« Depuis l’élection d’Emmanuel Macron en France, on sent une nouvelle envie de construire l’Europe autour de la France et l’Allemagne », s’est félicité Guy Maugis, le président de la Chambre franco-allemande de Commerce et d’Industrie (AHK), qui ouvrait la Journée franco-allemande de l’économie 2017, intitulée « Quel nouvel élan pour l’Europe ? », le 31 mai à Paris.
Ses propos ont été repris par Michel Barnier, qui a mis tout de suite en garde : « la coopération franco-allemande est de plus en plus nécessaire et de moins en moins suffisante. Donc, il faut qu’elle vive, mais il faut faire faire attention aux autres membres de l’Union européenne », a prévenu le négociateur en chef de la Commission européenne, chargé de la conduite des négociations de sortie de l’UE avec le Royaume-Uni, suite au référendum sur le ‘Brexit’ du 23 juin 2016. Un avis partagé, notamment, par Gaspard Koenig, président fondateur du think tank GénérationLibre, pour qui il ne faudrait surtout pas exclure les États de l’Est. « L’Europe y est très aimée, pas toujours partout de la même façon, mais la relation à l’est avec elle est très vive et passionnelle », a-t-il fait valoir, en citant, en particulier, une nation qu’il connaît bien, la Roumanie.
U. Guérot : Macron « euro-compatible » avec Merkel et Schulz
Pour autant, chacun s’accordait à reconnaître que rien n’est possible sans le moteur franco-allemand. Il faudra aussi attendre sans doute la fin des élections fédérales du 24 septembre pour de grandes manœuvres européennes, même si, assurait Ulrike Guérot, politologue allemande, fondatrice du groupe de réflexion European Democracy Lab à l’École européenne de gouvernance à Berlin, « Macron est euro-compatible » autant avec Angela Merkel qu’avec Martin Schulz, le concurrent social-démocrate de la chancelière chrétienne démocrate.
Pour autant, Berlin et Paris devront s’entendre. De la part de la France, l’Allemagne attend « des réformes structurelles », n’a pas caché Christoph Schmidt, président du Conseil allemand des experts en économie, un groupe d’économistes qui conseille le gouvernement fédéral et le Parlement allemand, dont l’équivalent français serait le Conseil d’analyse économique (CAE). S’agissant de l’Europe, selon ce « sage », il serait possible de mener des politiques communes en matière de « climat, des réfugiés et de terrorisme ».
C. de Boissieu : la priorité, « ce n’est pas l’inflation, c’est la croissance »
Certes, « des réformes structurelles, il en faut », comme la réforme du marché du travail, promise par Emmanuel Macron, mais « attention, a prévenu Christian de Boissieu, ancien président du CAE, parce que cette réforme « va prendre du temps pour avoir de l’effet, même si les syndicats n’ont jamais été aussi ouverts qu’aujourd’hui à la discussion ». En outre, selon l’économiste français, aujourd’hui professeur à l’université Paris 1 et au Collège d’Europe à Bruges (Belgique), il y a une priorité en Europe qui doit être prise en compte. « Ce n’est pas l’inflation, c’est la croissance qui n’est pas assez forte ». Et, en particulier, « la reprise dans la zone euro n’est pas suffisante pour traiter le chômage, des jeunes en particulier. Or, si l’Allemagne est proche du plein emploi, ce n’est pas le cas chez nous et à côté », a-t-il mis en garde.
Par conséquent, Paris doit engager sa réforme du marché du travail, « non pas en commençant par la flexibilité pour amorcer ensuite sur la sécurité, mais en faisant de la flexisécurité, c’est-à-dire en avançant parallèlement sur les deux sujets » et, de son côté, Berlin doit utiliser la marge de manœuvre que lui fournit son excédent budgétaire. Dans la foulée, Christian de Boissieu a vanté les vertus du plan d’investissement Juncker, du nom du président de la Commission européenne, tout en regrettant que pour diriger l’épargne européenne vers l’investissement, ni « la tuyauterie », c’est-à-dire les produits financiers, ni la fiscalité de l’épargne, n’étaient adaptés. C’est pourquoi il préconise un plan en faveur des PME, comprenant des incitations financières et fiscales.
François Pargny
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