Avec 13 jours de délai supplémentaire dans le paiement de leurs fournisseurs, les entreprises européennes renouent avec des niveaux de retards moyens datant d’avant la pandémie de Covid-19, selon le cabinet Altares. Mais ce chiffre masque des situations disparates.
Surprise : en dépit d’un contexte économique chaotique, les entreprises en Europe essayent au maximum de payer leurs factures rubis sur l’ongle. C’est ce qui ressort de la dernière étude du cabinet d’informations économiques pour les entreprises Altares.
Elles étaient 48,4 % au 2e trimestre de cette année à payer leurs fournisseurs à temps, contre 45,3 % au 3e 2020. Les retards supérieurs à 30 jours, sont également moins fréquents (8,3 % des entreprises contre 10 % il y a 18 mois). Les retards moyens en Europe diminuent nettement pour atteindre 13 jours, un seuil qui n’avait plus été atteint depuis le 1er trimestre 2018.
« Covid, difficultés d’approvisionnement, guerre en Ukraine, inflation galopante, ralentissement de l’activité économique, crise énergétique et désormais menace d’une récession… ce contexte sérieux incite à la vigilance et par conséquent à la gestion précautionneuse de son cash, analyse Thierry Millon, directeur des études Altares. Pourtant, globalement, les comportements de paiement ne se dégradent pas. Mieux, ils s’améliorent. Les entreprises cherchent à préserver leur relation avec leurs fournisseurs et pour cela s’attachent à payer les factures à l’heure, quitte à négocier ponctuellement des délais plus longs lorsqu’ils sont sous le plafond des 60 jours. »
Nette diminution des retards en France et en Belgique
Hormis l’Allemagne (6,5 jours) et les Pays-Bas (5 jours), éternels bons payeurs contre vents et marée, la moyenne Européenne s’est nettement améliorée en grande partie grâce à la France, qui passe sous la barre symbolique des 12 jours (11,6 jours), et la Belgique. Les retards de paiement des Belges, traditionnellement proches de ceux des Français ont chuté à 9 jours.
En revanche, la situation est toujours aussi délicate dans les pays du Sud. En Italie, les retards moyens de paiement s’élèvent toujours à 18 jours parvenue à redescendre sous le seuil de 18 jours malgré la dématérialisation de la facturation, obligatoire depuis le 1er janvier 2019. L’Espagne stagne toujours autour de 14 jours et le Portugal bat toujours tous des records avec 26 jours.
Enfin, avec désormais 15,6 jours de retard moyen, le Royaume-Uni enregistre son plus mauvais chiffre depuis fin 2016. Désormais, une entreprise britannique sur dix retarde le règlement de ses fournisseurs de plus 30 jours.
Un avenir incertain
Pour Thierry Million, « les bons chiffres de ce premier semestre 2022 donnent l’illusion d’une résilience sans faille des entreprises européennes ». « Mais ne nous y trompons pas, le risque commercial et financier grandit rapidement, à l’instar de l’envolée des défaillances d’entreprises, prévient-il. Car faute de liquidités abondantes, les comportements de paiement pourraient bien se dégrader de nouveau en Europe sur cette deuxième partie de l’année. »
Selon les données publiées par Allianz Trade en juin dernier, les défaillances d’entreprises devraient en effet bondir de 10 % cette année et de 14 % en 2023.
Par secteur, les activités où l’on observe les comportements les moins vertueux restent les activités BtoC, en particulier la restauration (19,4 jours), les salons de coiffure ou de beauté (19 jours) et le commerce de détail d’habillement (17,6 jours). La filière textile-habillement est également sous tension en B2B. Le commerce de gros affiche un retard de plus de 18 jours tandis que dans la fabrication, le décalage qui avait approché 12 jours en 2021 remonte au-delà de 13 jours depuis le début de l’année.
A l’inverse, quelques activités présentent des retards de paiement inférieurs à 10 jours. En tête de celles-ci le bâtiment (8,2 jours) et l’assurance (8,9 jours), suivis de l’édition (9,2 jours), la fabrication de matériaux de construction (9,4 jours) ou la réparation-maintenance industrielle (9,4 jours).
Reste à savoir si cette tendance à l’amélioration globale des retards de paiement sera encore d’actualité à la fin de l’année. Selon une étude publiée par la société de recouvrement Intrum en juin, six entreprises sur dix en Europe s’attendent à ce qu’ils augmentent dans les mois à venir.
S.C.