Quel sera l’impact du ‘Brexit’ sur les relations entre les États-Unis et l’Europe et sur les négociations en cours pour un accord de libre échange de grande ampleur, le TTIP (Transatlantic Trade and Investment Partnership), dont Londres est un fervent défenseur au sein de l’Union européenne (UE) ? Les Américains sont inquiets et prônent l’apaisement, leur secrétaire d’État est venu le dire à ses homologues européens.
Invité à participer à la session matinale de la réunion des ministres des Affaires étrangères de l’UE, ce lundi 18 juillet à Bruxelles, John Kerry a notamment rappelé les craintes de Washington après le « oui » des Britanniques au référendum sur la sortie de leur pays du bloc européen. Et pour tempérer les États qui, comme la France, seraient tentés de ‘punir’ le Royaume-Uni, le secrétaire d’État américain a préconisé des négociations « en douceur » qui ne perdraient pas de vue « les valeurs et intérêts qui nous ont rapprochés ». Il s’exprimait lors d’une conférence de presse commune avec son homologue européenne, Federica Mogherini.
Autre dossier chaud, l’accord de libre-échange en cours de négociation entre l’UE et les États-Unis. Pour le chef de la diplomatie américaine, le TTIP a « une capacité très significative de faire contrepoids à tout effet négatif qui ressortirait de l’accord qui sera négocié entre le Royaume-Uni et l’UE ». Dénonçant la « mythologie » qui s’est développée autour du futur traité transatlantique, il a rappelé ses nombreux avantages, contredisant les principaux arguments des activistes anti-TTIP. « Cela créera des emplois, cela protégera les intérêts des Européens, protégera leurs droits en matière de régulation, protégera leur capacité de respecter le droit du travail ou encore l’environnement », a assuré le secrétaire d’État américain, promettant de revenir prochainement en Europe afin de « donner plusieurs discours, dans différents lieux, pour présenter les faits et que les gens comprennent exactement le côté positif et le coup de fouet économique dont l’Europe à besoin ».
La Grande-Bretagne représente 25 % des exportations américaines vers l’UE.
Quelques jours plus tôt, Dan Mullaney, le négociateur en chef côté américain, avait lui aussi fait part de ses préoccupations quant à l’impact négatif d’un éventuel ‘Brexit’ sur les pourparlers en cours. A l’issue du 14e round de discussions qui s’est tenu à Bruxelles du 11 au 15 juillet*, le haut responsable a évoqué les questions soulevées par ce nouveau tremblement de terre au sein de l’UE, rappelant notamment que la Grande-Bretagne représente 25 % des exportations américaines vers l’UE.
Après le Brexit, « les relations économiques et stratégiques restent fortes, mais en même temps, le retrait du Royaume-Uni du marché européen va affecter la valeur du marché de l’UE », a admis Dan Mullaney. « Le Royaume-Uni est notre plus grand marché aussi pour les services », a-t-il ajouté, se référant à la présence américaine massive dans la cité financière de Londres. Faisant écho aux déclarations de son homologue européen, Ignacio Garcia Bercero, il a néanmoins rappelé que l’ambition des deux camps restait la même, à savoir la fin des discussions cette année. « La décision du peuple britannique ne retarde en aucun cas notre détermination », a insisté le négociateur en chef côté européen.
Après le 14ème round, aucun des volets de l’accord ne fait l’objet d’ un compromis
En dehors des sessions officielles, les discussions se poursuivent donc sans relâche pour parvenir à un texte consolidé d’ici à la fin de l’été, seule façon de respecter les échéances fixées par les hauts responsables de part et d’autre de l’Atlantique. Mais après trois ans de pourparlers, 14 rounds de négociations « des centaines de réunions, des heures passées au téléphone et de nombreuses propositions échangées, discutées et à nouveau échangées » – comme l’a souligné Ignacio Garcia Bercero – il n’existe à ce jour aucun volet de l’accord sur lequel un compromis entre les deux camps a pu être finalisé.
De maigres avancées admises à demi-mot par les négociateurs qui ont décrit des « progrès lents » sur le chapitre des services, des « préoccupations sérieuses » dans la sphère des marchés publics et des discussions qui devraient reprendre « la semaine prochaine sur les services financiers et la protection des investisseurs ».
L’optimisme n’était donc pas de mise à l’issue de cette 14e session de pourparlers. « Le consensus est proche sur le volet tarifaire », tempère-t-on à la Commission à Bruxelles. Mais ceux-ci étaient déjà très bas avant le lancement des pourparlers, l’objectif majeur du TTIP étant le démantèlement des barrières non tarifaires qui freinent les échanges entre les deux blocs. « Nous devons avoir un accord global qui touche le plus de sujets sensibles », indiquait au Moci un proche collaborateur de Cecilia Malmström rappelant que ce qui constitue une perte sur un volet du texte peut être compensé par une victoire sur un autre chapitre. « C’est pour cette raison qu’un accord light n’est pas la solution ».
Kattalin Landaburu, à Bruxelles