Spécialiste de l’aménagement de la montagne, l’ETI savoyarde MND a pu compter sur l’international, la diversification et la relocalisation de sa production pour pallier les effets de la crise sanitaire.
Remontées mécaniques, canons à neige, systèmes de déclenchement d’avalanches, vias ferratas… La montagne est au cœur des activités du groupe MND (Montagne Neige Développement) fondé en 2004 par Xavier Gallot-Lavallée.
Quatre ans plus tôt, le fondateur et actuel P-dg avait pris la direction de MBS (Matériel Balisage Sécurité), TPE familiale créée par son père et spécialisée dans la sécurisation des domaines skiables. L’entreprise, qui compte aujourd’hui 300 personnes, a ensuite pris de l’ampleur grâce à une quinzaine d’opérations de croissance externe dont les rachats de TAS (systèmes de prévention d’avalanches), du fabricant allemand de remontées mécaniques LST en 2012 ou encore de Prisme, spécialiste français de la via ferrata et des travaux en hauteur, la même année.
En 2013, pour financer son appétit de rachats, elle entre en bourse sur Euronext. A l’été 2019, le titre a perdu presque 90 % de sa valeur et MND annonce une possible cessation de paiements. Un an plus tard, elle annonce un plan stratégique axé sur la croissance organique et une restructuration en quatre pôles : Ropeways (câbles), Snow (enneigement), Safety (sécurité) et Leisure (activités de loisir).
S’allier à d’autres ETI industrielles pour répondre aux appels d’offre
Pourtant, cette croissance externe à marche forcée, qui a lourdement endetté le groupe, a aussi permis une diversification des activités et multiplié les opportunités à l’international, relais de croissance en ces temps incertains.
Ainsi des États-Unis, où l’entreprise vient de remporter un contrat de 9 millions de dollars (M USD) pour la construction de son premier télésiège 6 places américain, à Waterville dans le New Hampshire. Le fruit d’une approche de long terme.
MND a en effet abordé le marché états-unien il y a une quinzaine d’années, d’abord dans les métiers de la sécurité des domaines skiables et du déclenchement d’avalanches sans explosifs. En 2017, l’ETI entame une première collaboration avec la station de Waterville dans le domaine de l’enneigement : elle revoit tout le système, y compris les salles de supervision.
Pour ce contrat, l’entreprise a proposé une offre en commun avec le spécialiste suisse du câble Bartholet. « Pour des projets importants s’allier donne de la solidité, souligne Martin Francou, directeur marketing et stratégie de MND. C’est un partenariat stratégique et commercial. Nos gammes se complètent, nous sommes spécialisés dans la mécanosoudure et la chaudronnerie, et eux dans l’usinage, ça nous permet de nous répartir la charge de production »
Sur ce marché de niche la protection des brevets est primordiale
MND a donc démontré son agilité, capitalisé sur ses autres références américaines et la diversité de son offre. Elle a aussi fait la différence grâce à la maîtrise de technologies innovantes.
Le futur télésiège de Waterville est en effet « débrayable » : il est doté d’une « pince » reliant le câble de traction au véhicule. Capable de se découpler du câble, elle assure un meilleur contrôle de la vitesse et autorise le transport de charges plus lourdes.
« Peu de fournisseurs concurrents, peut-être trois au quatre dans le monde, proposent la technologie du débrayable. Nous exploitons 22 familles de brevets, tous protégés dans chacune des zones où nous sommes présents : la protection de la propriété intellectuelle et les démarches de certification sont des enjeux majeurs pour les ETI qui travaillent à l’international. » souligne le responsable.
Au total, MND a installé des équipements dans une cinquantaine de pays et dispose de filiales en Italie, en Autriche, en Suède, aux USA et en Chine, ainsi que de bureaux de représentation en Russie, au Japon et à Singapour.
En 2020, l’entreprise a réalisé 60 % de son chiffre d’affaires (de 40,3 M EUR selon l’exercice clos en juin) à l’export : 41 % en Europe et 19 % dans le reste du monde, dont 7 % en Chine où l’entreprise compte développer le câble et les loisirs.
Les marchés asiatiques dans le viseur
Les JO d’hiver de Pékin en 2022 ont apporté leur moisson de contrats pour des systèmes d’enneigement, sécurisation de pistes, remontées mécaniques et transport par câble. « Le ski est tout nouveau en Chine et la dynamique de ce secteur difficile à estimer » précise toutefois Martin Francou.
En revanche en Russie, la tradition du ski est bien ancrée et ce sont les JO de Sotchi qui ont ouvert les portes de cette zone à MND en 2014. L’entreprise savoyarde a fourni 130 unités de déclenchement d’avalanche sans explosifs grâce à une technologie utilisant un mélange gazeux. « Dans le Caucase, où les montagnes sont très avalancheuses et le stockage d’explosifs compliqué, ça a été un véritable atout », estime le directeur marketing.
Depuis MND a pris pied dans deux pays limitrophes, l’Azerbaïdjan (câble et loisirs) et la Géorgie (système de contrôle des risques avalancheux du domaine de Gudauri), des marchés réputés complexes. Elle a bénéficié de Fasep (Fonds d’études et d’aide au secteur privé) de la DG Trésor pour ces trois pays.
« Dans notre secteur nous avons affaire directement aux États dans ces pays : il y a des appels d’offres publics et les concurrents sont connus, tempère Martin Francou. Les ambassades de France sur place, en particulier en Géorgie nous ont beaucoup aidés. La difficulté vient de la complexité des projets, des infrastructures et de la méthodologie de la gestion de chantier. Pour le montage, nous travaillons avec des partenaires locaux que nous formons ».
L’Asie centrale et en particulier le Kazakhstan sont également dans la ligne de mire de l’ETI.
Une production 100 % made in France depuis la relocalisation de la production
Cette internationalisation s’appuie sur une production 100 % française depuis 2020 et le rapatriement en Savoie de deux unités de production installées en Allemagne (composants pour la traction par câble) et en Suède (un type d’enneigeur). « Relocaliser permet de faire baisser les coûts intragroupes, de créer une proximité entre la production et nos deux bureaux d’étude et de faciliter la logistique », énumère le directeur marketing.
Malgré un chiffre d’affaires en baisse de 16 % sur l’exercice 2019-2020, dans le contexte inédit de la crise sanitaire, le directeur de la stratégie du groupe voit l’avenir avec sérénité : « Malgré la fermeture des stations en France, en Italie et en Allemagne, qui induit une baisse de leurs investissements, nous surfons sur des relais de croissance en Asie, dans le Caucase et en Asie centrale, ainsi que nos efforts de diversification par le passé ».
Sophie Creusillet