La troisième édition du forum Vision Golfe, dédié aux opportunités d’affaires dans les six marchés du Conseil de coopération du Golfe (CCG), a fait le plein les 17 et 18 juin au ministère de l’Économie et des finances à Paris, avec une audience en hausse, malgré les nouvelles turbulences déclenchées au Moyen-Orient le 13 juin par le conflit Israël-Iran. Avec un programme riche de conférences et de rendez-vous BtoB.
[Mis à jour le 18/06/2025]
Ce rendez-vous annuel organisé par Business France pour les entreprises et dédié aux opportunités économiques et commerciales entre la France et les six pays du Conseil de coopération du Golfe (CGC) -Arabie saoudite, Bahreïn, Émirats arabes unis, Koweït, Oman, Qatar – aurait pu souffrir de la désorganisation des transports aériens provoquée par la fermeture de certains espaces aériens menacés par le nouveau conflit Israël-Iran et la suspension par de nombreuses compagnies aériennes de leurs liaisons dans la zone. Il n’en a rien été a-t-on pu constater à l’ouverture de la troisième édition du forum d’affaires Vision Golfe.

L’amphithéâtre de Bercy était plein à l’ouverture et les organisateurs annonçaient le chiffre record de 1100 inscrits, à peu près équitablement répartis entre les entreprises françaises et les participants venus des pays du CCG. Près de 1500 rendez-vous BtoB étaient programmés sur les deux jours du forum.
L’ancien ministre Jean-Yves Le Drian, envoyé spécial du président Macron dans la zone et président d’Afalula, l’agence française en charge de coordonner la partie française du grand projet saoudien d’Alula, a d’ailleurs décerné un satisfecit spécial aux organisateurs français, Business France et les services des ministères impliqués, pour avoir « maintenu ce rendez-vous, de le rendre pérenne ». Car pour l’ancien ministre des Affaires étrangères qui connaît bien cette région, le Golfe « est la région majeure en cette période ».
Le timing a joué en faveur des organisateurs, cette édition 2025 se déroulant entre la fin du salon Viva Tech et le début du Salon international de l’aéronautique et de l’espace du Bourget. « Beaucoup était présents depuis plusieurs jours pour participer au salon Viva tech », souligne Didier Boulogne, directeur délégué de l’export chez Business France. De fait, plusieurs délégations des pays du Golfe étaient présentes sur ce salon de l’innovation, avec parfois d’imposant stand, comme l’Arabie saoudite.
Le climat des affaires au plus haut

Le climat des affaires entre la France et les pays du CGC est au plus haut, avec des relations bilatérales qualifiée « d’exceptionnelles » côté français. En témoigne la présence en ouverture, des six ambassadeurs des pays membres et du ministre qatari du Commerce extérieur, Ahmed Al Sayed, qui est intervenu à la tribune après son homologue français, Laurent Saint-Martin.
Demandeurs, comme la France, de partenariats stratégiques et de coopération en matière de technologies et d’innovation pour mener à bien leurs plans ambitieux de développement et de modernisation à long terme, ils ont resserré leurs liens avec la France ces dernières années, en témoignent les visites d’État et visites ministérielles qui se sont succédées, à l’instar de l’Arabie Saoudite et des Émirats arabes unis, les deux principales locomotives économiques de la zone, avec le Qatar.
Emmanuel Saint-Martin a salué les « convergences » entre la France et les pays du CCG en matière de politiques publiques dans les domaines du développement durable, des énergie renouvelables, de l’intelligence artificielle, la Deeptech, qui offrent de nombreuses opportunités de co-investissement et de co-production. Son collègue Éric Lombard, ministre de l’Économie et des finance, a insisté sur ces même domaines prioritaires le 18 juin, au deuxième jour du forum : face au défi climatique, « nous devons travailler ensemble pour promouvoir les énergies renouvelables, réduire notre dépendance aux combustibles fossiles et développer des technologies innovantes pour un avenir plus vert et plus durable. Cela constitue le premier pilier de notre collaboration ».
Les acteurs du CCG sont aussi prêts à investir en France dans le cadre de son plan France 2030. Les exemples ne manquent pas, bien au-delà du club de foot parisien PSG soutenu par le Qatar. En marge du dernier Sommet de l’Intelligence artificielle (IA) organisé par la France en mai dernier, le fonds émirati MGX s’est associé à Bpifrance pour créer en Île de France le plus important campus d’Europe en matière d’IA, y embarquant également Mistral AI et Nvidia. « La France à un énorme potentiel » a souligné Sultan Alowais, qui pilote la société émirati Khazna, spécialisée dans les Datat Centers.

Mais l’Arabie Saoudite, dont les sociétés AviLease et Riyadh Air viennent de signer pour 15 milliards d’euros d’achat Airbus au salon du Bourget, n’est pas en reste. Elle a choisi la France, en 2018, comme partenaire premium pour développer le grand projet de mise en valeur du site archéologique d’Alula. « Un laboratoire de la Vision 2030 » selon Jean-Yves Le Drian, tant ce mégaprojet est à multiples facettes, entre la mise en valeur du patrimoine, le développement de compétences et les infrastructures touristiques dernier cri.
Quelque 3050 contrats ont été signés par des sociétés et institutions françaises sur Alula, selon Pascal Cagni, président de Business France. « Ce que nous avons fait à Alula, nous pouvons le reproduire ailleurs », a insisté celui qui est également ambassadeur pour les investissements internationaux.
Des échanges en hausse
Il faut bien reconnaître que les échanges entre la France et les pays du CCG se portent bien après avoir connu des évolutions en dents de scie ces dernières années : l’an dernier, dans les deux sens, ils ont atteint 21,7 milliards d’euros selon les douanes françaises, avec un excédent confortable en faveur de la France de +5,1 Md EUR. Quelque 1700 exportateurs français y travaillent, et pas que des grands groupes.
Comme le montrent les chiffres ci-après, les deux premiers marchés à l’export sont les Émirats arabes unis, suivis par l’Arabie Saoudite, le poids lourd de la région en terme d’économie et de démographie.
Les échanges France-Proche et Moyen-Orient
(2024, millions d’euros et évolution en %)Proche et Moyen-Orient
Export : 15 384 (- 0,9 %) ; Import : 12 226 (- 17 %)
Solde : +3 157 (2023 : +800)Dont membres du CCG :
-Émirats arabes unis
Export : 7 205 ; Import : 1 519 Md EUR
Solde : +5 686-Arabie Saoudite
Export : 4 209 ; Import : 3 717
Solde : + 492-Koweït
Export : 749; Import : 2322
Solde : – 1 573-Qatar
Export : 765; Import : 301
Solde : + 464-Oman
Export : 306; Import : 228
Solde : + 78-Bahreïn
Export : 218; Import : 179
Solde : + 39Source : Douane française
Ils « ne veulent plus de chasseurs d’investissements »
Laurent Saint-Martin a d’ailleurs appelé les entreprises françaises à s’engager davantage, en prenant soin de bien prendre en compte que ces pays changent à grande vitesse sous l’effet de leurs plans à long terme et de leur montée en compétence.
« Les pays du CCG, longtemps perçus comme des pays consommateurs, sont de plus en plus perçus comme des pays producteurs et innovateurs » a-t-il lancé. Un intervenant saoudien a rappelé qu’aujourd’hui, avec les efforts de diversification économiques menés dans le cadre du plan Vision 2030, le pétrole ne génère plus que 20 % du PIB et que la contribution du secteur privé est évaluée à 47 %.
Didier Boulogne, confirme : les marchés du Golfe « ne veulent plus de chasseurs d’investissements ». Pour avoir ses chances d’y réussir, les entreprises doivent proposer des solutions qui « collent avec Vision 2030 du pays au niveau technologique », mais aussi arriver « avec des fonds propres qui pourront être complétés ensuite par les partenaires locaux » et ne pas hésiter à envisager de créer « une coentreprise avec une entreprise locale ».
Les occasions ne manquent pas de prendre le pouls de ces marchés, entre les grands salons sectoriels des Émirats arabes unis, premier pays organisateurs de ce type d’événement dans la région, et ceux d’Arabie saoudite. Business France, qui accompagne chaque année 1800 entreprises via ses sept bureaux – dont 800 à Dubaï-, organise une vingtaine de pavillons chaque année dans la zone.
Sans compter les initiatives du réseau d’affaires français local, très actif. Celui des Chambres de commerce françaises (CCIFI) a prévu de créer un forum d’affaires régional dédiés aux réseaux d’entreprises francophones et francophiles, le« GCC France Business Forum », le 23 octobre prochain à Dubaï.
Christine Gilguy