Mis à mal par la pandémie de Covid-19, les salons professionnels et le tourisme d’affaires en Île-de-France vont devoir impulser des changements pour conserver leur rôle de leader mondial, selon une étude de benchmarking réalisé par Promosalons pour le comité de pilotage Foires & Salons de la CCI de Paris-Ile-de-France (CCIP IdF). Il y a urgence. Revue de détail.
Avec chaque année quelque 450 salons, 1 200 congrès et 12 millions de visiteurs d’affaires, la région francilienne arrive à la seconde place du classement de l’International Congress and Convention Association (ICCA), derrière Barcelone.
Non seulement ce secteur génère, « en temps normal » 6,5 milliards d’euros (Md EUR) de retombées économiques, mais il est indispensable aux entreprises travaillant à l’international. Si les chiffres de 2020 donnent à voir une filière exsangue, avec 71 % d’annulations et un chiffre d’affaires en chute libre, les données collectées depuis le début de l’année 2021 ne sont guère plus réjouissantes.
Avec un total déjà conséquent de 154 salons « physiques » annulés (soit 35 % de ceux qui se tiennent habituellement), l’année 2021 s’annonce en effet presqu’aussi sombre que la précédente : 3,4 millions de visiteurs ne sont pas venus (42 % de la fréquentation annuelle), 8,2 Md EUR de chiffre d’affaires n’ont pas été réalisés (39 % du chiffre d’affaires annuel) et 39 300 entreprises n’ont pas pu exposer (37 % du nombre d’exposants annuels).
Pour permettre à toute la filière de se mettre en ordre de marche et éviter le pire dans les mois à venir, la CCIP IdF s’est intéressée à la situation de 18 villes concurrentes* afin d’en tirer enseignements et recommandations pour l’Ile-de-France. Elle en a tiré 11 préconisations, sur différents aspects, dont nous vous présentons ci-après les détails :
1/ Activité minimum versus suspension de tous les événements
A l’inverse d’autres pays (Corée, Japon notamment) qui ont su préserver une activité minimum des événements d’affaires, la France les a non seulement interdits pendant les confinements mais également pendant les périodes déconfinées, alors mêmes que les commerces avaient pu réouvrir. Résultat : aucun salon n’a pu se tenir pendant 8 mois. En revanche, en Italie, en Corée du Sud ou encore au Japon, la période de fermeture a été bien plus réduite (respectivement 5 mois, 3 mois et demi et 1 mois et demi).
→ Préconisation 1 : Instaurer un dispositif dédié de continuité d’activité pour ces événements, couplé à un schéma d’aides spécifiques soutenant les entreprises touchées par les baisses de chiffre d’affaires.
→ Préconisation 2 : Distinguer durablement les « rencontres professionnelles » des grands rassemblements sportifs ou culturels… à l’instar de ce qui est fait chez nos concurrents (Allemagne, Catalogne. En cas de confinement, les déplacements pour participer à un salon ou à un congrès en France, dès lors qu’ils resteraient autorisés, deviendraient comparables à des déplacements impérieux ou nécessaires à l’activité professionnelle des personnes.
2/ Les aides
L’Italie et l’Allemagne ont mis en place des dispositifs spécifiquement dédiés au secteur des salons.
Ainsi les sites allemands bénéficiant d’un actionnariat public (régions ou villes) ont été renfloués en cas de difficulté. La Commission européenne a par ailleurs approuvé un régime d’aides plafonné à 642 millions d’euros (M EUR) pour les foires et salons allemands.
En Italie, le gouvernement a mis en place un fonds pour accompagner la relance dans l’événementiel (1,4 Md EUR sur 3 ans) et un plan de 1,2 Md EUR destiné à soutenir les entreprises événementielles face aux annulations de salons.
En France, en revanche, l’événementiel n’a pas bénéficié de plan de soutien dédié mais a néanmoins pu compter sur des mesures telles que l’activité partielle sans reste à charge, des exonérations de charges patronales, des aides au paiement de charges, des prêts garantis par l’Etat (PGE), le prêt tourisme de Bpifrance à partir de novembre/décembre 2020, d’un fonds de solidarité augmenté et à partir de 2021 d’un dispositif de prise en charge des coûts fixes. Mais les aides aux entreprises de la filière ont commencé à n’être significatives qu’à partir de novembre/décembre 2020 et devraient s’arrêter progressivement cet été.
→ Préconisation 3 : Soutenir la participation des entreprises françaises sur ces événements, en particulier des TPE et PME, grâce à un fonds qui permettrait de prendre en charge une partie des frais de participation de ces entreprises.
→ Préconisation 4 : Soutenir, au minimum jusqu’à la fin de l’année 2023, les organisateurs français des salons internationaux phares: contribution directe aux budgets des événements, financement d’actions d’accueil de décideurs et VIP pour ces événements, financement d’actions de visibilité dans la ville / région, prise en compte du statut « Highly qualified workers » pour les visiteurs, autorisant les voyages internationaux vers les pays de l’UE et de l’espace Schengen…
→ Préconisation 5 : Soutenir la pérennité des ETI françaises de l’événementiel (GL Events, Comexposium, Viparis…) en demandant au gouvernement de finaliser rapidement les dispositifs d’aides spécifiques à ces entreprises, en particulier le fonds de transition actuellement en cours de déploiement.
→ Préconisation 6 : Renforcer la promotion auprès des clientèles étrangères stratégiques des salons par la mise en place (dès maintenant et jusqu’en 2023 inclus) d’un fonds de promotion international (FPI) triennal dédié à la reconquête de cette catégorie de clientèle. Ce fonds auquel l’Etat, la Région Île-de-France et la Ville de Paris participeraient doit être piloté par Promosalons.
3/ Les infrastructures
A l’instar des investissements faits par Viparis pour rénover Paris Expo Porte de Versailles (500 M EUR sur la période 2015-2025) ou le CNIT Forest à La Défense, les grandes places concurrentes de Paris ont également prévu ou récemment réalisé d’importants programmes d’investissement pour rénover leurs sites d’accueil. Les programmes d’investissements de la place parisienne sont donc de bon augure pour conserver son rang face à la concurrence.
→ Préconisation 7 : créer un environnement favorable aux investissements et simplifier les démarches administratives des opérateurs gestionnaires de sites.
4/ Revoir le modèle des foires et salons
La compétition internationale se jouera, dans les années à venir, dans la capacité des places, des acteurs de l’événementiel professionnel à se réinventer et à proposer des nouveaux modèles de salons alliant présentiel et distanciel, avance la CCI de Paris-Ile-de-France. Le format « phygital » va peu à peu s’imposer et continuer à maintenir le lien avec les visiteurs internationaux.
→ Préconisation 8 : Mettre en place des fonds innovations destinés à soutenir les investissements qui permettront aux gestionnaires de sites, aux organisateurs et à leurs prestataires de développer la création d’événements hybrides et d’être exemplaire en matière sociale, environnementale, d’éco-conception et de gestion/réduction des déchets événementiels.
5/ L’accessibilité internationale au territoire francilien
Les entrées sur le territoire de touristes étrangers (y compris les touristes originaires de l’espace Schengen) sont sources de profondes préoccupations. En effet, les temps d’attente aux arrivées se sont considérablement rallongés et les circuits de sortie des aéroports parisiens peuvent atteindre jusqu’à 4 heures. Outre le temps d’attente, des zones de saturation se créent avec de fortes concentrations de passagers. Cette situation de congestion inquiète vivement les acteurs de salons.
→ Préconisation 9 : Fluidifier le passage aux aéroports, faire évoluer les modalités de contrôles sanitaires et identitaires notamment pour les passagers de la zone Schengen et renforcer les effectifs. Cela passe par : la réalisation des contrôles sanitaires à l’aéroport européen de départ conformément au cadre réglementaire, la mise en place des contrôles d’identité de manière aléatoire ou très ciblée (et non plus quasiment systématique) et le renfort des effectifs de la police aux frontières.
→ Préconisation 10 : simplifier les procédures et les délais d’obtention d’un visa dans les pays où sa possession est requise pour entrer sur le sol français, sans quoi les visiteurs d’affaires préféreront d’autres destinations. Il faut également noter que certains pays (Allemagne) ont intégré dans la liste des « motifs impérieux » (appliquée dans le cas d’un pays en « zone rouge » versus la situation sanitaire) le fait de participer à un salon B to B. Cela peut également favoriser d’autres pays que la France si elle ne considère pas les événements professionnels (salons, congrès) comme un motif impérieux d’entrée sur le territoire.
6/ L’accessibilité des parcs des expositions de dimension internationale
Si Paris Expo Porte de Versailles bénéficie d’une très bonne connexion aux transports en commun en raison de son positionnement en centre-ville, ce n’est toujours pas le cas de Paris Nord Villepinte et de Paris Le Bourget. Or, certaines villes concurrentes de Paris dans le secteur des salons (les villes allemandes de Düsseldorf, Cologne, Francfort, Munich, Hanovre et Nuremberg, italienne avec Milan, espagnoles avec Madrid et Barcelone ou japonaises avec Tokyo) ont su relier leurs grands sites d’exposition aux réseaux ferrés (métro, trains…) via des gares dédiées et des lignes directes.
→ Préconisation 11 : Assurer une meilleure accessibilité des sites de Paris Nord Villepinte et de Paris Le Bourget en veillant notamment à faire respecter de manière stricte le calendrier de la ligne 17 du Grand Paris Express.
SC
* Las Vegas, Chicago, Orlando, Tokyo, Shanghai, Shenzhen, Milan, Madrid, Barcelone, Hanovre, Francfort, Cologne, Düsseldorf, Munich, Nuremberg, Istanbul, Izmir et Moscou.
Pour consulter l’intégralité du benchmark réalisé par Promosalons, cliquez ci-après.