Deux arrêts rendus le 13 novembre 2008 par la chambre sociale de la Cour de cassation viennent d´élargir le champ des bénéficiaires de la protection des salariés détachés dans une filiale étrangère.
À l´issue de son détachement à l´étranger, le salarié bénéficie d´un droit à être rapatrié et réintégré dans son entreprise d´origine. Généralement prévue dans la convention collective ou le contrat de travail du salarié, la loi encadre aussi cette situation, mais ne vise que le cas du salarié licencié par la filiale étrangère à la disposition de laquelle il a été mis par la société mère : celle-ci doit alors le réintégrer dans un emploi compatible avec l´importance de ses fonctions avant son départ (article L.1231-5 du Code du travail).
Cette protection n´est toutefois pas automatique : elle suppose l´existence d´un contrat de travail initial entre la société mère et le salarié, la mise à disposition de ce salarié auprès d´une filiale étrangère, la conclusion d´un contrat de travail entre la filiale et le salarié et le licenciement du salarié par cette filiale. Ces conditions sont défavorables au salarié, qui voit disparaître sa protection dès lors qu´il n´en remplit pas l´ensemble des critères. Deux arrêts du 13 novembre 2008 de la chambre sociale de la cour de cassation ont toutefois récemment élargi le champ des bénéficiaires de cette protection.
Un des arrêts du 13 novembre 2008 concernait une salariée ayant fait l´objet d´une mutation dans la filiale chinoise de sa société. En opérant cette mutation, la société mère met fin au contrat de travail la liant à la salariée, cette dernière concluant un nouveau contrat avec la filiale. Ne pouvant rejoindre son poste, la salariée se voit opposer la nullité de son contrat par la filiale. Alors qu´elle tente de faire jouer son droit au retour sur le fondement de l´article L.1231-5 du Code du travail, la société française refuse la réintégration, s´estimant libérée de tout engagement envers son ancienne salariée.
La cour de cassation ne suit pas cette analyse, considérant que « L´article L 1231-5 du Code du travail ne subordonne pas son application au maintien d´un contrat de travail entre le salarié et la société mère ». La société mère ne pouvait donc pas s´exonérer de son obligation de rapatriement en rompant le contrat la liant à sa salariée avant sa mise à disposition. Cette interprétation semble conforme à la philosophie du texte de loi, qui exige que les liens entre les sociétés soient ceux de société mère à filiale.
Cela suppose un contrôle économique fort entre les sociétés, permettant la survie d´un lien de subordination du salarié à l´égard de la société mère. Ce lien justifie son rapatriement et son reclassement par cette dernière, nonobstant la rupture du contrat les unissant.
Le second arrêt du même jour concerne un salarié engagé par une société française détaché au sein de sa filiale argentine. La société argentine ayant cédé ensuite son fond à une société tierce, l´ensemble de son personnel a été transféré, en application du droit argentin, conforme au droit français sur ce point.
Il n´y a donc pas eu rupture du contrat de travail, mais simple transfert. Après avoir vainement sollicité son rapatriement auprès de la société mère, le salarié a demandé la résiliation judiciaire de son contrat aux torts de cette dernière. La cour de cassation lui a donné raison, jugeant que « la cession par la filiale argentine mettait fin ipso facto au contrat de travail liant M. X à la filiale et qu´il s´en déduisait qu´il appartenait à la société mère de prendre l´initiative du rapatriement et de lui proposer un reclassement ». Ainsi, la haute juridiction élargit le champ d´application de la loi, qui n´est plus cantonné au seul cas du licenciement par la filiale, mais s´applique également en cas de cession de la filiale. .
Laila El Halfi, avocat associé, Daempartners
Les obligations de l´employeur accrues
Lors de l´expatriation, l´employeur doit tenir compte de la garantie de réintégration qui peut ainsi l´obliger, après plusieurs années d´expatriation et malgré la rupture du contrat initial, à organiser le rapatriement de son salarié et à le réintégrer sur la base de son salaire de fin de mission. Si cette réintégration s´avère impossible, il se verra contraint de mettre en œuvre un licenciement, distinct de celui opéré par la filiale, et motivé par une cause différente, en s´assurant d´éviter un contentieux qui l´exposerait au paiement d´indemnités calculées sur la base du dernier salaire.