aux investissements.
Le ministre français de l’Économie et des finances a indiqué que les deux pays avaient bataillé pour la dette commune européenne et que les plans de relance sont proches. « Nous partageons les mêmes priorités » en ajoutant que si la coopération européenne ressemblait à celle entre les deux pays, elle serait « plus simple et plus efficace ».
Daniel Solano