Depuis l’arrière-pays niçois, où elle est installée depuis 1975, Orsteel a opéré sa mue de PME sous-traitante d’usinage de pièces métalliques en « entreprise du patrimoine vivant » spécialiste de l’éclairage et des appareillages électriques haut de gamme. Chantre du « fabriqué en France », l’entreprise en a également profité pour rationaliser sa stratégie à l’international… et éviter les écueils de l’export par opportunisme.
« Après un chantage à la commission, nous avons dû déposer des mains courantes ». Adrien Sfecci, directeur d’Orsteel, garde un souvenir cuisant de sa première expérience sur le marché marocain où il travaille désormais en toute confiance avec « trois clients respectables ». Un mauvais souvenir qui n’a pas réussi à refroidir les ambitions à l’international de cette PME familiale de 22 personnes.
Orsteel, qui a réalisé cette année un chiffre d’affaires de 3,5 millions d’euros, dont 5 % à l’export compte en effet faire monter la part de ses acticités à l’international à 25 % d’ici fin 2024 (et son chiffre d’affaires global à 5 millions d’euros).
Créée en 1975 par le grand-père de l’actuel dirigeant, tourneur-fraiseur de profession, la société sous-traite le décolletage et l’usinage de pièces métalliques. En 2008, son fils lance une gamme de luminaires toujours produite en marque blanche pour un distributeur.
De la sous-traitance au luxe à la française
En 2016, lorsqu’Adrien Sfecci reprend l’entreprise familiale avec son frère, décision est prise de développer ce segment pour relancer l’activité et de créer une marque forte. « Nous avons complètement revu notre modèle et embauché un directeur de la communication et du marketing pour nous faire connaître auprès des secteurs de l’hôtellerie de luxe et du yachting ».
Aujourd’hui, la production s’articule autour de trois pôles : l’éclairage paysager, aquatique et architectural ( Orsteel Light, 70% de l’activité ), l’appareillage électrique (Orsteel Home, 29 %) et plus récemment la quincaillerie (Orsteel Switch, 1 %). Ce nouveau positionnement du luxe à la française s’avère payant : la marque se fait un nom avec des projets prestigieux comme l’éclairage du palais princier de Monaco. Orsteel est labellisée « entreprise du patrimoine vivant » puis « Origine France Garantie » en 2018.
Adrien Sfecci s’investit dans ce dernier réseau et prend la présidence du club Origine France Garantie des Alpes-Maritimes en 2021. Un an plus tard l’association qui gère ce label lui remet le prix d’entrepreneur de l’année qui vient consacrer une démarche de rapatriement de la production dans l’Hexagone.
« Nous sous-traitions à un atelier tunisien la fabrication de petites pièces comme des vis, des rotules et des boulons, une activité que nous voulons relocaliser ici, détaille le dirigeant. Le problème est que nous avons beaucoup de mal à trouver du personnel qualifié pour travailler sur des machines à commande numérique. Nous avons donc proposé aux employés tunisiens de venir travailler en France. Trois ou quatre se son montrés intéressés et leurs dossiers sont actuellement étudiés par la Préfecture. »
Maîtriser les coûts et les délais
pour mieux affronter la concurrence étrangère
Une nouvelle usine, qui doit ouvrir en 2023, accueillera donc l’essentiel de l’appareil productif. Aujourd’hui les luminaires revendiquent une part de 75 % de la valeur ajoutée réalisée en France et cette démarche s’inscrit pleinement dans la nouvelle stratégie à l’export de l’entreprise, qui met fin à la démarche opportuniste qui prévalait jusque là. « Avec une meilleure maîtrise des coûts et de la chaîne de production, nous pouvons répondre beaucoup plus vite à des commandes que nos concurrents allemands : produire en interne nous donne beaucoup plus de souplesse » estime le dirigeant.
Cet atout, alors que les chaînes d’approvisionnement sont particulièrement désorganisées depuis le début de la crise sanitaire, l’entrepreneur compte bien le faire fructifier à l’international, qui ne représente aujourd’hui que 5 % du chiffre d’affaires. « Nous exportons un peu au Royaume-Uni et au Koweit et nous avons fait une opération en Egypte via un agent qui nous a été présenté par l’entreprise d’éclairage public Ragni, installée à Nice ».

Cap sur les Emirats arabes unis
Pour trouver de nouveaux débouchés à l’étranger, Orsteel s’est adjoint les services du CIC Export. La banque mutualiste l’a accompagnée pour la partie administrative d’une opération d’éclairage aquatique aux Emirats arabes unis, qui doit se concrétiser en 2023 en partenariat avec l’entreprise américaine Lutron avec laquelle elle compte également prospecter en Europe.
Plus au sud, Orsteel souhaiterait également se faire une place sur le marché des villas et de l’hôtellerie de luxe en Afrique, actuellement en plein développement.
Pour l’heure, elle lorgne du côté de la Suède dont elle cartographie actuellement la concurrence avec l’aide du CIC. « Le marché de l’éclairage est très concurrentiel, il faut donc bien maîtriser ses coûts et proposer des produits pointus sur le plan technique », explique le dirigeant qui a relocalisé dans ses ateliers le vernissage et fera de même en 2023 avec la galvanoplastie, processus qui permet de recouvrir un objet d’une fine couche de métal par électrodéposition, pour l’instant encore sous-traité en Italie.
Ne pas délaisser non plus complètement la sous-traitance
Pour résoudre le problème de la corrosion caverneuse, qui nécessite un traitement particulier au nickel, c’est un client, Thalès Underwater, qui a proposé une solution technique. « Je suis d’origine italienne et j’ai cette culture de l’entraide », sourit Adrien Sfecci.
C’est d’ailleurs grâce à son réseau d’affaires qu’Orsteel produit désormais des pièces pour une entreprise de maroquinerie. Car, si l’entreprise se positionne clairement sur des marchés haut de gamme, elle ne délaisse pas non plus les activités avec d’importants volumes. Une machine à commande numérique vaut en effet 500 000 euros, autant la rentabiliser le plus possible.
En concentrant la production en France et en rationalisant sa stratégie à l’international, Orsteel espère décoller sur les marchés étrangers dans les deux prochaines années. Mais, comme le montre l’exemple tunisien, la réindustrialisation se heurte souvent à la disparition de savoir-faire en France ainsi qu’à la mauvaise presse qu’ont les métiers de l’industrie auprès des jeunes. Pourtant, Adrien Sfecci n’en démords pas : « C’est très valorisant de travailler dans une usine et il y a du plaisir à prendre dans l’industrie ! »
Sophie Creusillet