Peu connu du grand public, le métier de l’entreprise Eve (Emulation & Verification Engineering), spécialiste de l’émulation matérielle, est fort apprécié des fabricants et des intégrateurs de circuits électroniques. La PME développe en effet des machines électroniques, les ZeBu (pour Zero Bug), permettant de tester des circuits en reproduisant les comportements des appareils dans lesquels ils sont intégrés (ordinateurs, téléphones, imprimantes…).
Les ZeBu sont utilisés pour vérifier la conception matérielle et logicielle des systèmes tout au long du cycle de développement ce qui leur évite de passer par de trop nombreux circuits de test.La société a été créée en 2000 par quatre anciens cadres de Meta Systems, une société française spécialisée dans l’émulation, rachetée en 1996 par l’américain Mentor Graphics, éditeur de logiciels de conception assistée par ordinateur (CAO). Dès l’origine, Eve se place dans une stratégie internationale : l’offre de la société, qui se positionne comme prestataire de services, intéresse logiquement son ancien employeur, qui devient leur client. En 2001, Eve commence à développer ses propres produits, les premiers ZeBu, des cartes d’émulation se plaçant directement dans les ordinateurs PC du marché. Elle fait le choix de s’appuyer sur des systèmes standard et de proposer des solutions pour un coût s’élevant de 50 000 à 75 000 dollars.
À l’époque, les acteurs de l’émulation se focalisaient surtout sur des projets haut de gamme avec des budgets débutant à plusieurs centaines de milliers de dollars. La société travaille rapidement pour une vingtaine de sociétés allant de Texas Instrument en France à Fujitsu au Japon en passant par Canon en Australie… « C’était une stratégie logique : le marché français était trop restreint et notre offre n’avait d’équivalent nulle part », explique Luc Burgun, l’un des fondateurs et P-dg de la société.
En 2003, un premier tour de financement auprès d’investisseurs et de fonds d’investissement européens donne à Eve les moyens de son développement. Avec un apport de 3 millions d’euros, la société ouvre son premier bureau aux États-Unis, à San Jose (Californie), et travaille sur une nouvelle génération de produits avec des émulateurs 50 fois plus puissants. Ce qui lui ouvre le marché des fabricants de microprocesseurs. Deux autres tours de financement sont finalisés en 2003 puis en 2004. La société passe d’un chiffre d’affaires de 1,5 million de dollars (un peu plus de 1 million d’euros) en 2004 à plus de 7 millions de dollars (presque 5 millions d’euros) en 2005. En 2006, une nouvelle demande de financement permet à Eve de se déployer au Japon. En tout, 14 millions d’euros sont levés et ont permis à la société d’assurer sa position de leader européen de l’émulation matérielle, dans un marché mondial qui représente 200 millions de dollars par an.
Tous les deux ans, la société propose des produits plus puissants, plus rapides… « Les besoins de nos clients augmentent en proportion des nouvelles capacités que nous leur proposons », souligne Luc Burgun. Avec quelque 50 clients actifs (dont CEA, Texas Instrument, Philips Semiconductors, LG, Panasonic, Konica Minolta, ATI, Qualcomm…), principalement aux États-Unis, au Japon et en France, le P-dg estime que sa société détient environ 16 % du marché mondial. Eve souhaite continuer à se développer notamment en Corée du Sud, où elle a récemment ouvert une filiale, ainsi qu’en Chine et à Taïwan. Quant à la prochaine grande étape, c’est une entrée en bourse d’ici à deux ans. Très probablement aux États-Unis.
Nathalie Bloch-Sitbon