Charles Rodwell, député (Renaissance) des Yvelines, membre de la commission des Affaires économiques de l’Assemblée nationale est corapporteur, avec la députée Sophia Chikirou (Nupes-LFI), du rapport d’information parlementaire sur les « dispositifs de soutien à l’exportation et à l’attractivité » présenté aujourd’hui 1er février aux membres de cette commission. En avant-première, il nous explique dans cet entretien exclusif les principales conclusions de ces travaux et commente quelques-unes des propositions phares.
Le Moci. On sent dans ce rapport que vous avez co-réalisé avec votre collègue Sophia Chikirou, députée de la France Insoumise, qu’il y a parfois des divergences dans l’approche des problématiques ou des priorités, par exemple sur les questions de fiscalité ou d’investissement directs étrangers …
Charles Rodwell. Je tiens vraiment à souligner l’état d’esprit constructif dans lequel nous avons mené cette mission et ces auditions en commun. Evidemment, nous ne sommes pas du même parti politique et il y a beaucoup de sujets sur lesquelles nous ne partageons pas les mêmes idées. Mais je crois vraiment que nous avions cette volonté commune que tout se passe bien. A cet égard, même si on a effectivement des divergences importantes sur la fiscalité et sur les IDE, nous avons également émis un certain nombre de propositions communes : les trois quarts, voire les quatre cinquièmes de nos propositions sont communes. C’est tout l’intérêt de ce document, qui, au-delà de certaines divergences, propose des mesures assez opérationnelles sur lesquelles l’idéologie n’a pas nécessairement sa place.
« Le commerce extérieur
reste plus que jamais un combat politique »
Le Moci. L’export, l’attractivité, c’est quand même un peu la mondialisation aussi, un sujet clivant avec la gauche. C’est une surprise plutôt agréable de constater que dans ce domaine-là, on peut arriver à avoir des idées communes sur des sujets d’intérêt national. Cela étant dit, dans votre rapport, il n’y a pas de remise en cause fondamentale du dispositif d’aide à l’export tel qu’il est ressorti de la réforme dite de Roubaix *, avec la création de la Team France Export. En revanche, il ressort un constat assez critique de l’absence de stratégie globale en matière d’internationalisation, via l’export ou l’attractivité des IDE. Est-ce dans ce défaut de stratégie que le bât blesse en France actuellement, et notamment ce manque de coordination entre la politique industrielle et la politique d’internationalisation ?
Charles Rodwell. On a voulu auditionner les différents acteurs de cette politique : l’État, avec le ministre en charge du Commerce extérieur et de l’attractivité, Olivier Becht, mais aussi les responsables des grandes administrations comme la direction générale du Trésor côté ministère de l’ Économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, la direction générale mondialisation côté ministère de l’Europe et des affaires étrangères; les opérateurs publics mais aussi privés qui constituent la Team France Export : les chambres de commerce et d’industrie (CCI), Business France, Bpifrance, les CCI France international ; et enfin les bénéficiaires de cette politique, les entreprises et leurs salariés, à travers des PME comme Sabre et Armor Group, ainsi que des organisations patronales et interprofessionnelles comme le Gican pour l’industrie navale ou le BNIC pour la filière cognac.
Nous avons mené nos auditions sans a priori, avec la volonté d’écouter ce que nos interlocuteurs avaient à nous dire. Pour ce qui me concerne, j’en ai retiré trois messages forts.
Le premier message est que le commerce extérieur reste plus que jamais un combat politique et c’est un combat politique commun, dans lequel l’État a un rôle clé à jouer. Sur les propositions communes que nous faisons ensemble, c’est aussi un combat politique dans le sens noble du terme, avec des visions qui s’affrontent entre les acteurs qu’on a rencontrés et même entre les deux corapporteurs de la mission, par exemple sur des sujets comme la fiscalité et les IDE. Et quand j’emploie le terme de combat politique, c’est surtout pour indiquer que la puissance publique, l’État, a un rôle clé dans cette affaire.
Un seul exemple parmi les propositions qu’on a faites, celui de la reconstitution des chaînes de valeur : si on veut vraiment reconstituer des chaînes de valeur en France, il faut regarder ces chaînes maillon par maillon, voir quelles sont les entreprises dont on a besoin pour les reconstruire au niveau national et européen ; et ensuite, ensuite c’est le rôle de l’État et des Régions de mieux s’organiser, en partenariat, pour attirer de manière très offensive telle ou telle entreprise dont on a besoin.
Le deuxième message, c’est que nos deux guichets uniques, la Team France Export et la Team France Invest, sont d’excellents dispositifs qui produisent de bons résultats depuis 4 ans et demi. Ils méritent cependant d’être améliorés, notamment en simplifiant et en rendant plus visibles les produits existant en matière d’aide à l’export. L’arbitrage qu’a rendu Olivier Becht en faveur du maintien des conseillers internationaux dans les CCI, a, en ce sens, reçu un accueil favorable de la part des entreprises et des bénéficiaires que nous avons auditionnés. Il faut approfondir ces guichets et il faut les rationaliser encore, notamment à l’étranger.
Troisième message : la direction dans laquelle on veut aller. La reconquête industrielle est engagée depuis cinq ans, avec notamment toutes les mesures fiscales de soutien à la production et à l’investissement, la réforme du marché du travail. Mais pour produire un bien, il faut savoir à qui on va le vendre et je suis intimement convaincu qu’il n’y a pas de politique industrielle possible sans politique à l’export et réciproquement, pas de politique à l’export possible sans politique industrielle. L’export doit s’inscrire au cœur de notre reconquête industrielle.
« On fixe … une priorité stratégique pour les industries privilégiées par France 2030 »
Le Moci. Et donc concrètement, quelles propositions se détachent ?
Charles Rodwell. L’objet de cette mission et des propositions qu’on a faites n’est pas de renverser la table, elles sont concrètes et opérationnelles pour servir les trois objectifs que je viens de vous décrire de la manière suivante : 1, comment renforcer le combat politique sur ce sujet ? 2, comment améliorer la TFE, sachant que l’amélioration de cette TFE passe par le fait que l’export doit s’inscrire au cœur de notre reconquête industrielle ? Et 3, comment concrètement tout cela se décline ?
Le Moci. Sans entrer dans le détail de toutes les propositions du rapport, comment mettre plus de vision export dans la politique industrielle ? Vous évoquez par exemple la possibilité de renforcer la coordination entre le Conseil national de l’industrie (CNI) et les opérateurs de la TFE ou encore avec les organismes qui gèrent France Relance et France 2030…
Charles Rodwell. Beaucoup a déjà été fait sur ce sujet quand on pense que lorsque le Conseil national de l’industrie (CNI) a été mis en œuvre, le ministre du Commerce extérieur n’avait même pas été invité à l’époque… Comment aller plus loin ? Un exemple. On a pris très concrètement les objectifs de France 2030, le véhicule qui porte notre politique industrielle. Il fixe dix grandes priorités sur des secteurs tels que l’exploration des fonds marins, l’avion vert, le véhicule autonome, l’hydrogène, etc. Or, les priorités qui sont fixées aux différents opérateurs de la Team France Export ne sont pas les mêmes. Dans le renouvellement du contrat d’objectifs et de moyens de ces différents opérateurs, par exemple Business France, il nous semble important d’aligner les priorités de nos opérateurs à l’export et à l’attractivité avec celles fixées à chacune de nos filières, notamment industrielles.
On n’oublie personne, évidemment, toutes les entreprises qui veulent aller à l’export peuvent être accompagnées par les dispositifs publics mais on fixe tout de même une priorité stratégique pour les industries privilégiées par France 2030 afin de leurs trouver des débouchés export. Sur ce point, une bonne nouvelle a été annoncée récemment : le SGPI (Secrétariat général pour l’investissement), qui gère France 2030, va désormais partager les lauréats de France Relance et France 2030 avec Business France. Cela veut dire qu’une fois désignée lauréate, une entreprise pourra désormais être accompagnée à l’export par les opérateurs publics sous la houlette de Business France. Il faut aller plus loin et systématiser cette approche dans tous les appels à projets ou à manifestation d’intérêt de France 2030.
Mais cela peut se faire à une condition majeure : que ces opérateurs publics de l’export, Business France en tête, aient une visibilité budgétaire pour s’inscrire dans le long terme. Un cycle industriel, c’est entre 15 et 25 ans ; bien-sûr il est impossible de donner une visibilité budgétaire sur une telle durée, mais on peut leur donner une visibilité à moyen terme.
Le Moci. C’est le sens d’une des propositions du rapport qui plaide pour que les opérateurs bénéficient d’un budget pluriannuel et non plus annuel, qui est remis en cause chaque année ?
Charles Rodwell. Exactement. Par exemple sur une période triennale.
Le Moci. Business France a obtenu 16 millions d’euros supplémentaires pour 2023. Est-ce justifié selon vous ?
Charles Rodwell. Plusieurs raisons justifient une telle enveloppe supplémentaire. La première est que l’opérateur public fait déjà un travail formidable, qui sert nos entreprises pour aller à l’export. La deuxième est que dans le contexte d’inflation actuel, le soutien à l’export coûte plus cher et qu’il était absolument nécessaire de soutenir cet effort. Enfin, on est dans une période où, malgré les chocs des crises – sanitaire, énergétique – on assiste à une réouverture assez massive de l’ensemble des marchés au niveau mondial. Est-ce vraiment le moment de réduire la voilure sur la politique à l’export ou est-ce au contraire le moment de confirmer les fondamentaux et d’accélérer en poussant certains leviers ? Je crois plutôt à la deuxième option, c’est la raison pour laquelle je suis ravi de pouvoir mener cette mission en ce moment.
C’est une période qui permet de remettre en cause certains fondamentaux, notamment de redéfinir nos priorités stratégiques, le 2e grand axe de notre mission. En outre, nous sommes en début de quinquennat, période durant laquelle il va peut-être y avoir de nouvelles annonces sur l’export, une poursuite de la stratégie de Roubaix ou une inflexion, on verra ce que le gouvernement va annoncer ; mais c’est un sujet sur lequel les opérateurs publics sont vraiment moteurs de contribution et je crois que les crédits qu’ils ont obtenus en plus vont dans ce sens
« Mieux définir l’équipe de France
qui repère et identifie les talents »
Le Moci. En fixant des priorités en lien avec la politique industrielle, ne craignez-vous pas de laisser tomber les primo-exportateurs et les entreprises qui ne cochent pas les cases de France 2030 ?
Charles Rodwell. Au contraire ! Aujourd’hui, nous l’avons constaté au cours de nos auditions, beaucoup de dirigeants d’entreprises ont l’impression qu’il n’y en a que pour les grands groupes ou pour la pépite qui a obtenu le brevet mondial, et jamais pour eux. C’est une impression très répandue qu’il faut prendre en compte.
Avec une enveloppe limitée, on fait face à un choix : soit on saupoudre, soit on définit des véhicules financiers de soutien à l’export pour les accompagner. Et là, de manière très concrète, on a fait une proposition : mieux définir l’équipe de France qui repère et identifie les talents, une véritable équipe de France de la prospection. Dans cette perspective, le fait que les conseillers internationaux de Business France restent dans les CCI est une décision importante. Les CCI sont en effet le principal repère pour des dizaines de milliers d’entreprises en France pour être accompagnées sur tout type de démarches. Par ailleurs, ces conseillers internationaux sont en lien permanent avec les conseillers des CCI qui travaillent sur d’autres domaines.
Dans « l’équipe de France de la prospection », les fédérations professionnelles ont aussi un rôle beaucoup plus important à jouer. Prenons l’exemple de la filière du cognac, dont on a auditionné les représentants. Quelle est leur recette pour rencontrer autant de succès à l’export ? D’abord, ils ont acquis une visibilité à presque 15 ans sur les évolutions futures de leur marché en étant en veille permanente sur les tendances et les nouvelles pratiques, ce qui leur permet d’adapter l’outil industriel. Ensuite, ils ont bâti une exceptionnelle solidarité de filière entre les fournisseurs agricoles, les viticulteurs et les entrepreneurs du négoce. Tous contribuent à cette solidarité de filière. Ce modèle mérite d’être étudié par chaque filière française.
Le Moci. Il y a aussi tout le volet de la préparation à l’export, la formation…
Charles Rodwell. En effet, après l’identification, la préparation. C’est tout le volet formation qu’on essaie de décliner dans le rapport, sans oublier la sensibilisation aux nouveaux risques, tels que ceux liés à l’intelligence économique et à la géopolitique. Aller à l’export, c’est aussi s’exposer à des risques nouveaux qu’il ne faut pas négliger, comme l’espionnage industriel. Ces temps de préparation des entreprises, ce sont aussi des sujets de langue, de maîtrise des flux, de gestion de trésorerie.
« La politique de salon nationaux dédiés à l’export est une très belle opportunité à saisir »
Le Moci. Venons-en au sujet du soutien à l’export… Votre rapport fait des propositions pour renouveler les délégations et voyages, mais la vraie nouveauté est celle qui consiste à développer des salons export, mais sur le territoire national…
Charles Rodwell. C’est en effet la raison pour laquelle nous proposons d’expérimenter la création d’un nouvel organisme, « France salons », sous l’égide du Business France. Pourquoi ? Nous avons demandé une contribution des services économiques régionaux dans cinq pays européens -Allemagne, Pays-Bas, Italie, Espagne et Royaume-Uni- pour savoir comment ces pays soutiennent leurs entreprises à l’export et mènent leur politique d’attractivité.
Prenons l’exemple de l’Allemagne : elle occupe la première place mondiale de l’organisation de foires et de salons, et cela contribue à soutenir ses exportations parce que les Allemands ont défini au départ une stratégie très claire qui consistait à choisir les thématiques des salons en fonction des caractéristiques du tissu des PME et ETI du Mittelstand. Autrement dit, ils amènent à leurs entreprises leurs clients directement sur le territoire national. En plus ils visent le haut de gamme en ciblant une dizaine de secteurs stratégiques et en créant sur chacun de ces secteur le salon mondial.
Il n’y a pas de fatalité : la France est leader mondial sur un certain nombre de secteurs, elle en train de le devenir sur d’autres. Je crois que la politique de salon nationaux dédiés à l’export est une très belle opportunité à saisir. Il compte déjà de belles réussites dans ce domaine : sur le salon Maison & Objet, 50 % du chiffre d’affaires va à l’export ! Une opportunité extraordinaire va se présenter dans les années qui viennent avec les grands événements sportifs comme les championnats de ski mondiaux de Courchevel, la coupe du monde de rugby 2023, les jeux olympiques 2024. Ne peut-on imaginer, par exemple, de créer des salons sport-export avec nos champions mondiaux dans les équipements sportifs ? Je suis absolument certain qu’on peut créer ce type de salon, soit à l’occasion d’un d’événement précis, soit pérenne.
« Il faut qu’on réfléchisse filière par filière à la manière dont on peut regagner nos parts de marché »
Le Moci. Venons-en aux priorités stratégiques de la politique du commerce extérieur. On vient de parler du lien à renforcer avec la politique industrielle. Quid des priorités géographiques ? Dans votre rapport, vous recommandez une priorisation de l’Europe et des pays francophones. Pourquoi ?
Charles Rodwell. On dégage deux priorités. D’abord définir les zones géographiques dans lesquelles la France a un avantage comparatif, commercial, industriel et culturel. C’est la raison pour laquelle soulignons particulièrement la nécessité de produire et de développer une « marque France » qui véhicule nos atouts, comme l’Italie a su le faire pour sa propre industrie.
Concernant l’espace francophone, notre avantage comparatif c’est notre langue et notre culture, qui se décline dans des univers partagés sur les plans juridique, monétaire et financier. Cela peut, par exemple, se traduire par la mise en œuvre de juridictions commerciales spécialisées communes, ou d’un mécanisme de signature électronique commun, qui faciliterait la vie à l’international. C’est la raison pour laquelle dans le rapport, nous soutenons cette idée de renforcer la francophonie économique – le « Commonwealth francophone »- et toutes les initiatives en la matière, notamment La REF (Rencontres des entrepreneurs francophones) qu’organise le Medef.
Deuxième priorité : regagner les parts de marché qu’on a perdues. Par exemple en Europe : 60 % de notre déficit commercial provient de cette zone. Nous sommes en déficit avec des pays comme l’Italie, la Belgique, l’Allemagne. Il n’y a aucune fatalité. Le sujet est macroéconomique mais il est aussi microéconomique. Il faut qu’on réfléchisse filière par filière à la manière dont on peut regagner nos parts de marché. Il y a des potentialités mais on en revient au premier point dont on parlait au début de l’entretien : si l’export et l’attractivité ne s’inscrivent pas au cœur de la politique industrielle de chaque filière, on n’arrivera pas à se saisir du problème. A titre d’exemple, des filières de l’agroalimentaires sous-exploitent le potentiel des traités de libre-échange signés par l’Union européenne avec des pays comme le Canada ou le Japon.
Le Moci. Comment voyez-vous la détermination des priorités géographique ?
Charles Rodwell. Il faut bien évidemment déterminer les avantages comparatifs et les priorités géographiques filière par filière, en favorisant la coordination entre les organisations de filières et les opérateurs. Les avantages comparatifs de la filière cognac ne sont pas ceux de l’industrie navale : la première explique qu’elle dépend essentiellement des États-Unis et de la Chine et que ces deux marchés étant extrêmement différents, elle adapte à chacun les dispositifs qu’elle mobilise. A l’inverse, pour l’industrie navale, le grand marché de croissance est le bassin indopacifique.
Sur l’hydrogène vert, il existe de nombreux marchés potentiels, notamment au niveau européen. Si à l’inverse on parle du nucléaire, et notamment des petits réacteurs SMR, c’est dans les économies émergentes que sont les opportunités.
« Le vrai enjeu, c’est le partage de l’information »
Le Moci. Vous souhaitez donner un rôle davantage opérationnel au Conseil stratégique de l’export, ou du moins un groupe resserré de quelques-uns de ses acteurs ?
Charles Rodwell. Cette idée est venue de l’audition d’Olivier Becht et je pense que le ministre a vraiment une bonne intuition sur le sujet. Le Conseil stratégique de l’export, c’est une grande messe où il y a 40 personnes autour de la table, où chacun présente le bilan de son action. Pour fixer un cap, des objectifs, et assurer un pilotage plus opérationnel, il semble assez important de créer un groupe d’une dizaine d’acteurs qui se réunirait plus fréquemment, mensuellement par exemple, et de manière beaucoup plus opérationnelle.
Le Moci. N’y-a-t-il pas encore à simplifier les centres de décision au niveau de l’Etat en matière de commerce extérieur, qui demeurent encore divers entre le Quai d’Orsay, Bercy, voir l’Agriculture, la Défense ou encore l’Elysée ?
Charles Rodwell. Sur la première partie de votre question, le changement qui a eu lieu en 2012 avec le rattachement du Commerce extérieur ou ministère des Affaires étrangères est un changement majeur. Ce n’est pas forcément un sujet grand public mais il a vraiment été majeur pour les opérateurs de l’État. Les efforts qui ont été faits depuis cette décision et l’adaptation qui a été menée par les administrations concernées ne sont pas négligeables. L’association plus grande du ministre en charge du Commerce extérieur aux travaux du CNI l’illustre.
Il y a un sujet d’autorité, même si les textes sont clairs et qu’il y a complémentarité entre les différents ministères. En revanche, je suis convaincu que le vrai enjeu, c’est le partage de l’information. Dans notre rapport, nous proposons très concrètement de créer un outil de partage des données commun aux services économiques régionaux et à la direction de la mondialisation du Quai d’Orsay pour qu’ils puissent partager leurs notes « pays » émises par les chancelleries des ambassades et réciproquement, les notes de conjoncture émises par les services économiques régionaux (SER). Ça n’a l’air de rien, mais ça peut faire une très grande différence. Surtout depuis que l’ambassadeur a autorité sur le pilotage de l’accompagnement économique des entreprises. Les rôles sont plutôt bien définis, maintenant, sur la partie opérationnelle, notre prochain enjeu sera vraiment le partage de la donnée. Autre exemple, le logiciel de relation client (CRM) One Team, commun à Business France et aux CCI, est un dispositif utile qui doit être mieux partagé avec l’ensemble des acteurs de la Team France Export, dans le respect du secret bancaire et des règles en matière de protection des données personnelles (RGPD).
Pour les opérateurs, « la clé, c’est la visibilité »
Le Moci. L’année 2023 est importante pour les opérateurs, notamment Business France et les CCI, avec la signature à venir des nouveaux contrats d’objectif et de moyen (COM) avec l’Etat. Quels seraient vos principales recommandations à cet égard ?
Charles Rodwell. Pour moi, la clé c’est la visibilité : leur donner une visibilité pluriannuelle sur le plan budgétaire, ainsi que des objectifs très clairs. Sur ce dernier point, je vois deux axes : les priorités industrielles d’une part, et d’autre part, l’évaluation pays par pays des partenariats noués par Business France avec les CCI France international. Il s’agit de déterminer à quel point l’accompagnement direct ou indirect du Business France doit être renforcé, marché par marché.
En donnant de la visibilité aux opérateurs publics à l’export, notamment sur leur budget, on leur donne la possibilité d’accompagner nos entreprises à plus long terme. On leur donne aussi, plus fondamentalement, la capacité de porter le message de la « marque France » quelle que soit celle qui émergera des réflexions en cours. On a d’ailleurs proposé, dans le rapport, de franciser les noms tout en les maintenant compréhensibles par les non-francophones : « Team France export » et la « Team France Invest » pourraient tout à fait devenir « France export » et « Investir en France ». C’est un acte très concret et très simple pour commencer à porter la marque France qui est la nôtre.
Propos recueillis par
Christine Gilguy