Patrice Bouvet, ancien gendarme en Section de Recherche à Lyon reconverti
dans l’investigation et l’expertise en assurance transport (Cabinet Bouvet) est formel : « La forme majoritaire du vol de marchandises en Europe
est désormais celle du détournement de fret par usurpation d’identité. Au
départ nous avions affaire à des braquages de poids lourds pour voler leur
chargement. Aujourd’hui, la technique a changé ». Intervenant dans le cadre d’une
conférence de presse organisée par la société Teleroute, entreprise de bourse
de fret, il en a détaillé tous les aspects.
La Fédération européenne des transporteurs routiers estime à 3 756 les vols
déclarés de ce type dans l’Union européenne pour 2010, dont 1 276 pour la France. Le préjudice
moyen serait de 50 000 euros par détournement. Au niveau européen, le coût
de cette criminalité se chiffrerait au minimum à 170 millions d’euros par an.
Une estimation « à minima », car beaucoup de ces détournements ne
sont pas déclarés comme tels ou pas déclaré du tout, pour éviter d’avoir à
supporter un renchérissement des primes d’assurances.
En effet, les assureurs, le plus souvent, ne couvrent pas l’escroquerie, qui
n’est pas un vol, et rejettent le sinistre. Et si il y a indemnisation, la
limitation de responsabilité est la règle, les marchandises étant remboursées »
au poids, soit, en moyenne à 19 euros/kilo. Il est donc conseillé de souscrire
une assurance «ad valorem » ou « faculté » auprès
d’un assureur spécialisé transport, ou de demander des garanties à la bourse de
fret. Une garantie que propose effectivement la société Teleroute, avec son
service « e-confirm ».
Les pays concernés par ces pratiques criminelle, ne sont plus seulement
l’Italie, la Grèce,
l’Espagne. Cette pratique concerne maintenant d’abord, la Hongrie, la Bulgarie et la Slovénie, mais aussi la Slovaquie et
l’Ukraine, qui est un très gros pays de recel.
« Les méthodes sont
toujours les mêmes, indique Patrice Bouvet. Ce
détournement à lieu à l’occasion de l’utilisation d’une bourse de fret en ligne
par une entreprise qui veut expédier sa marchandise. Le plus souvent, cette
dernière ne connaît pas le transporteur. Ce qui permet à de faux transporteurs,
avec une fausse licence de transport, une fausse assurance et un faux relevé de
registre du commerce local, d’opérer. Ces faux documents sont très facilement
trouvés sur internet et imprimés». Ensuite, ces escrocs entrent en
contact par mail, puis par téléphone avec l’entreprise expéditrice.
Ces actions sont menées par le crime organisé, qu’il s’agisse de la Camorra ou d’organisations
maffieuses des ex-pays de l’Est : Hongrie, Macédoine, République Tchèque, Slovénie,
Moldavie… La Grande Bretagne,
pays d’Europe qui enregistre le plus grand nombre de vol en Europe, est aussi touchée. Ces
organisations utilisent des complicités internes à l’entreprise expéditrices du
fret. Il s’agit le plus souvent d’intérimaires, d’ex-salariés qui ont gardé des
codes d’accès. Les escrocs jouent aussi sur les différences de législations
dans l’U.E et sont souvent relâchés très vite ou pas du tout
appréhendés.
Aujourd’hui, toutes les marchandises sont concernées par ces
détournements : des matériels de haute technologie, électronique
(portable), électroménager et plus récemment des produits agro-alimentaires
(viande, alcool, produits frais, surgelés …). « Cette catégorie des
produits alimentaires progresse considérablement, à cause de la crise, parce
les produits alimentaires ne portent pas de numéros de série et qu’ils sont
faciles à recycler chez les grossistes et dans les circuits de la grande
distribution », note l’ancien policier, qui déclare aussi travailler régulièrement
avec la DRNED
(Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières) et avec l’OCLDI
(Office centrale de lutte contre la délinquance itinérante). Deux organismes
réputés pour leur efficacité.
En revanche, « la police
n’est pas toujours bien équipée et préparée à affronter ce type de criminalité »,
déplore Armand El Bazis, président de la société de transport Selectrans.
« La police manque de moyens et de personnel», confirme Patrice
Bouvet.
Gilles Naudy
Moci Pratique :
► Quelques conseil pour
éviter l’usurpation d’identité
●Demander l’identité de votre
interlocuteur (ne pas se contenter d’un prénom).
●Vérifier dans l’annuaire,
adresses, numéro de téléphone, mais surtout le
numéro de fax officiel du transporteur, numéro qui permet de détecter une
usurpation d’identité. Quand le n° de Fax ne correspond pas avec
celui de l’entreprise, alors même que les autres données sont bonnes.
●Vérifier le n° Siret
identifiant l’entreprise
●Vérifier que votre
interlocuteur travaille bien dans la société dont il se réclame.
●Vérifier qu’il n’est pas
officiellement en congé ou absent.
●Ne jamais répondre à un mail
avec Yahoo, Gmail, Hotmail.
●Informer l’antenne de police
ou de gendarmerie du domicile de votre société, saisira éventuellement l’OCLDI (Office
centrale de lutte contre la délinquance itinérante).
●Informer le bureau de douane régional (suivre le lien : http://www.douane.gouv.fr), qui fera
éventuellement suivre à la DNRED
(Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières).
●Souscrire une assurance
« ad valorem » ou « faculté », auprès d’un courtier ou d’un
assureur spécialisé.